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Au temps de la Covid-19 : un comparatif entre la France et le Québec

28 mai 2020 | Jean Chouzenoux, correspondant européen

Au temps de la Covid-19 : un comparatif entre la France et le Québec
Sur la photo : La ville de Nice a condamné certaines voies de circulation au profit de pistes cyclables et trottoirs élargis.

Voici un comparatif entre la France et le Québec sur l’évolution et la gestion crise de l’épidémie de coronavirus qui a frappé le monde entier.



La chronologie des événements



En France, nous savons maintenant que le premier cas est apparu le 27 décembre 2019. Mais c’est en janvier que la propagation prend rapidement de l’ampleur. Le 26 février, à Nice, sans doute à cause de sa proximité avec l’Italie déjà fortement atteinte, la dernière fin de semaine du Carnaval est annulée. Dans la foulée, plusieurs événements et grands rassemblements sont annulés un peu partout en France. Le 16 mars, les autorités annoncent la fermeture des écoles pour une période de deux semaines. Le 17 mars, lors d’une allocution télévisée, Emmanuel Macron annonce : « Afin de limiter au maximum les contacts, à compter du lundi 23 mars, il ne sera ainsi plus possible de retrouver ses amis ou aller au parc, et seuls doivent demeurer les transports absolument nécessaires, pour se soigner, faire ses courses, faire de l'exercice ou encore, aller au travail quand le travail à distance n'est pas possible ».

Dès lors, pour chaque sortie de son domicile, tout citoyen doit se munir d’une attestation de sortie justifiant le motif de son déplacement, sous peine d’amende de 135€. Le port du masque et de gants sanitaires sont aussi recommandés. Au même moment, soit le 22 mars, le maire de Nice décrète un couvre-feu pour sa ville entre 22 h et 5 h le matin. Le 13 avril, le président prend à nouveau la parole à la télévision pour annoncer la fermeture de tous les commerces, des frontières internationales et le prolongement de la période de confinement jusqu’au 11 mai 2020. La France est à l’arrêt !

Au Québec, on évoque un premier cas connu le 28 février. C’est le 12 mars que le premier ministre François Legault tient sa première conférence de presse. C’est lors de son allocution du lendemain qu’il annonce la fermeture des écoles à compter du 16 mars, pour une période de deux semaines. Le même jour, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, annonce la fermeture des frontières sauf pour les Etats-Unis, qui elles, fermeront le 18 avril. Différentes annonces seront faites lors des conférences de presse subséquentes du trio François Legault, Horacio Arruda, Danielle Mc Cann. Le 21 mars, interdiction pour les gens de se rassembler; le 22 mars, fermeture des commerces et restaurants; le 28 mars, instauration de barrages routiers pour isoler huit régions du Québec. Le 5 avril, ils annoncent que cette période où « le Québec est sur pause » se poursuivra jusqu’au 4 mai.

Premier constat : Bien que le premier cas soit apparu au Québec deux mois après celui de la France, toutes les mesures de fermeture des écoles, des commerces, des stades, des frontières et de confinement pour les citoyens ont été faites exactement à la même date, soit le 16 mars. Le Québec a été plus prompt à réagir de deux mois, sans doute guidé par l’expérience vécue en Asie et en Europe précédemment.

Le Québec a été plus prompt à réagir de deux mois, sans doute guidé par l’expérience vécue en Asie et en Europe précédemment.

Les statistiques



France : 67 millions d’habitants - 550 000 de km carrés.
Québec : 8,5 millions d’habitants - 1,6 million de km carrés.

Le 27 mai

France : 182 722 cas confirmés - 28 532 décès.
Québec : 48 600 cas confirmés - 4139 décès.

Décès par million d’habitants

Québec : 479 morts/1M – 5iè rang mondial
France : 436 morts/1M – 6iè rang mondial

En France, 50 % des décès ont eu lieu dans les centres d’hébergement pour personnes âgées (EPHAD) et 80 % au Québec (CHSLD). L

a France se classe au 5e rang des pays les plus affectés par le nombre de décès et le Canada se situe au 11e rang. C’est le Québe,c et particulièrement la région de Montréal, qui fait augmenter les résultats du Canada.

