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Parcourir la rue du Petit-Champlain, c’est remonter jusqu’au temps de Champlain

6 décembre 2019 | Jean-Marie Lebel, historien

Parcourir la rue du Petit-Champlain, c’est remonter jusqu’au temps de Champlain
© Photos : Fonds-Daniel Abel

Chaque année déambulent dans la rue du Petit-Champlain des centaines de milliers de visiteurs curieux, enjoués, émerveillés. Ils savent, ou se doutent bien, qu’ils parcourent l’une des plus anciennes rues de la ville et du pays. Un concours de l’Institut canadien des urbanistes l’a désignée « la rue la plus remarquable du Canada ». Et son histoire est presque aussi longue que celle de Québec.



Mener à la fontaine de Champlain



Ce ne fut d’abord qu’un modeste sentier conduisant à une fontaine et cela, semble-t-il, dès l’époque du fondateur Samuel de Champlain. L’existence du sentier et de la fontaine nous est confirmée par un contrat du 7 mars 1668 qui fait référence à la « rue tendante à la fontaine Champlain ». Cela faisait alors 33 ans que Champlain était mort. Avait-on appelé ainsi la fontaine en mémoire de Champlain ? Ce serait ainsi un premier geste commémoratif à l’égard du fondateur…

Par contre, j’ai plutôt l’impression que par « fontaine Champlain », il faut entendre « fontaine de Champlain ». Les habitants désignaient donc ainsi « la » fontaine qui avait existé dès l’époque de Champlain. Que pouvait bien être cette fontaine ? Peut-être un puits, une source ou un filet d’eau descendant du cap. Ce fut possiblement là que s’approvisionnèrent en eau potable les premières générations d’habitants des maisons des abords du fleuve.




Champlain partage la rue avec un intendant



Aux petites maisons de bois construites le long de la « rue tendante à la fontaine Champlain » succédèrent des maisons de pierres, dont celle que se fit construire Louis Jolliet en 1686 (c’est dans sa maison que l’on entre de nos jours pour prendre le funiculaire). Le découvreur du Mississippi, devenu un débrouillard commerçant, se rendait chaque été à l’île d’Anticosti et à l’archipel de Mingan, qui lui appartenaient. En 1700, on attendit en vain le retour à Québec du valeureux canotier. On ignore ce qu’il est advenu de Jolliet.

Selon l’érudit bibliothécaire Antonio Drolet, c’est en 1688 que la « rue tendante à la fontaine Champlain » devint la « rue de Meulle ». Qui prit cette décision qui ne manqua pas d’étonner bien des historiens ? Jacques de Meulle avait été l’intendant de la Nouvelle-France quelques années auparavant, de 1682 à 1686. Aurait-il laissé un souvenir si grand à Québec pour se mériter un tel honneur ?

Toutefois, le nom de Champlain ne disparut pas totalement, car on mentionne dans le recensement de 1716 la « rue de Meulle et Champlain ». Dans le recensement de 1744, le nom de l’intendant est encore associé à la rue.




Une petite rue pour un petit fondateur



Après la Conquête, comme les recherches du toponymiste Jean Poirier l’ont prouvé, le nom de l’intendant de Meulle fut oublié. Les recensements de 1770-1771 désignent « rue Champlain » notre actuelle « rue du Petit-Champlain ». Et c’est par cette rue Champlain que les troupes révolutionnaires américaines du général Montgomery tentèrent d’entrer dans Québec, le 31 décembre 1775.

Dans les années 1840 et 1850, une nouvelle rue prit forme sur les anciens quais du Cul-de-Sac et prit le nom de « rue Champlain » (le début de notre actuel boulevard Champlain). C’est ainsi que pour distinguer la vieille rue Champlain de la nouvelle, le conseil de ville officialisa, en 1876, l’appellation « Little Champlain Street ». C’était à une époque où les panneaux de noms de rue n’étaient qu’en anglais et qu’on y lisait, par exemple, « St. Peter Street » ou « Crown Street ». Les citoyens francophones traduisirent incorrectement « Little Champlain Street » par « rue du Petit-Champlain » au lieu de « petite rue Champlain ».


Une nouvelle âme pour une rue quatre fois centenaire



Aux marchands et artisans de la Nouvelle-France succédèrent les gens liés à la vie portuaire du Régime anglais. De nombreux immigrants irlandais s’installèrent dans la seconde moitié du 19e siècle. Au 20e siècle, la rue connut un long déclin. Les grands travaux de restauration de place Royale à compter des années 1960 laissèrent de côté la vieillissante rue du Petit-Champlain. Dans les années 1980, c’est la fondation d’une coopérative regroupant des boutiquiers, artisans et artistes qui donna une nouvelle vigueur à la rue. La force de la coopération et la prise de décisions en commun donnèrent à la rue une spécificité patrimoniale et l’esprit « rue commerçante de Québec d’autrefois ». Un passé reconstitué pour enchanter.


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