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[DIASPORA] Ricky Gervais : le Patrick Huard des Anglais

2 novembre 2015 | Jacques Noël

[DIASPORA] Ricky Gervais : le Patrick Huard des Anglais

« Ce soir, vous avez le plus grand comédien britannique, qui vous accueille dans la deuxième cérémonie de trophées de cinéma en importance au monde, sur la troisième chaîne de télé américaine en importance... Pardon, la quatrième chaîne. Désolé. »



Ricky Gervais a l’humour corrosif, à des années-lumière de l’autodérision de la tradition britannique. En Amérique du Nord, il s’est surtout fait connaître du grand public pour son animation controversée de la cérémonie des Golden Globes en 2012. Il a tellement multiplié les pointes acerbes sur les starlettes du parquet qu’on ne l’a pas rappelé pour 2013. « Don’t call us Rick, we’ll call you. »



Acteur, humoriste, scénariste, réalisateur, riche et baveux, Ricky Gervais est un peu le Patrick Huard des Anglais. En moins beau... Il a entre autres cocréé la série The Office, qui lui a valu un immense succès planétaire. Il a accumulé les Baftas (nos Gémeaux), les British Comedy Awards (nos Olivier), en plus de rafler, en Amérique, trois Golden Globes et quatre Emmy Awards. En 2010, le Time Magazine l’a retenu sur sa liste des 100 personnes les plus influentes au monde. Un jour, peut-être, Patrick…





Paincourt, en Ontario, là où est né Laurent Jerry Gervais, le père franco-ontarien de Ricky Gervais.





Ricky Gervais (prononcé djeur-vèzzz au royaume des Windsor) est né le 25 juin 1961 à Reading, d’une mère anglaise et d’un père franco-ontarien. Avec Gervais, la diaspora franchit l’Atlantique. On se retrouve dans le Berkshire, le bec dans l’eau de la Tamise, le dernier endroit au monde où on penserait trouver des Gervais d'Amérique. L’explication est pourtant toute simple et tient en trois lettres : WAR.



Il y a une trentaine d'années, j'avais croisé, dans le sud de l'Espagne, une petite famille bien anglaise. Le paternel, début trentaine, s'appelait... Vaillancourt. Son père venait de Rimouski ! Un soldat québécois qui avait passé la guerre en Grande-Bretagne (les Canadiens y ont passé quatre ans avant de traverser Jour J, hormis le raid de Dieppe en 1942, of course, un massacre signé Lord Mountbatten). Le soldat Vaillancourt a rencontré une fille de la vieille Albion et l'a épousée après la guerre. Il y est resté jusqu’à la fin de ses jours, contrairement à la plupart des autres soldats canadiens qui ont ramené leur fiancée au Canada. L'histoire des Gervais est semblable.



Les boomers de ma génération, dopés au Peace and Love des Sinners, ont grandi avec l’idée que leurs pères et papys avaient fui la conscription, se sauvant dans le bois. Les exploits de Paul Triquet en Sicile, de Jean-Charles Forbes à l’île de Walcheren, de Dollard Ménard blessé cinq fois à Dieppe, et de l’incroyable Léo Major qui, à lui seul, avec un seul œil, a libéré Zwolle, une ville de 70 000 habitants, ne faisaient vraiment pas partie du curriculum des premières polyvalentes, années pot et pattes d’éléphant.





Le registre du mariage de Joseph Talbot, dit Gervais, et de Marie-Dorothée Talon, dite l'Espérance, le 5 octobre 1818, à l'église de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud à Montmagny





L’historien Serge Bernier estime que 161 000 Canadiens français ont participé à la Deuxième Guerre mondiale, ce qui est une contribution considérable pour un petit peuple de trois millions d’habitants à peine, à un océan de distance des champs de bataille, sans Internet, sans même de télé, juste la radio grichante et le gros micro de René Lévesque. Bref, à l’autre bout du monde. Un peu moins du quart (36 000) étaient des Franco-Ontariens, comme le père de Rick Gervais.



De Rouen à Reading



Le soldat Laurent Raymond Jerry Gervais a connu Eva Sophia House lors d’une panne de courant durant les bombardements allemands, à Reading. Love at first sight, disent les Windsor. Le couple a eu quatre enfants; Ricky est le cadet. « Une naissance non planifiée, juste avant l’arrivée de la pilule », a dit Eva. Humour britannique ?



