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La belle histoire du Domaine Michelot

7 mai 2014 | Jean Chouzenoux, correspondant européen

La belle histoire du Domaine Michelot

Ou celle des 3 M : Michelot, Mestre et Meursault



Après son service militaire en Algérie, Bernard Michelot rentre dans ses terres natales de Bourgogne et rejoint son père, Alfred, sur la propriété viticole familiale de Meursault. Dans la jeune vingtaine, il s’arrache le cœur à cultiver la vigne et à produire un vin acceptable, qu’il vend ensuite en vrac à des maisons de négoce, comme c’est la coutume dans les années 1950.



Le labeur est dur pour Bernard. « Je ne suis pas ben grand pour maneûvrrrrer la chârrrue… En plus, not’ vin, on sait pas ou’sse qui pârt », dit-il un jour à son père, avec l’envie de tout abandonner. Mais cette réflexion a plutôt l’effet inverse : ils décident d’entreprendre un virage qui changera l’histoire du Domaine. « Et si on embouteillait notre vin nous-mêmes au lieu de le donner au négoce qui le mélange peut-être avec d’autres vins et qui le vend on ne sait où, ni à quel prix ? » propose Bernard. C’est donc sous l’impulsion de la famille Michelot et d’autres producteurs murisaltiens (habitants de Meursault) qu’au fil des ans, la plupart des viticulteurs ont adopté cette pratique grâce à laquelle nous buvons aujourd’hui des vins de propriétaires.





Le lustre construit par Bernard Michelot, un symbole qui orne le caveau de dégustation.



Évidemment, cela ne s’est pas fait sans heurt, mais pour les Michelot, la consécration arrive au bout de quelques années, lorsqu’Alexis Lichine (le Robert Parker des temps modernes) commence à distiller ses Tastevins d’Or (les notes sur 100 d’aujourd’hui). Lichine multiplie les commentaires élogieux sur les crus de Meursault produits par Bernard et son père, et leurs vins font leur apparition sur les grandes tables de la restauration française.



Puis, la vie suit son cours… Bernard prend épouse et, rapidement, arrivent trois ravissantes filles : Geneviève, Odile et Chantal. 



Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, dans le village voisin de Santenay, un jeune homme s’initie aux travaux de la vigne auprès de son père et, tiens… lui aussi rentre de son service militaire. Il se nomme Jean-François Mestre. Un beau jour, le jeune homme croise la jolie Odile et c’est l’idylle ! « Tu fais quoi dans la vie ? » lui demande la jeune femme. « Du vin avec mon père », lui répond J.-F. « Tiens donc ! Et si tu rencontrais mon père qui fait du vin à Meursault ? »





Le chais à barriques du Domaine Michelot.



Pour « faire court », le couple fait de belles épousailles et décide de travailler du côté de Meursault. Dès 1985, J.-F. fait donc ses premiers pas sur la propriété de son beau-père. La complicité s’installe, le lien de confiance s’établit. Bernard Michelot fait entrer Jean-François dans la cuverie et lui révèle ses secrets dans le but d’élaborer les meilleurs Meursault Charmes, Genevrières, St-Félix, Perrières, Grands-Charrons… Du même souffle, le patriarche se consacre à ce qu’il fait de mieux : la propagation de la bonne nouvelle. On ne sort pas un paysan, au sens noble du terme, de ses terres très facilement pour aller faire la promotion de ses vins. Alors, une autre idée de génie illumine maître Michelot : « Je ferai venir à moi les amateurs de vins du monde entier. Comme ça, en plus de mes vins, ils découvriront les charmes de notre village de Meursault et de la Bourgogne tout entière. » Il aménage ainsi un merveilleux caveau de dégustation, où l’on connaît l’heure à laquelle on entre, mais jamais celle à laquelle on sort… ni dans quel état ! Rapidement, le mot se passe et chaque semaine amène sa cohorte d’amateurs dans l’intimité du caveau, dont les alcôves regorgent de flacons aux millésimes anciens. Dans cette splendide caverne d’Ali Baba avec, à la main, un verre d’un vieux Meursault à la robe dorée, ô combien de Québécois ont écouté religieusement les anecdotes de l’ami Bernard ! Et si, par mégarde, la gent féminine est présente en ce saint lieu, c’est l’œil taquin que le maître lui décline moult compliments.



Les années passent, Bernard Michelot songe à passer la main. Jean-François s’occupe maintenant de tout : de la vigne, de l’élaboration des vins, de l’expédition. Parmi les filles, c’est Chantal qui s’implique le plus à la propriété. Le duo fait rondement fonctionner le Domaine qui, au fil des ans, prend de l’expansion. Un virage « bio » est effectué et les produits chimiques ne sont plus acceptés à la vigne. Mais le plus grand changement provient du style des vins qui sont désormais produits. Traditionnellement, les vins de Meursault sont gras en bouche et marqués par le côté vanillé de la barrique. En ce sens, ils se marient à merveille à la riche cuisine du terroir bourguignon qui, jadis, faisait généreusement appel à la crème, au beurre et autres lardons. Mais voilà, la tendance n’est plus là… elle est ailleurs, du côté de la légèreté, des produits sains et digestes.



Quand je demande à J.-F. Mestre quelle est sa vision du futur, il me confie sa crainte de voir le concept de domaine familial disparaître du paysage viticole bourguignon, face à l’appétit vorace des grandes corporations françaises ou étrangères. En outre, la fiscalité ne facilite pas la transmission du patrimoine auprès des générations qui suivent. Les bonnes années, les quelque 120 000 cols produits au Domaine Michelot se retrouvent chez les bons cavistes de la vieille France, mais aussi au Japon, en Australie, aux États-Unis et, bien sûr, au Québec.



En 2014, pour faire connaître les vins du Domaine sur la planète, c’est le fils d’Odile et de Jean-François, Nicolas Mestre, qui prend le bâton du pèlerin. Après avoir été stimulé et fortement imprégné du métier de la vigne par son grand-père et son père, le voilà qui part rencontrer les clients et amateurs répartis un peu partout sur la planète. Au Domaine, Chantal et Jean-François continuent de faire rêver les clients dans le caveau aménagé au milieu des années 1950… Dans le chais, au détour d’une allée de barriques, il est encore possible de croiser Bernard Michelot, l’œil brillant et ses 87 ans bien sonnés !  





Vin du Domaine Michelot offert à la SAQ :


Meursault Sous-la-Velle 2010


Code : 716472


Prix : 41 $


 



 



 



 


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