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Tendances, mondialisation et politique en 2011

20 janvier 2011 | Nelson Michaud, Ph.D.

Tendances, mondialisation et politique en 2011

Au Québec, jumeler les mots tendance et politique fait résonner une phrase rendue célèbre par Bernard Derome : « Si la tendance se maintient… » Cette application mathématique du mot tendance ne peut toutefois pas nous faire oublier que, s’il est un milieu où l’on aime se reposer sur les tendances, c’est bel et bien dans les milieux politiques.



 



Tendance ou propagande?



Un premier constat s’impose : les politiciens, même défaits, ne sont pas les victimes innocentes des phénomènes de tendance. Ils cherchent à la créer, ils la provoquent et souhaitent l’utiliser pour alimenter leurs succès. Influencer l’opinion publique a été le fait de tous les gouvernements et de tous ceux qui aspirent à le former, aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps. La rhétorique, cet art de convaincre par le discours, a été articulée par les mêmes Grecs qui nous ont légué le concept de démocratie. Et lorsque le discours fait la promotion d’une idéologie, c’est alors de propagande qu’il faut parler. On peut percevoir négativement ces manifestations, soit parce qu’elles sont contraires à nos valeurs – que ce soit la propagande nazie au tiers du XXe siècle ou les images d’appui « unanime » envers Kim Jong-il diffusées à la fin de l’année dernière –, soit parce que nous souhaitons voir nos propres options politiques prévaloir et se faire consacrer comme étant LA tendance.



Tendance et médias



À cet égard, nous ne pouvons négliger le rôle des médias. Ils peuvent devenir de puissants catalyseurs d’idées parfois marginales. Reportages et sondages se succèdent et semblent dégager l’opinion d’une majorité. Mais de quelle majorité s’agit-il ? Dans son ouvrage portant sur les élections de 2003 au Québec, André Pratte démontre bien que, sous des apparences d’évidences, rien n’est aussi simple : les Québécois se sont-ils laissés porter par le vent – ont-ils suivi la tendance – ou ont-ils gardé le cap ? Créer et maintenir une tendance, en politique, n’est donc pas un exercice simple. Les idées, le programme, voire les choix personnels ou l’attitude d’une ou d’un chef politique, sont certes à la base des premières adhésions, mais on souhaite créer l’enthousiasme généralisé qui assure la victoire; il faut que cela « devienne tendance » de voter pour ce candidat. La tendance peut alors réduire la politique à un produit que l’on mousse. Le phénomène de la Trudeaumanie qu’a connu le Canada à la fin des années 1960 en est un bel exemple.



Tendance et mondialisation



Cette dynamique où idées, modes et tendances sont alimentées ou démolies par les médias trouve dans la mondialisation une dimension encore plus étonnante. Il y a 50 ans, les parades du 1er mai sur la place Rouge à Moscou confortaient les tenants de la scission du monde en deux. Il y a 30 ans, Margaret Thatcher tentait de redresser une administration publique britannique sclérosée et son approche, reprise par Ronald Reagan, a eu l’effet d’une traînée de poudre, de sorte que la très grande majorité des gouvernements dans le monde opèrent dorénavant à partir de ces nouveaux paramètres – encore là, nous voyons une nouvelle application des tendances. Aujourd’hui, à l’heure des médias sociaux et des chaînes de nouvelles en continu, les tendances peuvent naître l’instant de quelques clics et le phénomène boule de neige leur donne une ampleur jamais vue auparavant, du moins tant qu’elles ne sont pas supplantées par une tendance nouvelle.



Tendances en 2011



Dans ce contexte, que nous réserve 2011 au chapitre des tendances politiques ? Les politiciens trouveront-ils les cordes sensibles propres à faire vibrer leur électorat au diapason de leurs idées ? Il est très difficile de prédire ce qu’il adviendra. Jadis, la santé économique fournissait un bon pronostic des appuis que recevraient les politiciens et des tendances qui se profilaient dans l’électorat. Cela ne semble plus être le cas, ni au Québec, ni au Canada. Peut-être que devant ce maelström d’idées venues de partout, ce sera le réflexe de placer les intérêts locaux au premier plan qui créera la prochaine tendance.



Pour en savoir plus :


Un siècle de propagande? Information, communication, marketing gouvernemental, de Robert Bernier, Presses de l’Université du Québec, 2001.


Le temps des girouettes. Journal d’une drôle de campagne électorale, d’André Pratte, VLB éditeur, 2003.


Médias et démocratie. Le grand malentendu, d’Anne-Marie Gingras, Presses de l’Université du Québec, 2009.


 


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