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Monique F. Leroux : puissance et humilité

2 juin 2014 | Donald Charette

Monique F. Leroux : puissance et humilité

Puissance et humilité



« Êtes-vous la femme la plus puissante du Québec ? » Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, hésite à peine avant de répondre, avec la conviction dans la voix, qu'il faut aborder les fonctions qu'on occupe avec une bonne dose d'humilité.



« On nous confie des choses, des responsabilités, pour un certain temps. Il faut se garder une discipline d'humilité du pouvoir. Si on perd ça, on peut se retrouver en difficulté. Nous sommes toujours en situation d'apprendre », explique en entrevue celle qui dirige la puissante coopérative depuis six ans. L'entrevue se déroule à son bureau de Lévis et Monique F. Leroux accepte volontiers de parler de son parcours personnel et professionnel qui l'a amenée au plus haut sommet. Surtout, elle insiste sur les valeurs qui l'animent. Directe, elle n'élude aucune question.




« Le leadership, c'est une émotion, c'est une énergie positive. Pour apprendre, il faut savoir écouter. »




Petit rappel pour mesurer ce que représente Desjardins aujourd'hui : 212 milliards de dollars d'actifs, 45 000 employés, six millions de membres, 376 caisses, la cinquième plus grosse institution coopérative dans le monde... Des chiffres qui donnent le tournis. Le C. V. de Monique F. Leroux est tout aussi époustouflant et couvre une infinité de mandats, allant du conseil d'administration du Crédit Mutuel en France à celui de lieutenant-colonel honoraire du Régiment de la Chaudière. Membre de l'Ordre du Canada, de l'ordre national du Québec, de la Légion d'honneur, elle cumule des doctorats et des reconnaissances à titre de femme d'influence.



Son parcours



Monique F. Leroux se destinait d'abord à la musique et a fait le Conservatoire avant de bifurquer vers la comptabilité. Comme pianiste, dit-elle, « j'avais un certain talent, mais pas un talent exceptionnel; je compensais ». « Puisqu'il faut finir ce qu'on commence », elle termine ses études et s'inscrit en comptabilité à Chicoutimi, car elle veut « joindre les entreprises, le domaine des affaires ».



Dix-sept ans chez Ernst & Young, où elle a eu des mentors d'exception, la préparent à une carrière en accéléré. Vice-présidente de Québecor lors de l'achat de Vidéotron, elle est recrutée par la Banque Royale comme vice-présidente au Québec, avant d'entrer chez Desjardins en 2001, à titre de responsable des finances.



Encore aujourd'hui, elle en parle avec émotion. « J'ai reçu le privilège d'un appel d'Alban D'Amours. Quand vous recevez une offre de Desjardins, ça vous rejoint profondément. La caisse scolaire de notre enfance, ça nous marque. Le Québec ne serait pas ce qu'il est sans Desjardins, vous le recevez donc comme un privilège. » En 2008, Monique F. Leroux se lance donc dans la course à la présidence, convoitée par huit candidats. C'est un poste électif et le candidat doit faire cabale auprès de 256 membres du conseil électoral venus de tous les horizons. « C'est la période la plus intense et la plus stimulante de ma vie », se remémore la présidente, qui a dû répondre aux questions de chacun d'entre eux.



Avant de se lancer dans cette aventure, Monique F. Leroux a obtenu l'aval de sa famille. Ses parents d'abord, puis son conjoint Marc (physicien) et sa fille adoptive Anne-Sophie. « On s'est embarqués là-dedans ensemble, car ce choix a des conséquences; ma fille avait 12 ans à l'époque », résume-t-elle, amusée. Comment concilier travail et famille à un tel niveau de difficulté ? « Il faut être bien organisé. Marc et moi ne partons jamais en même temps à l'étranger. Il y a toujours quelqu'un à la maison, question d'avoir une continuité. Aussi, il faut se garder du temps. On a besoin, tous les trois, d'être ensemble deux ou trois semaines par année. » En pratique, cela signifie que la présidente de Desjardins tient compte du calendrier scolaire et prend des vacances en juin, tout simplement parce que sa fille sera monitrice dans un camp durant l'été. Quand on sait que l'agenda de Monique F. Leroux est divisé en trois tranches – le tiers à Montréal, le tiers à Lévis, et le dernier tiers en région, au Canada, en Europe –, on comprend la nécessité de se rejoindre quelque part.



Monique F. Leroux est l'une des rares femmes à exercer autant de pouvoir dans le domaine de la finance et à toucher un salaire en conséquence, soit celui d'un joueur de hockey. Sur la question du féminisme, elle note que les deux sexes sont complémentaires sur le plan du travail et constate, avec fierté, que les femmes constituent 50 % des inscriptions en comptabilité (à peine 5 % lors de ses études). Au sein de Desjardins, 50 % des postes de cadres sont détenus par des femmes et celles-ci composent 30 % des cadres supérieurs. Réélue en 2012, Monique F. Leroux terminera, en 2016, son second et dernier mandat de présidente. Les défis ne manquent pas avec la Cité de la Coopération, qui jaillit de terre à Lévis, le second Sommet international des coopératives, qui aura lieu en octobre, l'intégration de l'assureur State Farm, qui double la taille de Desjardins dans le reste du Canada...



Tout récemment, elle disait vouloir faire de Québec le Davos de la coopération. Pas étonnant qu'elle lâche : « Le statu quo, je n'y crois pas, car pendant ce temps, les autres bougent. Partir des projets, c'est cela qui me passionne. » Monique F. Leroux affirme ne pas avoir pensé à l'après 2016, mais ne ferme aucune porte. « C'est trop tôt », tranche-t-elle. Elle est dans la force de l'âge – elle est née en 1954 – et cumule un tel bagage, qu’on n'a pas fini d'entendre parler de cette dame, et cela est musique aux oreilles de bien des Québécois. Elle fait d'ailleurs un lien entre ses deux formations : « Tout ça, ce ne sont pas juste des chiffres. Le leadership, c'est une émotion, c'est une énergie positive. Pour apprendre, il faut savoir écouter. »



 



 



 



 



 



 



 



 



 



  


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