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[LES MAIRES DE QUÉBEC] Gilles Lamontagne : maire de Québec de 1965 à 1977

28 février 2013 | Donald Charette

[LES MAIRES DE QUÉBEC] Gilles Lamontagne : maire de Québec de 1965 à 1977

Gilles Lamontagne a mené une carrière hors du commun. Homme d'affaires , député, ministre des Postes et de la Défense dans le gouvernement Trudeau, lieutenant-gouverneur du Québec... Il n'hésite pas à dire que ses plus belles années, il les a connues à titre de maire de la Ville de Québec.



 



Encore aujourd'hui, 36 ans plus tard, il se déplace avec ce titre d'apparat et les gens lui donnent spontanément du « Monsieur le maire » respectueux. Du haut de ses 93 ans, le dos bien droit, il se confie avec vivacité. « Quand tu es maire, tout ce que tu fais regarde l'humanité. Tu vois tout de suite ce que tu fais. Avec l'usine d'épuration, par exemple, on a vu immédiatement de l'eau purifiée... En tant que ministre, tu passes des lois, mais tu ne vois pas les conséquences, tu ne touches pas les gens directement », raconte celui qui a mené les destinées de la Ville pendant 12 ans, soit de 1965 à 1977, à la tête du Progrès civique.



Portrait officiel du maire Gilles Lamontagne en 1971.



Portrait officiel du maire Gilles Lamontagne en 1971.



Comme le veut la tradition, « Monsieur le Maire » a apporté avec lui son siège à la fin de son mandat. Sur le mur, un portrait de sa regrettée épouse, Mary Schaefer, décédée en 2006 après 57 ans de mariage.



Comme le veut la tradition, « Monsieur le Maire » a apporté avec lui son siège à la fin de son mandat. Sur le mur, un portrait de sa regrettée épouse, Mary Schaefer, décédée en 2006 après 57 ans de mariage.



Pourtant, comme ministre fédéral, il a eu à piloter des dossiers difficiles. À ses débuts comme « petit ministre des Postes », il doit affronter une grève des postiers et doit faire passer une loi spéciale de retour au travail. À la Défense, c'est lui qui a convaincu le cabinet d'investir dans l'achat de chasseurs F-18.



POUSSÉ VERS LA POLITIQUE



Issu d'une famille qui était dans les affaires, Gilles Lamontagne n'avait aucune ambition politique. La nouvelle formation municipale qu'est le Progrès civique lui pousse dans le dos et il accepte de se présenter comme conseiller. « Je disais que je n'étais pas fait pour la politique. J'ai l'habitude de dire ce que je pense. Ça me gênait un peu, je trouvais ça prétentieux (d'être candidat à la mairie). » Élu sans interruption, il est reconduit par acclamation en 1973.



Le premier ministre Robert Bourassa et le maire en discussion durant l'Exposition provinciale en 1970. Avec eux, l'hôtesse Pauline Monast (AVQ).



Le premier ministre Robert Bourassa et le maire en discussion durant l’Exposition provinciale en 1970. Avec eux, l’hôtesse Pauline Monast (AVQ).



Il juge que la Ville de Québec était, à cette époque, laissée à l'abandon. « La rivière Saint-Charles était un dépotoir à ciel ouvert, deux lignes de chemin de fer coupaient la Ville (le CN et le CP), il n'y avait pas d'eau potable. Chaque printemps, l'eau des robinets devenait brune. Les cochonneries s'accumulaient dans les cours, il y avait beaucoup de taudis, les infrastructures étaient désuètes. » Pourtant, il ne s'attribue pas le mérite d'avoir relancé la capitale, jugeant que c'était relativement facile puisque « tout était à faire ».



 



Le maire Lamontagne en compagnie des duchesses du Carnaval… à une époque où ces dernières volaient la vedette à Bonhomme !



Le maire Lamontagne en compagnie des duchesses du Carnaval… à une époque où ces dernières volaient la vedette à Bonhomme !



