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L’avenue Saint-Denis fait toujours tourner les têtes

17 juin 2022 | Jean-Marie Lebel, historien

L’avenue Saint-Denis fait toujours tourner les têtes
©François Gamache, Destination Québec Cité

Lorsque des hommes d’affaires de Québec firent construire leurs maisons sur l’avenue Saint-Denis dans les années 1850, c’était alors le site le plus élevé et le plus prestigieux de la vieille ville fortifiée. Entre les remparts, c’était aussi la dernière artère où l’on pouvait construire. La génération suivante d’hommes d’affaires, celle des années 1870 et 1880, fera édifier ses maisons au-delà des remparts, sur la Grande Allée.





Évoquer Londres et invoquer saint Denis



C’est à la toute fin de la Nouvelle-France, dans les années 1750, que fut tracée l’avenue Saint-Denis. On la voit apparaître sur une carte réalisée par l’ingénieur militaire Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry. Toutefois, ce n’est qu’un siècle plus tard, dans les années 1850, que l’on y construisit les maisons que l’on peut encore y voir de nos jours. L’aspect londonien des maisons s’explique par le fait qu’elles furent édifiées pour des familles anglophones. On remarque que l’étage le plus élevé est souvent percé de fenêtres plus petites. C’était l’attique où vivaient les domestiques.

Cette avenue quelque peu londonienne porte pourtant un nom bien français, et même parisien, car son nom rappelle le tout premier évêque de Paris. L’attribution du nom de Saint-Denis s’explique par le fait que l’artère est à proximité de l’avenue Sainte-Geneviève, située parallèlement en contrebas, et elle rappelle la sainte patronne de Paris. Un tableau la représente d’ailleurs avec ses moutons dans notre église Notre-Dame-des-Victoires, et chaque année, on y bénit encore les petits pains de sainte Geneviève.

C’est plutôt terrifiant et même horrible ce que l’on raconte au sujet de saint Denis. Évêque de Paris au IIIe siècle, au temps où Paris était une ville romaine, il fut décapité sur la colline de Montmartre. La légende veut qu’il ramassa sa tête avec ses mains et marcha quelques pas avant de s’effondrer. Les représentations iconographiques nous le montrent donc tenant sa tête entre ses mains. Le roi Dagobert fit plus tard élever l’abbaye Saint-Denis qui devint célèbre, car on y inhumait les rois de France.


©François Gamache, Destination Québec Cité



Les élèves de Wilkie et les chevaux de Turnbull



À l’extrémité ouest de l’avenue Saint-Denis se dresse toujours le bel édifice néogothique, construit en 1865, qui abritait jadis la Quebec High School. De nombreuses générations d’élèves anglo-protestants fréquentèrent cette institution scolaire. Le révérend Daniel Wilkie y fut un réputé professeur et ses anciens élèves en louangèrent longtemps les mérites. De l’autre côté de l’avenue, les élèves s’amusaient lors des récréations sur les pelouses dans une pente assez prononcée. Ce sont les verdoyants glacis de la citadelle aménagés lors de travaux de terrassement dans les années 1820. La Quebec High School quitta l’avenue Saint-Denis pour un nouvel édifice de l’avenue Belvédère en 1941, là où les élèves purent enfin bénéficier d’un grand terrain plat pour jouer au baseball.

L’époque des beaux grands attelages de chevaux est révolue depuis plus d’un siècle, mais on peut encore voir, avenue Saint-Denis, la porte cochère la plus imposante de Québec. Les chevaux y descendaient une longue pente menant aux deux écuries situées à l’arrière de la grande maison de Joseph Ferdinand Turnbull. Le lieutenant-colonel Turnbull était un grand amateur de chevaux et mit sur pied un régiment de cavalerie. Son épouse Elizabeth Mackenzie fut une grande bienfaitrice de l’hôpital Jeffery-Hale et l’avenue Turnbull (à l’arrière du Grand Théâtre) fut nommée en leur honneur.


©Jasmin Brochu, Destination Québec Cité



À Québec comme à Istanbul



À l’extrémité orientale de l’avenue Saint-Denis, un escalier permet de descendre à la terrasse Dufferin. Toutefois, avant de descendre, il faut se rendre à la terrasse Pierre-Dugua-De Mons où il y a des bancs publics et un point de vue impressionnant. Dominant le fleuve, on y aperçoit au loin la côte de Beaupré jusqu’au cap Tourmente, l’île d’Orléans et la pointe de Lauzon.

Chaque fois que je m’y rends et admire le vaste panorama offert, me reviennent à l’esprit les paroles d’Adolphe-Basile Routhier, grand voyageur devant l’Éternel, qui comparait le site majestueux de notre Vieux-Québec à celui d’Istanbul, pour ses vues à couper le souffle. Le Château Frontenac est notre Sainte-Sophie, et le Saint-Laurent notre Bosphore…


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