Second constat : En agissant plus rapidement, le Québec a sans doute épargné plus de vies que la France. Le nombre effarant de décès en CHSLD est en partie attribuable au déplacement des préposés aux soins entre les différents centres d’hébergement. La crise en CHSLD révèle le triste sort des aînés du Québec et des carences évidentes au niveau des soins et de la main d’œuvre.

En agissant plus rapidement, le Québec a sans doute épargné plus de vies que la France.

La gestion de crise



En France, le président a prononcé deux allocutions télévisées et le premier ministre a tenu plusieurs points de presse pour décliner en actions les orientations données par Emmanuel Macron. Les Ministres de la Santé, de l’Education et de l’Intérieur ont aussi beaucoup communiqué par média interposés.

Au Québec, c’est le trio composé du premier ministre, de la ministre de la Santé et du directeur de la Santé publique qui a pris la parole quotidiennement pour annoncer les différentes actions qui seraient déployées.

En revanche, en France les ministres responsables sont allés beaucoup plus au contact de la population en multipliant les visites dans les hôpitaux ou les entreprises encore ouvertes.

Dans les deux cas, leadership, humilité et transparence sont à signaler, surtout au début de la crise, d’où a résulté la confiance de la population et un bon taux d’adhésion aux consignes édictées.

En France comme au Québec, les gouvernements ont consenti rapidement et en allégeant les processus, de l’aide financière aux travailleurs qui perdaient leur emploi ainsi qu’aux étudiants. Ils sont venus au chevet des entreprises et ont supporté au mieux le monde agricole, touristique et culturel. Cependant, rien pour endiguer la vague.

En outre, le devoir d’Etat a appelé les politiciens de tous les partis politiques à faire preuve de solidarité et à ranger les querelles partisanes. Rassurez-vous, les hostilités sont en train de reprendre.

Bien du bruit autour de cette crise. Querelles de spécialistes, médicaments miracles, gérants d’estrades, complotistes, alarmistes… la nature humaine, quoi !

Un révélateur incontournable pour la France et le Québec : les lacunes de nos systèmes de santé. Manque de main d’œuvre, personnel surchargé, manque d’équipement de première nécessité et surtout, des salaires sous-valorisés. Idem dans les CHSLD ou EPHAD. Aujourd’hui, de chaque côté de l’Atlantique la priorité du jour est de réformer le système de santé et de revaloriser immédiatement et durablement les salaires des personnels soignants.

Le déconfinement



Néologisme issu de cette pandémie. Qui, de Larousse ou Robert, le fera entrer en premier dans son dictionnaire ?

La France a entrepris son déconfinement graduel dans la majorité des régions le 11 mai par l’ouverture des garderies, des écoles et de certains commerces. Les sorties des citoyens sans attestation sont redevenues possible et permis sont les rassemblements de petits groupes d’amis. Les gestes barrières, le port du masque et la distanciation sociale sont en train de s’implanter et de bouleverser notre vie sociale. Les transports en commun ont repris leur service en totalité avec des règles de distanciation. À cet effet, pour empêcher une trop forte affluence dans les bus, métro ou tramway, plusieurs municipalités ont implanté de nouvelles pistes cyclables et élargi les trottoirs pour privilégier la circulation à vélo ou à pied. Cela est plus facile dans les villes européennes, moins étendues.

Depuis le 21 mai, l’accès aux plages est consenti sans y étendre de serviettes toutefois. Le gouvernement devrait annoncer l’ouverture des restaurants, des terrasses et des cafés avec certaines consignes, à compter du 2 juin. Par ailleurs, les déplacements sont limités dans un rayon de 100 km, à moins de raisons majeures qu’il faut justifier par écrit. Enfin, en Europe, des pays rouvrent leurs frontières aux autres citoyens européens seulement. Conséquemment, certains pays obligent les visiteurs à un isolement volontaire de 14 jours. La France doit annoncer sa position incessamment. À venir pour l’ouverture des frontières internationale. Reste trois inconnues : le tourisme, la culture et le sport professionnel. Impact catastrophique !