Le Progrès civique a profité, en 1965, du rapport Sylvestre qui avait mis à jour la corruption municipale à Québec. « Wilfrid Hamel était un bon maire, mais sans imagination, et ce sont ses conseillers qui dirigeaient, dit-il de son prédécesseur. Tout était monnayé. »



L'ère Lamontagne sera celle des grands travaux : assainissement de la rivière Saint-Charles, prolongement du boulevard Saint-Cyrille (René-Lévesque), construction de l'usine d'épuration, de Place Québec, recouvrement du mail Saint-Roch, aménagement de la colline Parlementaire, etc.



Conscient des limites financières de Québec, il se tourne vers les gouvernements fédéral et provincial pour financer ces chantiers. « J'étais reconnu comme un grand quêteux. Je dois dire que les gouvernements m'ont beaucoup aidé, notamment Jean Marchand à Ottawa pour le déplacement des voies ferrées. »



On a beaucoup reproché à l'ancien maire d'avoir « bétonné » sa ville. Gilles Lamontagne se hérisse un peu et précise qu'il faut se situer dans le contexte de l'époque, dans le cas de la Saint- Charles.



Le complexe G ? « Je voyais que le gouvernement déménageait à Montréal. C'était une façon de le garder ici, de se défendre. »



Le Concorde ? « On n'avait que deux hôtels : le Clarendon et le Château Frontenac; il faut se reporter dans le temps, rétorque-t-il. Le bétonnage a été nécessaire et Québec s'est développée pour le mieux. »



 



Inauguration du mail couvert dans Saint-Roch en compagnie du ministre des Finances, Raymond Garneau, en 1971.



Inauguration du mail couvert dans Saint-Roch en compagnie du ministre des Finances, Raymond Garneau, en 1971.



LA CORRUPTION



Élu maire pour mettre fin à un régime corrompu, Gilles Lamontagne a une opinion bien arrêtée sur les révélations de la commission Charbonneau. « La corruption, c'est un mal qui s'autoconstruit, observe-t-il. On dit “oui”, puis les gens tiennent ça pour acquis. C'est d'abord une responsabilité personnelle. Celui qui accepte devient l'instrument de la corruption. Les gens ne réalisent pas tout le mal qu'ils ont fait. » L'ex-politicien ne se berce pas d'illusions et estime qu'il y aura toujours des gens pour profiter du système. Néanmoins, dit-il, « ça aurait dû être arrêté avant. À la Ville, tout se monnayait. Pompier, c'était 500 $. Policier, 1 000 $. J'ai tout arrêté ça. Un jour, j'ai reçu une enveloppe brune que j'ai refusée et que, finalement, mon secrétaire a remise au Patro Roc-Amadour avec reçu d'impôt à l'envoyeur »



OLYMPIQUES ET NORDIQUES



Celui qui a vu l'arrivée des Nordiques à Québec se montre circonspect quand vient le temps de se prononcer sur un retour anticipé de la LNH ou la tenued'Olympiques. « Est-ce que nous avons les moyens d'avoir un club de la LNH ? Il faudrait qu'on me le prouve avec une étude. ll y a beaucoup de choses à faire en dehors de la LNH et des Jeux olympiques. On n'a pas les moyens. Il y a un équilibre fragile, tant à Québec qu'au Québec. Je pense qu'il y a trop de pauvreté à Québec, une pauvreté invisible parce que les gens sont fiers. »



Ce Montréalais d'origine s'aventure sur les relations avec la métropole. « Un jour, j'ai rencontré le maire Jean Drapeau et je lui ai dit : “Montréal et Québec sont comme deux belles femmes, mais il y en a une qui a du charme.” Drapeau n’était pas content », rappelle-t-il avec humour.



« Monsieur le maire » fêtera ses 94 ans au printemps. Pilote de guerre, prisonnier pendant 27 mois, aux prises avec une grève violente des débardeurs à Québec... il a acquis une sagesse qu'il transmet avec simplicité et vivacité. Son leitmotiv : « La vie, c'est ce qu'on en fait. Chaque individu a une destinée qu'il ignore. »



Monsieur le maire un jour, monsieur le maire toujours.



 



 



La biographie passionnante d’un homme que Québec n’oubliera jamais :



 



Gilles Lamontagne : Sur tous les fronts, par Frédéric Lemieux, aux éditions Carte Blanche, 2010.



 


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