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Quand le C.A. va, tout va

26 septembre 2011 | Johanne Martin

Quand le C.A. va, tout va
Lorsque vient le temps d’évaluer la santé d’une organisation, on ne saurait mettre en doute l’importance d’analyser sa situation financière ou encore l’efficacité de ses stratégies de communication. Moins souvent, on évoquera parmi les facteurs nécessaires à son succès — ou responsables de ses déboires — le rôle que peut jouer son conseil d’administration. Regard sur une composante essentielle de la gouvernance organisationnelle.


Si elle s’intéresse à la façon dont sont prises les décisions qui s’imposent dans la gestion d’une société, d’un organisme public ou d’une entreprise privée, concrètement, la gouvernance permet de déterminer qui devrait détenir l’autorité, pourquoi et la manière dont une entité aura à rendre compte de ses actes.


Suivant cette définition, la gouvernance d'un conseil d'administration représente un enjeu de taille en ce qui a trait au rendement d’une organisation. Un conseil efficace facilitera l’atteinte des objectifs, tout en veillant à ce que les ressources soient bien gérées et que les intérêts des parties prenantes soient protégés et reflétés dans les choix qui sont faits.


« Il existe quatre conditions à remplir pour qu’un conseil d’administration fonctionne adéquatement, propose Michel Nadeau, le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP). Autour de la table, il faut retrouver des gens crédibles, qui s’intéressent à la vision stratégique de l’organisation, prêts à suivre les progrès de cette vision par l’entremise d’indicateurs et, enfin, une équipe qui soit disposée à mesurer la performance des cadres. »


La tâche la plus importante qui échoit à un conseil d’administration consiste à embaucher un PDG capable d’exécuter la vision que s’est donnée l’organisation, conseil qui doit, par ailleurs, être composé d’individus qui apportent des compétences différenciées.
La tâche la plus importante qui échoit à un conseil d’administration consiste à embaucher un PDG capable d’exécuter la vision que s’est donnée l’organisation, conseil qui doit, par ailleurs, être composé d’individus qui apportent des compétences différenciées.

Pour le directeur de l’Institut sur la gouvernance, Michael O’Neill, la tâche la plus importante qui échoit à un conseil d’administration consiste précisément à embaucher un PDG capable d’exécuter la vision que s’est donnée l’organisation, conseil qui doit, par ailleurs, être composé d’individus qui apportent des compétences différenciées. « Idéalement, il faudrait reconnaître parmi ses membres un visionnaire, un leader, une personne confortable avec les chiffres, une autre avec les communications, de même qu’un bon technicien, énumère le dirigeant de l’organisme, qui a mené plus de 1 000 projets sur la gouvernance publique au Canada et à l’étranger. L’idée, c’est d’avoir des gens qui possèdent les outils nécessaires pour évaluer les actions de l’organisation, des gens en mesure de poser des questions. »


« Dans le cas des conseils d’administration d’organismes à but non lucratif (OBNL), on recherchera souvent un bon gestionnaire avec un réseau d’influence important, fort utile, par exemple, lors de collectes de fonds », ajoute pour sa part Marcel Bérubé, président de Groupe Perspective, une firme québécoise spécialisée en ressources humaines.


Selon l’IGOPP, les débats en cours autour de la gouvernance des organisations aboutissent fréquemment à un renforcement du rôle du conseil d’administration. De l’avis de l’Institut, pour mieux assumer ses responsabilités, un conseil doit être dirigé par une personne capable de faire travailler ensemble un groupe d’administrateurs provenant d’horizons divers et qui présentent des expériences variées.


Quand le C.A. n’avance pas…


Nombreuses sont les organisations qui tentent d'améliorer leurs structures et pratiques de gouvernance pour finalement voir leurs efforts rester vains. Les obstacles à surmonter sont multiples, obstacles au nombre desquels figurent notamment la tradition, l’emploi de processus inefficaces, les contraintes de temps, la culture organisationnelle, la résistance au changement et un leadership inexpérimenté.


« À la base, on constate également chez plusieurs administrateurs une méconnaissance de leur rôle et de leurs obligations, fait valoir M. O’Neill. La loi rend les administrateurs responsables de leurs décisions et celles-ci peuvent parfois être lourdes de conséquences. Il arrive encore trop fréquemment que les personnes qui s’engagent l’ignorent, particulièrement dans les OBNL. »
Pour l’Institut sur la gouvernance comme pour l’IGOPP, beaucoup de conseils d’administration comptent au surplus, dans leur rang, des individus passifs ou qui deviennent passifs avec le temps, quelquefois dominés par une direction toute-puissante.


« Le désir d’aider ne suffit pas, lance M. Nadeau. Un conseil ne peut pas bien jouer son rôle si les gens qui sont assis autour de la table ne se préparent pas, ne sont pas curieux, ne participent pas ou se mêlent de la gestion au quotidien. Quand on connaît mal les opérations courantes ou qu’on laisse complètement aller le directeur général, ça risque aussi de moins bien fonctionner. »


En ce qui concerne la durée des mandats, aucun des deux organismes ne préconise de règle précise. On s’entend toutefois sur l’idée qu’il doit y avoir un équilibre entre les personnes qui ont beaucoup, moyennement ou peu d’expérience et qu’un certain roulement est nécessaire.


« Assurément, cependant, on doit tendre à augmenter, dans les conseils d’administration, le nombre de femmes, de jeunes et de membres de communautés ethniques », juge le directeur général de l’IGOPP.


Éthique, transparence et imputabilité


La technologie, de même que les attentes envers une plus grande transparence et un degré de responsabilisation ou d’imputabilité plus élevé, font évidemment pression sur l’ensemble des structures sociales et économiques, y compris sur les conseils d’administration.


« Lorsqu’on devient membre d’un conseil, il faut accepter de rendre des comptes et savoir que l’on vit dans une cage de verre, exprime Michel Nadeau. On doit constamment garder à l’esprit qu’on travaille pour l’organisation et s’assurer qu’il n’y ait jamais le début de l’ombre d’un conflit d’intérêt. »


« En matière d’éthique personnelle, il existe par ailleurs des normes non écrites qui devraient constamment nous ramener à une réflexion sur notre rôle, complète Michael O’Neill. Une autre préoccupation est celle du rôle des administrateurs qui ne sont pas indépendants, une situation qui s’observe assez régulièrement dans le secteur privé et dans le milieu associatif. Il est entre autres aberrant qu’au Québec, il soit permis au PDG d’être un membre votant. »


Aux yeux de l’IGOPP, si la chose n’est pas souhaitable — elle a été éliminée dans les sociétés d’État —, des exceptions subsistent toutefois, comme dans le cas de Mme Monique Leroux, qui occupe à la fois les fonctions de présidente du conseil et celles de chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins. « Pour toute personne qui aspire à devenir un administrateur avisé, d’excellents programmes de formation ont été élaborés par certains organismes et établissements d’enseignement, termine le directeur de l’Institut sur la gouvernance. Il est également possible de trouver de bons outils de référence en librairie ou dans Internet, mais ici, la prudence s’impose, surtout s’il s’agit de renseignements qui proviennent des États-Unis, puisque le cadre légal de nos voisins du sud diffère du nôtre. »



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