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Transférer les pouvoirs plutôt que les avoirs : une piste avant-gardiste

6 septembre 2016 | Gilles Levasseur

Transférer les pouvoirs plutôt que les avoirs : une piste avant-gardiste

En matière de transfert d’entreprise, il n’y a généralement pas 36 solutions. Au Québec, la coutume se décline habituellement en deux possibilités : l’organisation est soit transférée à la génération suivante, soit vendue à des ressources à l’interne ou à des intérêts extérieurs. Toutefois, ailleurs dans le monde (et cela émerge chez nous), une autre avenue s’impose naturellement : transférer les pouvoirs plutôt que les avoirs. L’entrepreneur se voit ainsi libéré de ses responsabilités tout en conservant son entreprise dans le patrimoine familial afin qu’elle continue à prospérer pour le bien des générations futures.



Pour une majorité d’entrepreneurs, l’entreprise représente la plus grande part de leur actif. Comme beaucoup d’entre eux sont des baby-boomers, ceux-ci arrivent à la croisée des chemins et se demandent si la profitabilité de leur commerce permettra une retraite confortable. À cet égard, la vente constitue l’un des moyens qui s’offrent à eux et des outils comme le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) sont à la disposition des cédants qui ont ainsi accès à une banque de repreneurs. Vendre permet de générer un actif immédiat assurant une certaine sécurité financière. Cependant, plusieurs experts constatent que les entreprises ne sont pas si faciles à vendre étant donné la profusion de l’offre, sans compter un contexte de disponibilité mitigée des capitaux.




« Pourquoi ne pas élaborer des formules innovatrices pour garder nos entreprises vivantes sans nécessairement avoir besoin d’être omniprésent ? »




Cela dit, une autre solution consiste à vendre ou à léguer l’entreprise aux enfants. Néanmoins, un tel scénario peut générer une dynamique particulière, souvent issue du fait que chaque génération poursuit des objectifs différents, « à moins que le propriétaire soit déjà indépendant de fortune, parce qu’il a diversifié ses actifs à l’extérieur de l’entreprise, explique le planificateur financier Gabriel Couture. Quand je lègue mon entreprise à mes enfants, je ne dois plus avoir besoin des revenus s’y rattachant, car ceux-ci seront utiles pour son développement futur. » Il est aussi possible qu’un transfert à la génération suivante crée des tensions au sein de la relève (chaque personne ayant ses capacités et ambitions propres), ainsi qu’entre enfants et parents. Une entreprise peut aussi être vendue à certains de ses employés ou cadres, sauf qu’il arrive régulièrement que d’excellents exploitants n’aient pas forcément la fibre entrepreneuriale, cette situation présentant des risques évidents.





Une piste avant-gardiste



Cependant, au Québec, la relève en entreprise voit peu à peu s’ouvrir une piste nouvelle en matière de management : il s’agit de transférer — aux enfants ou à des ressources externes — les pouvoirs plutôt que les avoirs afin de conserver l’entreprise dans le patrimoine familial. À Québec, l’un des promoteurs de cette voie est Gabriel Couture, du Groupe Financier Stratège. « Ce que je recommande, c’est de faire la différence entre ce qu’on veut partager avec nos enfants et le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’entreprise. Donc, plutôt que de leur léguer des actions, on restructure et refinance l’entreprise (managing buyout) et on met cet argent de côté pour le propriétaire, avec lequel l’ensemble des placements est analysé. Généralement, l’entreprise constitue son meilleur investissement. Plutôt que de l’éliminer, la vendre ou la léguer à ses enfants, pourquoi ne pas envisager de la garder à long terme ? L’entreprise devient alors l’un des placements du patrimoine familial qui en conserve aussi les actions. Dans les faits, c’est un conseil d’administration qui s’occupe de l’ensemble des avoirs du propriétaire et qui déterminera le rôle et la rémunération des nouveaux dirigeants. »



Ainsi, le propriétaire n’assume plus son rôle de PDG; il est remplacé par des gens — enfants ou étrangers — qui vont permettre à l’entreprise de perdurer, mais celle-ci demeure sa propriété. « Selon mon expérience, cette formule donne de meilleurs résultats quant au potentiel d’accumuler des actifs pour le patrimoine familial et d’en faire profiter les enfants ainsi que les générations futures. Par contre, cela fonctionne si tous les œufs du propriétaire ne sont pas dans le même panier, avertit M. Couture. Pourquoi ne pas élaborer des formules innovatrices pour garder nos entreprises vivantes sans nécessairement avoir besoin d’être omniprésent ? Il existe aujourd’hui des processus de management fondés sur la collégialité et la collaboration qui ne nécessitent plus la présence d’un padre qui dit à tout le monde quoi faire… »



Le planificateur financier conclut en disant qu’au-delà des gestes comptables traditionnels, on devrait davantage tenir compte des grands objectifs de vie en se posant la question fondamentale suivante : qu’est-ce qui servira le mieux le patrimoine familial à long terme ?



 


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