Recherche

Nouvelle réglementation dans le monde du scotch

26 juin 2019 | Eric Van Hove, Passion Whisky Québec

Nouvelle réglementation dans le monde du scotch

Si vous connaissez un peu le fonctionnement de nos cinq sens, vous savez que nous sommes conçus pour plus facilement percevoir les variations, les mouvements ou les changements. Alors quand, à la mi-juin, la réglementation sur le scotch whisky a changé, après des années d’immobilité, même si c’est juste un tout petit peu, la perception de variation est grande et il faut absolument en parler. Voyons voir si ce mouvement est finalement important ou anodin.



Commençons par le début


Existant depuis 1942, la Scotch Whisky Association (SWA) est un regroupement de producteurs, distributeurs et propriétaires du monde du whisky écossais qui travaille à promouvoir, à protéger et à représenter les intérêts de l’industrie du scotch whisky dans le monde. Ses membres représentent 95 % de la production de scotch whisky.

Les règles de fabrication du scotch whisky sont bien définies dans les lois du Royaume-Uni et de l’Union européenne, et la SWA surveille son application de façon étroite. Elle se présente comme la protectrice de l’authenticité et de l’intégrité du produit pour garantir sa crédibilité dans le monde et, par le fait même, ses ventes. Elle agit en tant que chien de garde contre plusieurs dérives purement commerciales qui pourraient tenter des producteurs un peu trop avides de profits à court terme, au détriment du bien de l’industrie.




Mais, selon certains acteurs du marché, elle est également un frein à l’évolution de scotch whisky en limitant de façon très stricte ce qu’est un scotch whisky et comment il peut être produit. Ainsi, depuis des années, plusieurs réclamaient entre autres des assouplissements sur les types de fûts pouvant être utilisés pour le vieillissement du précieux distillat.

La raison officielle qui justifie le changement n’est pas claire, mais les faits sont qu’un amendement à la réglementation concernant spécifiquement la maturation du produit a été déposé auprès des entités juridiques. Après acceptation, il est maintenant en vigueur depuis la mi-juin 2019.

De façon concrète, cet amendement élargit les possibilités ou, du moins, donne une définition plus claire des fûts pouvant être utilisés pour le vieillissement et la finition du scotch whisky (la finition étant un vieillissement de quelques mois à quelques années à la suite du vieillissement principal).

Ainsi, selon le nouveau texte, un scotch whisky ne peut pas être vieilli ou avoir une finition de vieillissement en fûts ayant contenu de l’alcool de fruits à noyau (pêche, abricot, cerise, datte ou prune, entre autres) ou en fûts de bière ou de vin ayant été altérés après leur fermentation par l’ajout de saveurs ou de sucre.

Finalement, en fûts d’alcool distillé ayant été altérés après la distillation par l’ajout de saveurs, de sucre ou encore, si l’alcool distillé a été mis dans des fûts sans que ce soit la façon traditionnelle de faire (pour les amateurs de scotch friands de détails, voyez le texte original et le nouveau texte en fin d’article).

L’objectif principal de ces règles est de ne pas utiliser des fûts ayant des saveurs trop éloignées des saveurs traditionnelles du scotch whisky. En plus, comme ces règles de fabrication empêchent tout ajout d’ingrédients et de saveurs artificielles, il est normal que l’on demande que les fûts utilisés en soient aussi exempts.

La dernière phrase de la réglementation est très importante et permettra aux organismes de vérification d’avoir une marge de manœuvre discrétionnaire sur ceux qui pousseraient trop loin les limites de l’expérimentation :

« Sans égard au type de fût utilisé, le scotch whisky obtenu doit avoir la couleur, le goût et les arômes caractéristiques d’un scotch whisky ».

Donc, au bout du compte, les producteurs peuvent s’amuser davantage avec les fûts, tant que cela ne dénature pas le produit. Étant donné que jusqu’à 80 % des odeurs et saveurs d’un whisky viennent du fût dans lequel il est vieilli, je suis curieux de voir comment les autorités pourront, dans les faits, appliquer cette nouvelle réglementation. Sachant que le goût est subjectif, si j’étais un producteur, je m’assurerais d’être dans les bonnes grâces de la SWA avant de trop investir dans des expérimentations loufoques.

Dans les faits, plusieurs producteurs de whiskys n’ont pas attendu les changements de règles pour s’essayer à des expérimentation avec des fûts de Tequila, de Mezcal ou de Calvados.

