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Prendre son temps… rue Sainte-Famille

25 février 2021 | Jean-Marie Lebel, historien

Prendre son temps… rue  Sainte-Famille
© Fonds Daniel Abel

Dans notre Vieux-Québec, les piétons ont peu l’occasion de porter attention aux maisons de la rue Sainte-Famille. Sur les étroits trottoirs, ils sont essoufflés par la longue pente de plus en plus abrupte. Et lorsqu’ils descendent la rue, ils doivent se concentrer sur leurs pas de plus en plus rapides. Pourtant, cette rue, qui a plus de trois siècles et demi d’histoire, mérite que l’on s’y attarde quelque peu.




© Fonds Daniel Abel



Monseigneur de Laval y est pour quelque chose



Débutant aux abords du parvis de la basilique, la rue Sainte-Famille descend de la place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’à la rue des Remparts. Le plan de Québec que réalisa l’ingénieur Jean Bourdon en 1660 nous révèle que cette rue ne fut d’abord qu’un sentier dans la ferme de Guillaume Couillard et de Guillemette Hébert. C’est le Séminaire de Québec, devenu propriétaire des lieux, qui transforma plus tard le sentier en « rue de la Sainte-Famille ». C’est le nom que l’on voit apparaître dans un procès-verbal d’alignement du 20 août 1696 de François Genaple de Bellefonds. Et il y est spécifié que c’est une « nouvelle rue ». C’était au temps du gouverneur Frontenac.


La rue Sainte-Famille descend de la place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’à la rue des Remparts. © Fonds Daniel Abel



Vivant alors retiré dans le séminaire qu’il avait fondé, Mgr François de Laval était un inlassable propagateur de la dévotion à la Sainte-Famille (c’est-à-dire la famille de Jésus, Marie et Joseph). Il lui avait dédié le Séminaire et consacré un autel dans sa cathédrale. Lorsque le vieil évêque décéda en 1708, il y avait déjà quelques maisons le long de la nouvelle rue.


© Fonds Daniel Abel



Jusqu’à l’arc de triomphe



Ce que le destin réservait au turbulent François-Joseph Chaussegros de Léry, qui vécut son enfance dans la rue Sainte-Famille, les résidents de la rue n’auraient pu s’en douter. Il devint l’un des généraux de la Grande armée et de l’empereur Napoléon 1er, et s’illustra lors de la bataille d’Austerlitz en 1805. Son nom fut gravé sur l’arc de triomphe de l’Étoile à Paris, dont l’empereur décréta la construction en 1806.

C’est son grand-père, l’ingénieur militaire Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, à qui l’on devait l’édification des remparts de la ville, qui avait fait construire la maison familiale de la rue Sainte-Famille à la fin des années 1720. Elle avait les allures d’un manoir seigneurial de campagne. De grands peupliers ombrageaient sa cour. Quelques générations de la famille l’habitèrent, et les gens se mirent à surnommer « côte de Léry » la partie abrupte de la rue Sainte-Famille. Avant d’être démolie, la vieille maison servit d’atelier de menuiserie pour le Séminaire. Sur son emplacement fut érigé en 1920-1921 le pavillon des Classes du Séminaire, de style Beaux-Arts (de nos jours devenu le pavillon Lucien-Godbout du Collège François-De-Laval).


En 1920-1921, le pavillon des Classes du Séminaire, de style Beaux-Arts, est devenu le pavillon Lucien-Godbout du Collège François-De-Laval. © Fonds Daniel Abel



A Quebec City Street



À l’époque du Régime anglais, le Vieux-Québec s’anglicisa. C’est ainsi, par exemple, que la rue Saint-Pierre fut appelée « St. Peter Street ». Les citoyens anglophones se mirent à appeler « Hope Hill » ou « Hope Street » notre rue Sainte-Famille. C’est que l’on avait érigé, au bas de la rue, la porte Hope en 1786. Dominant la côte de la Canoterie, elle avait ainsi été nommée en l’honneur du lieutenant-gouverneur Henry Hope. Cette porte, qui disparut en 1873, le seigneur et écrivain Philippe Aubert de Gaspé l’avait traversée bien des fois. Il résidait d’ailleurs rue Sainte-Famille lorsqu’il rédigea son fameux roman Les Anciens Canadiens, qui parut en 1863. Dans ses Mémoires, il raconta avec grâce et nostalgie ses années d’enfance et de jeunesse dans le Vieux-Québec. S’il revenait de nos jours rue Sainte-Famille, le vieil homme de lettres, mort en 1871, y reconnaîtrait beaucoup de vieilles maisons. Les maisons demeurent, les piétons passent, toujours essoufflés et trop pressés…












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