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L’industrie funéraire : Plus vivante que jamais

12 novembre 2014 | Johanne Martin

L’industrie funéraire : Plus vivante que jamais

S’il y a une certitude en ce bas monde, c’est que nous mourrons tous un jour. Parce que la population ne cesse de croître, les décès seront aussi de plus en plus nombreux. Une clientèle assurée et en croissance s’offre donc aux entreprises liées à ce secteur d’activité. Regard sur l’industrie à qui nous confions notre dernier repos.



Loin des aléas de l’économie mondiale, l’industrie funéraire profite de perspectives favorables. Si les progrès de la médecine ont contribué à augmenter considérablement l’espérance de vie, il n’en demeure pas moins qu’en un siècle, le nombre de décès au Québec a quasi doublé, passant d’un peu plus de 30 000 annuellement à quelque 60 800 en 2013, dont 5 600 uniquement dans la région de la Capitale-Nationale.



Selon l’Institut de la statistique du Québec, d’ici 25 ans, la Belle Province est appelée à perdre 100 000 citoyens par année. Autant d’occasions d’affaires pour les entreprises familiales indépendantes, les coopératives et les grands groupes privés qui se partagent chez nous le marché et les 250 permis de salons funéraires délivrés par le ministère de la Santé et des Services sociaux.




Loin des aléas de l’économie mondiale, l’industrie funéraire profite de perspectives favorables.




« L’industrie est encore largement dominée par l’entreprise indépendante, qui accapare à elle seule 206 permis, contre 27 pour les coopératives et 17 pour les groupes privés. Sur le territoire, on parle d’un secteur d’activité qui procure de l’emploi à environ 6 000 individus », révèle la directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec (CTQ), Nathalie Samson.   



Mais au-delà du portrait du secteur, les organisations concernées, qui se font de plus en plus concurrence entre elles, ont dû s’adapter aux nouvelles tendances. Très présente dans la vie des gens, la religion encadrait autrefois les rites funéraires. Lorsqu’une personne mourait, la suite des choses était connue. Aujourd’hui, le déroulement des funérailles est plus souple, que la religion soit ou non de la partie.



« C’est à nous maintenant, les directeurs de funérailles, de proposer des cérémonies significatives, confirme Yvan Rodrigue, président et chef des opérations chez Athos Services Commémoratifs. Nous travaillons d’ailleurs beaucoup avec de vrais maîtres de cérémonie. Nous célébrons dorénavant une vie qui a été vécue, nous soulignons un départ, les grandes réalisations de quelqu’un comme un hommage à la vie. »





Nombre de permis de salons funéraires délivrés par le ministère de la Santé et des Services sociaux :


Entreprises familiales indépendantes : 206


Coopératives : 27


Groupes privés : 17


 



Crémation ou inhumation



L’un des plus grands changements à être survenu dans les habitudes de consommation des services funéraires concerne sans aucun doute la décision d’une majorité de personnes d’opter, de nos jours, pour la crémation plutôt que pour l’inhumation. Si la motivation première a d’abord été associée à des considérations économiques – on souhaitait des funérailles à moindre coût –, ce n’est plus le cas en 2014.            



« Le phénomène a commencé dans les années 80 et on a par la suite assisté à une montée importante de la crémation comme mode de disposition du corps. Globalement, plus de la moitié des défunts – 55 à 60 % – sont maintenant incinérés, et davantage encore dans les milieux urbains », indique le directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec, Alain Leclerc.



Pendant un temps, l’exposition et tout ce qui entoure cette tradition ont été évacués des cérémonies mortuaires, mais les rituels tendent toutefois à revenir dans les pratiques, y compris lorsqu’il y a crémation. « On a même constaté, dans certaines études, que les gens ont plus souvent recours aux services d’un psychologue pour faire leur deuil en l’absence de rituel funéraire », note la directrice de la CTQ.   



