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Le Cercle de la Garnison

30 janvier 2013 | Jean-Marie Lebel, historien

Le Cercle de la Garnison
Consultez également le reportage Le Cercle de la Garnison : un lieu de réseautage ouvert à la jeune génération


D’hier à aujourd’hui



Dans le Vieux-Québec, à quelques pas de la porte Saint-Louis, un club privé occupe avec discrétion et distinction, et cela, depuis plus de 130 ans, l’édifice qui fait le coin de la passante rue Saint-Louis et de l’artère qui mène à la Citadelle. Ce club constitue l’une des plus anciennes institutions de Québec.


Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Déjà, en 1899, dans son beau livre sur Québec, Adolphe-Basile Routhier écrivait : « C’est le rendez-vous de tous ceux qui aiment causer, lire, fumer et dîner. » Dans les nombreux salons de ce club, les portraits, les tableaux et les objets souvenirs rappellent constamment aux membres du Cercle de la Garnison la longue histoire de leur club, qui n’en demeure pas moins, de génération en génération, toujours tourné vers le futur.


Depuis le temps où régnait Victoria


Par ses origines, le Cercle de la Garnison est un club privé de tradition britannique. Après la Conquête, le mess des officiers de la garnison britannique, qui fut installé à la Citadelle dans les années 1830, avait à maints égards le mode de fonctionnement des clubs privés de Londres. En 1861, des civils fondèrent le Club Stadacona dans une maison de la rue D’Auteuil. Des militaires anglais ou écossais et des miliciens canadiens en firent aussi partie. En 1871, la garnison britannique quitta Québec. Le Club Stadacona cessa ses activités en 1877. Certains de ses anciens membres, des officiers de la milice canadienne, eurent alors l’idée de fonder leur propre club privé. Baptisé Club de la Garnison, il amorça ses activités à l’automne de 1879, comptant 88 membres. Le premier président en fut le lieutenant-colonel Duchesnay durant 18 ans. Les civils furent admis dans le club dès les années 1880. C’est ainsi que se joignirent des gens des affaires, de la politique, du droit, de la fonction publique.


Source : Luc Noppen, Québec trois siècles d’architecture, 1979.
Source : Luc Noppen, Québec trois siècles d’architecture, 1979.

C’est en 1918 que les femmes furent admises au Club de la Garnison. Les femmes eurent accès à l’édifice par la porte du côté de la côte de la Citadelle. En 1976, invitée à une réception, la ministre Lise Payette réclama que les femmes puissent entrer par la porte principale de la rue Saint-Louis. Cette autorisation lui fut accordée et depuis lors, hommes et femmes passent par le vestibule d’honneur où le digne portier de l’institution a son pupitre. Thomas Cooper fut le portier durant plus de 50 ans. Il y eut durant 40 ans, à peu de distance du Club de la Garnison, sur la rue D’Auteuil, le Cercle universitaire. En 1984, les deux institutions fusionnèrent, constituant ainsi l’actuel Cercle de la Garnison et s’installant dans l’édifice historique du Club de la Garnison.


Il y a des jours où le Cercle de la Garnison se fait encore plus chic que de coutume pour accueillir de prestigieux invités. Parmi ceux-ci, il y eut des membres de la famille royale. À lui seul, celui qui allait devenir le roi Georges V accepta l’invitation à trois reprises : comme officier de la marine en 1890, duc d’York en 1901 et prince de Galles en 1908. Des héros de guerre ont aussi été accueillis, dont le maréchal Foch en 1921 et le feld-maréchal Montgomery en 1953. Venu secourir un collègue à Québec en 1928, l’aviateur Charles Lindberg s’arrêta au Club. Au cours de la Conférence de Québec de 1944, Roosevelt et Churchill fraternisèrent au Club de la Garnison. Et la liste des invités de marque serait bien longue.


Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

L’inimitable patine du temps


Il y a de ces édifices où le passage des ans donne du charme, du romantisme et une certaine sagesse. Il en est ainsi pour le bel édifice du Cercle de la Garnison. Lorsqu’on le visite, on a souvent l’impression que le temps s’y est arrêté à l’époque de Victoria ou, au plus tard, à celle de son fils Édouard VII. Depuis sa fondation en 1879, le club occupe le même site. L’édifice d’origine, qui a maintes fois été agrandi, fut construit en 1816 pour abriter le bureau et la salle à dessin des ingénieurs militaires. C’est d’ailleurs dans cet édifice que furent tracés les plans de la Citadelle. Les ingénieurs, partant pour l’Angleterre, abandonnèrent l’édifice en 1871; le ministère de la Défense confia donc l’édifice au Club de la Garnison en 1879 (Parcs Canada est propriétaire de l’édifice depuis 1992). Une aile pour la salle de billard fut érigée en 1881. L’année suivante, le club se procura un terrier écossais pour chasser les rats qui abîmaient le mobilier et le linge. En 1893, selon les plans d'Harry Staveley, on ajouta un étage à l’édifice, le coiffant d'un toit mansardé et l’ornant de deux tours, ce qui donna à l’édifice son style château.


Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Des alignements de salons, plus ou moins grands, occupent les deux étages de l’édifice. Ils ont des noms évoquant des membres et des pans de l’histoire du club : ce sont les salons des Croix-Victoria, Université, de l’Aviation, des Canadiens, Wheelhouse, Gérard-D.-Lévesque, des Présidents, Roy, des Artilleurs, Taché, du Royal 22e régiment, Hugues-Lapointe, des Voltigeurs et Saint-Laurent. Chacun des salons a sa personnalité et sa couleur, du bleu marine au rose saumon.


La vie quotidienne d’un club privé


Chaque jour, le Cercle de la Garnison est fréquenté par des « gens de bonne compagnie », comme l’on disait jadis. On y pratique, selon l’expression britannique, le « good fellowship ». Une certaine discipline y règne, bien entendu, le club ayant ses règlements de régie interne et ses coutumes non écrites. Assis sur le long « banc des juges » (car de ce poste, on y jugeait naguère les recrues), au pied du grand escalier d’honneur, des membres saluent ceux qui arrivent et ceux qui partent. Des membres et leurs invités causent tout en prenant un bon repas à la salle à manger de l’étage supérieur ou en prenant un verre au bar du rez-de-chaussée. Des réunions se tiennent dans l’un ou l’autre des salons. Les premiers ministres Jean Lesage et Daniel Johnson avaient pris coutume d’y tenir des rencontres. Les salons de bridge et de dominos ont leurs fidèles adeptes. D’autres membres lisent confortablement à la salle de lecture. Au cours de l’année, un bon nombre de membres se rassemblent pour le brunch de Noël, la Saint-Sylvestre, la Saint-Valentin et d’autres occasions.


Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Photo : Louis Arthur
Photo : Louis Arthur

Il n’y a pas de doute que l’édifice empreint de mémoire, de nostalgie et de solennité contribue à inspirer les membres du Cercle de la Garnison, civils comme militaires, francophones comme anglophones, les unissant dans le respect de traditions d’amitié, de reconnaissance et de confiance.


* Nous tenons à remercier Mme Nicole Blouin pour sa précieuse collaboration.


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