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Ce que l’on sait de Guillemette Hébert

29 octobre 2020 | Jean-Marie Lebel, historien

Ce que l’on sait de Guillemette Hébert
La figure à la fois douce et déterminée telle que l’imagina le sculpteur Alfred Laliberté en 1917, et Marie Rollet faisant la lecture à ses trois enfants. À ses pieds, de gauche à droite : Guillemette, Guillaume et Anne Hébert. © Photo : Fonds Daniel Abel.

Dans notre ville de Québec, comme ailleurs, rares sont les enfants ayant eu l’honneur d’une statue de bronze ou de fonte. Cette immortalité est surtout réservée à des saints, des militaires ou des premiers ministres. C’est pourquoi, dans le parc Montmorency qui surplombe la côte de la Montagne, la statue de la toute jeune Guillemette Hébert attire tant l’attention. Le talentueux et inspiré sculpteur Alfred Laliberté l’a représentée à neuf ans, nouvellement arrivée de France. À cet âge, elle pouvait s’imaginer les joies et les peines que lui réservait son long destin en terre d’Amérique.




En descendant la rue Sainte-Famille, sur l’ancien fief du Sault-au-Matelot des Hébert et Couillard, on aperçoit les rues Hébert et Couillard. © Photo : Fonds Daniel Abel.



S`ENRACINER SUR LES HAUTEURS DE QUÉBEC



C’est à Paris, au temps du roi Henri IV, que Guillemette a vu le jour. Comme beaucoup de vieilles archives parisiennes, son acte de baptême a disparu. Les calculs des généalogistes (avec une marge d’erreur d’un an) la font naître en 1608, soit l’année même où Champlain fondait Québec. Son père, l’apothicaire Louis Hébert, connait d’ailleurs fort bien Champlain et acceptera l’invitation de ce dernier. C’est ainsi qu’en 1617, Guillemette, âgée de neuf ans, s’embarquait pour la Nouvelle-France avec son père, sa mère Marie Rollet, sa grande sœur Anne et son petit frère Guillaume. La traversée de l’Atlantique ne dut point être facile. Elle l’était rarement. À Québec, alors un simple poste d’embarquement de peaux de castor, les Hébert furent les premiers à s’installer sur les hauteurs du cap (où se trouve aujourd’hui le Séminaire de Québec).


Dans la cour du Petit Séminaire, un marquage au sol indique l’emplacement de la maison de Guillemette Hébert et de Guillaume Couillard. © Photo : Fonds Daniel Abel.



UNE MAISON BRUYANTE ET INDISCIPLINÉE



L’enfance de Guillemette ne s’éternisa guère. Le 26 août 1621, au lendemain de la Saint Louis où l’on célébrait le roi, Guillemette, âgée de 13 ans, épousait, dans la chapelle des Récollets, Guillaume Couillard, d’une quinzaine d’années son aîné, qui était un charpentier, matelot et calfateur dont Champlain avait une bonne opinion. Ce dernier assistait d’ailleurs au mariage. Le bonheur de Guillemette devait être empreint de craintes, car deux ans auparavant, sa sœur Anne était morte en donnant naissance. Elle accouchera d’un enfant pour la première fois, en 1625, à 17 ans. Et au cours des 23 années qui suivront, elle sera mère de neuf autres enfants. Tous reçurent des prénoms de la vieille France qui traversent les siècles : Louise, Marguerite, Louis, Élisabeth, Marie, Guillaume, Madeleine, Nicolas, Charles et Catherine. Pas étonnant qu’avec tout ce monde, un Jésuite ait noté que la maison de Guillemette était bruyante, et quelque peu indisciplinée…


SEIGNEURESSE DU SAULT-AU-MATELOT



Guillemette était très attachée à son père, qui mourut dramatiquement en 1627 des suites d’une mauvaise chute sur la glace. Peu de temps après, elle nommait « Louis » l’aîné de ses fils en mémoire de son père, comme auparavant elle avait nommé « Louise » sa fille aînée. Guillemette hérita de la moitié des biens, dont le fief du Sault-au-Matelot, et son mari Guillaume Couillard prit charge de l’administration. Le fief et la famille connurent de bonnes années après 1632. Guillemette fut la marraine de plusieurs baptisés autochtones. Les Couillard eurent à leur service plusieurs hommes de ferme et domestiques, dont un esclave malgache qui reçut le nom d’Olivier Lejeune.

Les années 1660 s’avérèrent cependant difficiles pour Guillemette. Ses fils Nicolas et Guillaume furent tués par les Iroquois en 1661 et 1662. Puis en 1663, elle devint veuve. En 1666, elle vendit sa maison et son fief du Sault-au-Matelot à Mgr de Laval, qui voulait y établir son Séminaire. Elle se départit graduellement de diverses propriétés, au grand déplaisir de certains de ses enfants qui lui reprochèrent durement ces transactions. Elle se révéla une femme de caractère. Pouvait-on lui reprocher d’avoir voulu contribuer à sa façon à la grande œuvre de Mgr de Laval?

Guillemette se retira au couvent de l’Hôtel-Dieu comme pensionnaire. Elle décéda en 1684, à 76 ans, un âge très vénérable pour l’époque. Elle fut inhumée dans la crypte de la chapelle de l’Hôtel-Dieu près de son époux. À sa mort, en comptant enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, Guillemette laissait 250 descendants…










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