Des rituels qui font un retour en force, mais qui prennent aussi des formes de plus en plus originales et variées. Les maisons funéraires doivent donc s’ajuster et répondre aux demandes particulières exprimées par les clients. La personnalisation des funérailles touche tout autant la musique choisie que le lieu de la cérémonie, le type de témoignage ou la présence d’objets divers.



« À peu près tout est possible aujourd’hui, à condition de respecter les critères de dignité et d’éthique », témoigne M. Rodrigue, qui mentionne au passage que le coût à prévoir pour des funérailles varie de 2 500 $ – un montant qui correspond à la somme versée par le gouvernement provincial pour chaque citoyen qui décède – à plusieurs dizaines de milliers de dollars, la moyenne étant de 5 500 $ environ.  



Selon celui qui n’a fait carrière que dans l’industrie funéraire depuis la fin de ses études, il y a plus de 30 ans, la mort est un sujet de moins en moins tabou. Lors du décès, nombreux sont ceux qui auront minimalement discuté de leurs dernières volontés avec leurs proches (tous les spécialistes du domaine encouragent d’ailleurs les gens à le faire) ou qui auront carrément pris les devants en achetant des arrangements préalables.





Quelques données :


Nombre d’emplois dans ce secteur : 6 000


Pourcentage de personnes qui ont recours à la crémation de nos jours : 55 à 60 %


Pourcentage de personnes qui ont recours aux arrangements préalables : 15 à 45 %


Coût moyen à prévoir pour les funérailles : environ 5 500 $


 



Payez maintenant, mourez plus tard



Avec le décès – au moment où celui-ci se produit –, les arrangements préalables constituent l’essentiel du marché que se disputent les maisons funéraires. En moyenne, de 15 à 45 % des personnes décident de préparer et de payer elles-mêmes leur « sortie officielle », et elles le font généralement 18 ans avant de quitter ce monde. Une bonne affaire ? Les avis des experts sont nuancés, voire même divisés à cet égard.




Les rituels font un retour en force, mais prennent des formes de plus en plus originales et variées.




Pour sa part, Nathalie Samson, de la Corporation des thanatologues du Québec, n’hésite pas à en recommander l’achat. « On sait combien un départ peut se transformer en situation dramatique, en conflits familiaux quand il n’y a ni préarrangements, ni testament », déclare-t-elle. D’autres font valoir que de payer à l’avance permet d’économiser à long terme, le coût des services augmentant évidemment avec le temps.



Aux yeux du directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec, Alain Leclerc, l’achat d’arrangements préalables « peut convenir à certains individus, mais pas à tout le monde. Les mœurs funéraires changent rapidement. Il importe d’échanger sur le genre de funérailles que l’on souhaite, cependant, il ne faut pas oublier qu’elles ne nous appartiennent pas totalement, qu’elles appartiennent aussi aux survivants ».



 



De nouvelles tendances



L’industrie funéraire, à l’instar des autres secteurs d’activité, prend place dans un environnement qui évolue au rythme des besoins de la société et de ses valeurs. Le désir du consommateur de « tout retrouver sous un même toit » – lieu de cérémonie, de réception et d’inhumation ou de dépôt des cendres –, tout comme la demande d’une catégorie de clients pour des produits écologiques ont notamment été entendus.



Des cercueils et des urnes biodégradables – dont certaines contiennent même des semences – sont désormais disponibles. Au Québec, deux cimetières écologiques (l’un à Saint-Jérôme et l’autre à Sherbrooke) ont « ouvert leurs grilles ». L’« aquamation », une crémation sans feu qui reproduit en accéléré, dans une solution à base d’eau, le processus de décomposition du corps, est également en voie d’être offerte chez nous.     



« Les nouvelles technologies ont bien entendu aussi pénétré l’industrie. Dans les salons funéraires, la présentation de vidéos du défunt ou encore la diffusion en direct de la cérémonie au bénéfice des personnes qui ne peuvent se déplacer sont maintenant possibles. Les condoléances en ligne et les livres familiaux sur le Web représentent d’autres exemples prouvant bien que nous sommes à la page », termine Mme Samson.   


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Gérer le consentement