Recherche

Visite de l’usine Bentley à Crewe, en Angleterre

12 novembre 2014 | Frédéric Masse

Visite de l’usine Bentley à Crewe, en Angleterre

Journée d’exception



Me voici donc là, devant les grandes portes de l’usine de Bentley, à Crewe, en Angleterre. Une des marques les plus snobs (du moins, c’était ma perception) de la planète m’accueille en ce lieu quasi sacro-saint, où l’on construit le concurrent numéro un des Rolls-Royce. Dans cette usine, où travaillent aujourd’hui près de 4 000 employés, on a d’ailleurs fabriqué des Rolls à l’époque où cette compagnie possédait également Bentley. C’était avant que BMW ne mette la main sur Rolls-Royce. Avant que Volkswagen ne s’éprenne de Bentley.



Depuis, les choses ont bien changé. Les Bentley, autrefois construites de façon artisanale, sont devenues moins abstraites, plus solides. Volkswagen, nous expliquait-on durant la visite, a amené des changements importants : accès à des fournisseurs de grande qualité, procédés plus rigoureux, meilleur équipement et meilleures technologies. Résultat ? Bentley construit des voitures nettement mieux ficelées et peut désormais aspirer à de grandes choses. D’une compagnie un peu moribonde au tournant du millénaire, Bentley est devenue une marque forte et puissante. Et ce regain de vie, elle le doit notamment à la Bentley Continental GT, qui a propulsé les ventes à elle seule. Imaginez, Bentley écoulait moins de 1 000 voitures annuellement, au début des années 2000, alors que la GT n’existait pas. Aujourd’hui, elle en vend plus de 10 000 par année, sans compter l’arrivée très prochaine de leur nouveau VUS grand luxe. Il faut dire que Volkswagen a laissé Bentley être Bentley, comme elle l’a fait avec ses autres acquisitions telles que Lamborghini ou Bugatti. C’est en grande partie la raison de ce succès. 





Un homme coud à la main le cuir recouvrant le volant.



 



Des demandes loufoques de clients



Dans cet antre, je discute avec du personnel hyper qualifié et passionné, mais surtout immensément heureux de travailler pour une marque si prospère. Nous rencontrons notamment une employée dont le travail consiste à s’occuper de la broderie du logo Bentley sur les appuis-tête. Elle prend tout de même le temps de nous raconter l’histoire du « vernis à ongles »... Cette gentille dame nous explique que, lors d’une visite à l’usine, une riche propriétaire l’avait vue coudre des fils orange sur un siège noir. En la voyant travailler, la dame en question, qui avait pourtant choisi sa couleur de voiture (rose à l’extérieur, argent à l’intérieur… une beauté !), avait alors changé d’idée : sa carrosserie serait orange et son habitacle noir. Quelques semaines plus tard, cette même cliente a rappelé pour demander si sa voiture avait été construite. Elle avait encore une fois changé d’idée et voulait les revoir. Une fois arrivée à l’usine, elle s’appliqua du vernis à ongles « rose bonbon » et demanda que sa peinture soit identique à cette couleur une fois séchée. C’est le genre de chose que l’on peut demander lorsqu’on s’achète une Bentley… On peut choisir parmi 17 coloris d’origine, mais si on est prêt à allonger les billets, « sky is almost the limit ». Certaines de ces peintures spéciales peuvent dépasser 40 000 $ la pièce.





Le choix du bois et des cuirs est une obsession chez Bentley.





Sélection des cuirs.



On me raconte aussi l’histoire de ce riche monsieur qui voulait une Bentley Mulsanne avec un toit en verre jusqu’au coffre. Il souhaitait également que l’on retire le siège passager. « Pourquoi donc ? » lui demanda son représentant Bentley. Réponse : cette voiture servirait au mariage de sa fille. Il voulait que les invités puissent bien voir la robe de la mariée, qui serait assise sur le siège arrière de la voiture. La tringle de cette dernière devait pouvoir s’étirer jusqu’à l’avant du véhicule. Aucun problème pour Bentley. « Vous avez besoin de ça pour quand, Monsieur ? », lui demanda le représentant de Bentley. « Rien de pressant : ma fille vient d’avoir deux ans ! » On ne pourra pas dire que ce monsieur n’est pas prévoyant…





Des heures et des heures sont nécessaires à la préparation de la carrosserie et de la peinture.





Un siège de bébé fait à la main de 7 000 $, ça vous dit ?

 



De vrais maniaques



Dans cet univers de la démesure, nous rencontrons aussi des maîtres du cuir. Saviez-vous qu’il faut plus de 17 vaches pour fournir le cuir d’une seule Mulsanne, la berline amirale de Bentley qui, soit dit en passant, demande plus de 500 heures de construction ? On choisit ces cuirs avec une attention maniaque, en ne sélectionnant que des bœufs, leur cuir étant plus solide que celui des femelles, lequel s’étire davantage après la gestation. On s’approvisionne dans les meilleures fermes, là où l’on évite de poser des clôtures qui pourraient abîmer la peau des vaches qui s’y frottent. Maniaques, vous dites ? À peine. Pas étonnant qu’il faille près de cinq heures pour envelopper et coudre un seul volant en cuir de Bentley !





Oui, il y en a même des roses.



C’est le même manège pour le choix des bois. Dans chaque Bentley, même quand le bois est noir laqué et qu’on ne le voit plus du tout, chacun des côtés de l’habitacle d’une même voiture est le miroir de l’autre. Pour chaque voiture, on travaillera 24 couches de placage, prévoyant même celles de rechange, juste au cas où elles seraient abîmées. Au total, la boiserie d’une Bentley prend cinq semaines à être réalisée. La marge d’erreur, disons-le, est assez mince.



On me questionne souvent sur ce qui justifie le prix d’une voiture par rapport à une autre. En voyant les installations de Bentley, le soin que les employés portent aux voitures et l’absence quasi totale de robotique, on comprend pourquoi de telles voitures sont aussi dispendieuses. Il s’agit, en quelque sorte, de bijoux fabriqués en grande partie à la main, par des artisans passionnés. Ces orfèvres mettent tout leur cœur dans cet ouvrage. En achetant une GT, une Flying Spur ou une Mulsanne, c’est cette essence que l’on se procure. Et en passant, même s’ils sont tirés à quatre épingles, les gens de Bentley ne sont pas si snobs… seulement anglais.





Notre groupe de journalistes et de chroniqueurs automobiles devant l'usine de Bentley, à Crewe.



 



*Mes sincères remerciements à Décarie Motors, unique vendeur de la marque Aston Martin au Québec, et concessionnaire à Montréal pour Bentley, Jaguar et Land Rover. Merci plus précisément à la directrice générale Cheryl Bias, qui a effectué le voyage avec moi, et à Leeja Murphy de l’agence Pink, qui a organisé ce périple pour nous, pauvres chroniqueurs automobiles…

rêver

Gérer le consentement