Au risque de décevoir ses admirateurs québécois, Gervais n’a pas tellement d’intérêt pour ses origines franco-canadiennes. « Je ne me suis jamais préoccupé d’où je venais. Je ne vois vraiment pas le point. » L’idée d’être le cousin lointain de Céline Dion, Madonna, Hillary Clinton, Alanis Morissette et Ellen DeGeneres ne l’entiche pas pantoute. Ce qui n’empêche pas une généalogiste du Huffington Post, étonnée de tout ce talent féminin dans la même tribu, de se demander ce qu’il y a dans les gènes canadiens-français pour produire des femmes aussi dominantes.



Rick n’est jamais venu au Québec, ni en Ontario. De la famille Gervais, il se souvient de la visite de ses oncles et tantes qui débarquaient du Canada avec leurs vestes à carreaux. De son père briqueteur, mort en 2002, qui a trimé dur toute sa vie, Rick a gardé le souvenir d’une forte éthique du travail : « Il se levait à 5 h 30 chaque matin et allait travailler dans la neige et la chaleur, transportant des briques toute la journée. Il a fait de moi un workaholic. Savoir que je ne pourrais pas travailler plus dur que lui m’a obligé à donner le meilleur de moi-même. »





Acteur, humoriste, scénariste, réalisateur, riche et baveux, Ricky Gervais est un peu le Patrick Huard des Anglais.





Jerry Gervais est né à Paincourt en 1919, dans le Sud-ouest ontarien, près de la… Thames River, près de London ! Le destin ? Le nom de Paincourt vient de la misère extrême des ancêtres, nous apprend le site Web de la ville : « Les missionnaires disaient : “Je m’en vais dans la mission du pain court”, ou tout simplement : “Je m’en vais à Pain Court.” Et le nom prit racine pour toujours. » Jerry était le fils d’Adélard Gervais et de Florence Irène Desloge qui s’étaient mariés (obligés ?) quelques mois plus tôt, à Toledo, Ohio. Comment expliquer autrement qu’ils se soient mariés de l’autre côté du lac Érié, aux États-Unis ? Les parents d’Adélard (aussi appelé Dolor), qui venaient de Paincourt, ont eu 16 enfants.



L’ancêtre des Gervais était un Talbot : Jean-Jacques Talbot. Soldat aussi. Originaire de Saint-Gervais de Rouen, il débarque au fort Lachine à la toute fin du 17e siècle. Il épouse Marie-Charlotte Sommereux, une Montréalaise de la troisième génération. L’air de Ville-Marie ne plaît guère aux tourtereaux : les Talbot partent pour l’est, loin du tomahawk des Iroquois, et s’établissent à Montmagny, où ils auront six enfants avant la mort de Marie-Charlotte, en 1708.



Leur fils Simon Talbot (1702-1783), après avoir aussi perdu sa première femme, épouse Marie-Thérèse Allaire en 1734. La famille passe plus d’un siècle sur la Côte-du-Sud, avant le départ du petit-fils, Stanislas (1823-1872), au milieu du 19e siècle, pour l’Ontario, au pays du pain court. Là où naîtra, en 1919, le soldat Gervais.



 



LIGNÉE PATERNELLE DE RICKY GERVAIS


 



GERVAIS, Laurent Jerry (1919-2002)


HOUSE, Eva Sophia


m. à Reading, Berkshire, Royaume-Uni


 



GERVAIS, Adélard (1894-1972)


DESLOGE, Florence Irène


m. 2 janvier 1919, Toledo, Ohio


 



GERVAIS, Stanislas (1849-1934)


PELLETIER, Marie


m. 11 février 1873, Paincourt, Ontario


 



GERVAIS, Stanislas (1823-1872)


ALLAIRE, Marie


m. 8 février 1848, Saint-Pierre, Tilbury East, Kent County, Ontario


 



TALBOT, dit GERVAIS, Joseph


TALON, dite L’ESPÉRANCE, Marie-Dorothée


m. 5 octobre 1818, Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud


 



TALBOT, dit GERVAIS, Jean-Baptiste (1767-1817)


CAZEAU, Marie-Rose Angèle


m. 10 novembre 1789, Montmagny


 



TALBOT, dit GERVAIS, Jean-Baptiste (1743-1813)


PELLETIER, Marie-Anne


m. 16 juillet 1764, Saint-Roch-des-Aulnaies


 



TALBOT, dit GERVAIS, Simon (1702-1783)


ALLAIRE, Marie-Thérèse


m. 27 juillet 1734, Saint-Vallier de Bellechasse


 



TALBOT, dit GERVAIS, Jean-Jacques (1673-1730)


SOMMEREUX, Marie-Charlotte (1678-1708)


m. 1er août 1698, Montréal


 



 


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