Le Québec a aussi entrepris son déconfinement graduel le 11 mai. On peut s’en étonner, le virus s’étant implanter plus tard, mais la période de confinement de deux mois et demi est la même. On a aussi débuté avec les mesures pour faciliter la reprise du travail, la réouverture des écoles et de certains commerces. Comme en France, les régions plus à risque, Montréal et Laval, voient leur retour à la vie active être reporté au 25 mai. Dans un second temps, les parcs et terrains de camping sont autorisés à ouvrir le 1er juin. Les restaurateurs, hôteliers, sportifs professionnels et artisans du milieu culturel attendent le signal. Par contre, on se surprend de la permission de circuler de Montréal vers les autres régions compte tenu de la situation non maîtrisée dans la métropole. C’est la principale différence entre la France, qui limite les déplacements à 100 km et le Québec qui ouvre tout.


L’Après...



Ce que je lis et entends à Nice ou en provenance de Québec et Montréal, c’est du « copier-coller ». Un véritable choc post-traumatique collectif est à envisager. Une crise plus grave et plus durable que la pandémie. Elle sera sociale, économique, psychologique et encore sanitaire avec la faim et d’autres maladies qui prendront de l’ampleur, car non traitées à temps. Deuils d’une vie d’avant, résilience et courage seront les moteurs de la relance.

Viendra aussi le temps des post mortem avec parfois une commission d’enquête à la clé. Est-ce utopique de penser que la bonne foi puisse guider les discussions ? Que la partisanerie politique et les intérêts idéologiques de chaque groupe de pression restent au vestiaire ? Surtout que la vendetta et les accusations a posteriori ne viennent pas polluer une réflexion qui doit être sereine, constructive, suivie d’un plan d’actions efficace et réaliste. Résisterons-nous à la tentation ? Nous vivons une situation inédite, d’une ampleur planétaire. Des gens sont morts et de nos concitoyens se dévouent corps et âmes. La réponse à cela doit être à la hauteur. Par conséquent, il ne s’agira pas d’un débat politique, mais un débat de société !

Viendra aussi le temps des post mortem avec parfois une commission d’enquête à la clé. Est-ce utopique de penser que la bonne foi puisse guider les discussions ? Que la partisanerie politique et les intérêts idéologiques de chaque groupe de pression restent au vestiaire ?

Sur une note plus personnelle



Dès les premières annonces de fermeture, nous avons évacué nos amis québécois venus passer les mois d’hiver sur la Côte d’Azur. Ils sont tous repartis en catastrophes après avoir fait des pieds et des mains pour modifier leurs billets d’avion.

Ensuite nous avons respecté les consignes, limitant nos déplacements aux choses essentielles. Séries télés, appels vidéo avec la famille et les amis, le moins de nouvelles télévisées possibles sauf le point de presse de François Legault, à 19 h et le JT français à 20 h. Nous reprenons nos repères tant bien que mal depuis le 11 mai. Enfin, nous avons appelé des amis restaurateurs et réservé une table en terrasse pour la première journée de réouverture !

En terminant, certains lecteurs de Prestige connaissent mon allergie aux mots anglais dont raffolent les médias en France. La crise actuelle n’a pas échappé à cette ineptie généralisée. Nouveau terme à la mode utilisé par tous les lecteurs de nouvelles de l’Hexagone : Cluster, pour signifier une éclosion ou un foyer de propagation. Eh bien, j’ai osé et j’ai écrit à la direction de France Télévision pour signifier mon indignation. Je vous le jure, j’ai eu une réponse favorable et depuis, je n’ai plus jamais entendu le mot Cluster dans la bouche d’un lecteur de nouvelles à France Télévision.

Une dernière, au moment d’envoyer cette chronique à mon éditrice, je prends connaissance des dernières statistiques. Quels sont 4 des 5 pays où l’on recense le plus de cas ? Ceux dirigés par Trump, Poutine, Bolsonaro et Johnson. Quand on se compare, on se console, n’est-ce-pas ?





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