Le producteur de Calvados, Guillaume Drouin, de la maison Drouin, gagnant du trophée du meilleur producteur de spiritueux européen en 2013, mentionne avoir déjà vendu des fûts ayant contenu du Calvados à des distilleries écossaises comme Arran, Springbank, Dalmore et Kilchoman. La distillerie suédoise Mackmyra est aussi sur la liste de leurs partenaires. À suivre !

On peut se questionner sur les raisons du changement des règles sur la maturation du scotch whisky, mais on peut facilement imaginer que compte tenu de l’augmentation de l’offre de whisky de qualité à travers le monde dans les 20 dernières années (Inde, Taiwan, Japon, Suède, Canada, États-Unis, France, Allemagne, et spécifiquement de whisky à base d’orge maltée qui est la spécialité de l’Écosse), la pression des membres sur l’organisme était devenue trop forte pour ne pas réagir.

Le besoin de donner un peu plus de marge de manœuvre pour permettre aux équipes de marketing et de production de créer de nouveaux produits pour que le scotch ne soit pas bientôt perçu comme un « vieux » produit est probablement le moteur de ce changement.

Je crois fermement que la réglementation qui définit le scotch whisky est une bonne chose pour l’industrie. Si quelqu’un veut expérimenter et créer un autre produit, c’est parfait ! Mais il doit assumer le fait qu’il est hors norme et le nommer autrement, le faire connaître pour ce qu’il est et ne pas essayer de simplement surfer sur la vague du scotch whisky déjà bien connu et apprécié partout dans le monde.

Le changement qui a eu lieu en ce mois de juin 2019 ne met pas l’industrie sens dessus dessous, mais quand tout est immobile, le moindre mouvement ne passe pas inaperçu.

Techniquement, nous ne verrons pas demain matin une vague de whisky vieilli en fût de « liqueur de lait de chèvre ». Je crois que tout au plus, nous verrons dans quelques années certains produits ou certaines éditions spéciales avec une mention de finition dans des fûts moins « traditionnels » ou encore des blended whiskys qui contiendront dans leur mélange quelques fûts de Calvados ou de Tequila.

D’ailleurs, je suis prêt à parier que c’est déjà le cas sans qu’on le sache, parce que la réglementation sur le scotch whisky n’oblige pas à déclarer la recette de mélange des fûts… mais ça c’est une autre histoire.

Santé !

___________________________________________________________________




Voici le texte original du paragraphe en question dans le document technique définissant le scotch whisky, en vigueur avant juin 2019 :



Most casks will previously have been used to mature other alcoholic beverages: some, for example, will have contained Sherry, and some will have contained American Bourbon Whiskey.

Et voici le paragraphe amendé du texte en vigueur depuis le 14 juin 2019 :



The spirit must be matured in new oak casks and/or in oak casks which have only been used to mature wine (still or fortified) and/or beer/ale and/or spirits with the exception of : wine, beer/ale or spirits produced from, or made with, stone fruits; beer/ale to which fruit, flavouring or sweetening has been added after fermentation; spirits to which fruit, flavouring or sweetening has been added after distillation and where such previous maturation is part of the traditional processes for those wines, beer/ales or spirits. Regardless of the type of cask used, the resulting product must have the traditional colour, taste and aroma characteristics of Scotch Whisky. These requirements also apply to any finishing as referred to below.

___________________________________________________________________

Références :



https://scotchwhisky.com/magazine/latest-news/26098/new-scotch-rules-aim-to-add-flexibility/

https://www.whiskymag.fr/article/guillaume-drouin%e2%80%89-2-ou-3-choses-que-jai-apprises-sur-les-futs-de-calvados/

https://scotchwhisky.com/magazine/opinion-debate/the-debate/16885/is-scotch-whisky-too-strictly-regulated/

https://scotchwhisky.com/magazine/in-depth/26159/scotch-whisky-s-new-rules-explained/

http://www.slate.fr/story/93527/visite-distillerie-calvados

https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/809209/SDVS-scotch-whisky-tech-guide.pdf

____________________________________________________________________



À propos d’Eric Van Hove



Eric Van Hove est le nouveau collaborateur whisky pour Prestige. C'est un passionné de scotch whisky et le fondateur de Passion Whisky Québec, le seul site québécois qui organise des groupes d'importations privées de whisky. Il est aussi organisateur et animateur d'événements et de dégustations privées ainsi que collaborateur whisky pour Alfred.

Pour suivre Passion Whisky Québec :
Sur Facebook
Sur le Web
Sur le site Alfred

rêver

Gérer le consentement