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Le pays de la Lavande

30 juillet 2020 | Jean Chouzenoux, correspondant européen

Le pays de la Lavande

Au départ de Nice, empruntez l’autoroute A8 direction Marseilles. Quittez à la sortie St-Tropez et remontez vers le nord en sillonnant sur une enfilade de jolies routes départementales, direction le Plateau de Valensole.



Bien sûr, vous avez attendu le mois de juillet pour que la Lavandula, arbrisseau dicotylédone à fleurs mauves de la famille des Lamiaceae, soit en pleine floraison. Mais est-ce un songe ? Celui d’une vie antérieure à ce satané virus ou un mirage ? Celui d’une vie post COVID-19 où les voyages auront un jour repris cours. Ce qui est sûr, c’est qu’ici en France, l’été sera comme au Québec : les vacances se prendront dans nos régions respectives. L’occasion pour moi de visiter l’arrière-pays provençal et de vous en relater quelques bribes.

Dans les Alpes de Haute Provence



Le Plateau de Valensole est une région des Alpes de Hautes Provence ceinte de deux plans d’eau : la rivière de la Durance et le majestueux Lac Ste-Croix. On y accède par des routes bordées de platanes hautes de 20 mètres qui se rejoignent en leur cime, comme les ogives d’une cathédrale, formant un sublime toit ombragé. Les champs adjacents aux cultures variées sculptent une mosaïque et complète ce décor de charme, tel une toile de Monet.




Valensole constitue en quelques sortes le grenier de la région tant la culture y est abondante et foisonnante. Les principaux éléments contributifs à cette terre nourricière sont bien évidemment le sol et le climat. La terre de gypse, cette roche saline sédimentaire, se conjugue harmonieusement au climat méditerranéen qui sait être parfois caniculaire en juillet et août. Poussent alors blé, cerisiers, amandiers, vignes, melons, truffes et, en deux teinte dominantes, la lavande.

Chaque année, au moment de la floraison, les badauds abondent appareils photos en main fébriles à l’idée de clichés qui figeront leurs souvenirs et qu’ils relaieront par l'entremise des technologies d’aujourd’hui. On n’y échappe pas, dès qu’une première étendue violacée se pointe à l’horizon, on cabre les roues du véhicule qui prend appui sur le bas-côté de la route, on sort l’attirail, on pointe l’objectif et on enclenche l’obturateur. Bon... avec un IPhone, c’est plus simple.

Au-delà du panorama exceptionnel s’ajoute le bourdonnement incessant des abeilles butineuses et les parfums exaltants de la lavande chauffée par le soleil, complétant ainsi cette totale expérience sensorielle. Tantôt vous avez une étendue horizontale à perte de vue. Tantôt le champ est adossé à une falaise calcaire. Ailleurs, il jouxte une aire de tournesols. Parfois c’est un simple carré au pied d’une montagne. Or, quand vous avez le village médiéval haut perché en arrière-plan, c’est l’apothéose. Je dirais même plus : c’est jubilatoire !

Les produits à base de Lavande



La transformation de la fleur de lavande se décline en une multitude d’options. Il y a bien sûr les produits cosmétiques allant des barres de savons jusqu’aux sublimes parfums, en passant par les huiles essentielles. Mais en amont, il faut procéder à la distillation qui démarre généralement vers la fin août, après les récoltes.

Autre produit, alimentaire cette fois, produite au cœur de la Provence : le miel de lavande. Réputé pour ses vertus gustatives et médicinales, ses arômes délicats et parfumés, sa couleur dorée, sa texture onctueuse et son goût délicat, il lui confère sa singularité. Conséquemment, on n’est guère surpris de voir disposées un grand nombre de ruches le long de certaines aires de plantation de lavande. Ce sont les abeilles ouvrières qui récoltent le nectar, d’où le bourdonnement continuel dans les champs, pour ensuite le transmettre par la technique du « bouche à bouche » à leurs consoeurs demeurées au rucher et qui s’activent à transformer le délicieux nectar en miel unique et savoureux.

Enfin, souvenir indélébile d’un séjour provençal… Qui n’a pas reçu un jour en cadeau ces petits sachets en tissus brodé embaumant la lavande et que l’on place au creux d’un tiroir pour donner bonne odeur ou pour chasser les mites ?

Le village de Gordes



Justement, poursuivant notre route jusque dans le Luberon voisin, voilà qu’on aperçoit un joli bourg perché sur un rocher, à 630 mètres d’altitude. C’est le village de Gordes anobli, à juste du titre, au rang de beau village de France. On trouve des traces de son origine dès le VIIIiè siècle avec l’érection d’une première abbaye.




Moins de 2000 habitants vivent dans l’enceinte de la cité médiévale et maintiennent son activité économique. Une première halte s’impose juste avant de franchir l’entrée de Gordes pour admirer la vaste plaine qui s’étend sous vos pieds, voire sous vos yeux. Deux points de vue saisissant s’offrent à nous. Du premier, on saisit bien le positionnement stratégique du lieu afin de dominer l’ennemi qui pouvait surgir. Du second, on obtient une vue imprenable sur l’ensemble de bâtiments qui font mine de s’agripper à la montagne.

Aujourd’hui, le village reçoit sa cohorte de touristes venus admirer les maisons de pierres sèches, appelées bories. Il s’agit de pierres plates, obligatoirement locales, que l’on superpose les unes sur les autres sans aucun mortier pour donner formes aux maisons, hôtels, édifices municipaux, églises et, bien entendu, la pièce maîtresse du bourg, son imposant château. C’est stupéfiant ! On reste admiratif du génie humain devant cette architecture séculaire. En outre, comme tout village du Moyen-Âge, au détour des étroits chemins pavés, le chaland découvre des fontaines aux cascades joyeuses, un lavoir où venaient s’éreinter les ménagères, un moulin à eau pour la fabrication de la farine et évidemment, les étals multicolores et bien garnis des paysans ou artisans venus y vendre leurs produits, les jours de marché.




Ce cadre idyllique a d’ailleurs bien servi le monde du cinéma, des réalisateurs venus y tourner nombre de films dont L’été meurtrier, un chef-d’œuvre de sensualité avec Isabelle Adjani et Alain Souchon ou, dans un tout autre registre, certaines scènes de la comédie hilarante et touchante, Les vacances de Mr Bean.

Enfin, non loin de la cité, à un jet de pierre si je puis dire, les lieux de pèlerinage ne manquent pas. On se trouve d’ailleurs en partie sur le chemin de St-Jacques de Compostelle. Un arrêt incontournable s’impose à l’Abbaye de Sénanque, surtout pour le cadre bucolique où elle est nichée… au creux d’une vallée et entourée de lavande. Vous voyez le tableau ? Auparavant, vous vous serez arrêtés au Village des Bories. On y revient à ces pierres sèches, mais cette fois, tout est resté « dans son jus », comme disent les français. Classé monument historique, ce village datant du XVIIiè siècle est constitué de petites maisons de pierres sèches qui servaient à l’époque de demeures pour les paysans venus travailler aux champs ou justement à l’extraction de la pierre.

Décidément, cette incursion dans le Luberon nous laisse un goût de "revenez-y" !



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