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Entrons dans la ville de Québec de 1867

2 octobre 2017 | Jean-Marie Lebel, historien

Entrons dans la ville de Québec de 1867
À l'angle de la côte d'Abraham et de la rue Saint-Vallier (Carte postale Montreal Import Co.)


En cette année 2017, on a beaucoup entendu parler du 150e anniversaire du Canada. Nous vous amenons à Québec, il y a 150 ans, l’année de l’entrée en vigueur de la Confédération canadienne. Une ville à découvrir, des gens à rencontrer.




Vivre à l’ombre des remparts
C’est une vieille ville. Des soldats de la garnison britannique de la reine Victoria gardent les portes des remparts. Les rues poussiéreuses, aux trottoirs de bois, sont souvent étroites ou en pente. Les chevaux y sont rois. Ce sont eux qui tirent les voitures du tramway, calèches, carrioles, berlots, banneaux… Des portes-cochères donnent accès à leurs écuries. Ils font vivre les charretiers, cochers, forgerons, maréchaux ferrants, charrons, voituriers. Ils connaissent par cœur les parcours des laitiers, boulangers, marchands de charbon, aiguiseurs de couteaux, ramoneurs de cheminées…
À Québec, l’ancien Parlement du Canada-Uni devint le Parlement de la province de Québec/©Tiré du livre L’hôtel du Parlement témoin de notre histoire, Québec, 1996.


Peupler et habiter
C’est une ville toute bâtie ! Il n’y a plus de lots à construire. Il n’y a que de minuscules parcs publics, dont la place d’Armes. Du côté nord, la rivière Saint-Charles est la frontière. Il faut payer pour traverser le pont Dorchester. Du côté est, la rue Saint-Ours (boulevard Langelier), à la basse-ville, et la rue de Salaberry, à la haute-ville, sont les limites de la ville. Aux guérites, il faut payer pour sortir de la ville et emprunter les « chemins à barrières ». Des gens n’ont jamais quitté la ville. D’autres s’en sont allés à la chute Montmorency ou à Sainte-Anne-de-Beaupré. Selon les données du recensement de 1861, la ville de Québec comptait 58 319 habitants, dont 13 358 Irlandais et 9 710 Anglo-Écossais. Montréal, quant à elle, comptait au-delà de 90 000 habitants.

Gouverner et administrer
L’hôtel de ville occupe, rue Saint-Louis, l’ancienne maison du brasseur Thomas Dunn. Le journaliste Joseph-Édouard Cauchon, qui a une grande barbe et une voix tonitruante, est le maire. Le poste de police et la caserne de pompiers sont à l’arrière de l’hôtel de ville. Dans la seconde moitié des années 1850, le maire Belleau a enfin doté la ville d’un aqueduc et de bornes-fontaines.

Dans le haut de la côte de la Montagne, l’ancien Parlement du Canada-Uni devient le Parlement de la nouvelle province de Québec. En juillet, l’ancien maire Belleau devient le premier lieutenant-gouverneur de la province et demande au maire Cauchon de devenir le premier ministre de la province. Toutefois, ce dernier, controversé, ne réussit pas à compléter son cabinet de ministres et c’est plutôt Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, qui était depuis de nombreuses années surintendant de l’Instruction publique, qui devient le premier ministre. Sur la scène fédérale, c’est le député Hector-Louis Langevin de la rue Saint-Louis, un autre ancien maire de Québec, qui représentera la ville de Québec dans le conseil des ministres de John A. Macdonald.

Gagner sa vie et s’approvisionner
Les puissants navires à vapeur à coque d’acier remplacent de plus en plus les fiers et élégants grands voiliers fabriqués à Québec. La construction navale fait vivre de moins en moins de monde. Dans les quartiers Saint-Roch et du Palais vivent ou se rendent les ouvriers des tanneries, fabriques de chaussures ou de tabac, scieries, tonnelleries, brasseries, fonderies où l’on fabrique des poêles à deux ponts. Mais rares sont les entreprises qui emploient plus d’une cinquantaine d’hommes.

C’est Jean-Baptiste Renaud, de la rue Saint-Paul, qui est le plus important épicier en gros de la ville qui compte un bon nombre de petites épiceries. Ce sont toutefois sur les places des marchés que les habitants se procurent leur viande, leurs fruits et légumes, leur lait, leurs œufs… La ville compte un bon nombre de marchands de tissus à la verge, car l’on confectionne les vêtements surtout à la maison. Les plus fortunés ont leurs tailleurs et modistes. Les commerçants de détail anglophones sont installés rue Buade, côte de la Fabrique, rue Saint-Jean. Les marchands francophones sont aux abords de la place Royale et se font de plus en plus nombreux rue Saint-Joseph.
Le maire Joseph-Édouard Cauchon / © wikipedia.org


Prier, instruire, soigner
La ville perd son vieil archevêque Pierre-Flavien Turgeon, depuis longtemps malade et paralysé. Charles-François Baillargeon, qui administrait le diocèse depuis de nombreuses années, devient le nouvel archevêque. Originaire d’une petite île de la région de Montmagny, cet être chétif est connu pour sa modestie et sa grande générosité. Les prêtres du Séminaire dirigent le Petit Séminaire, le Grand Séminaire et l’Université Laval. La commission scolaire est présidée par le curé de Notre-Dame de Québec et plusieurs de ses écoles sont confiées aux frères des Écoles chrétiennes et aux sœurs de la Charité. Les deux couvents sont dirigés par les Ursulines et les sœurs de la congrégation de Notre-Dame. Les protestants ont leur commission scolaire et leur High School.

Le soin des malades a été confié aux Augustines de l’Hôtel-Dieu. En cette année 1867, les protestants voient enfin ouvrir leur hôpital grâce à la générosité de l’homme d’affaires Jeffery Hale. Plusieurs médecins sont installés rue Sainte-Ursule. L’huile « de castor » et l’huile de foie de morue sont souvent recommandées. La pharmacie Brunet est la plus populaire dans le faubourg Saint-Roch et la pharmacie Musson a une bonne clientèle à la haute-ville.
L'archevêque Charles-François Baillargeon / © wikipedia.org


Se renseigner et s’amuser
La lecture ne manque pas. Pas moins de sept journaux sont publiés dans la ville : Le Canadien, le Journal de Québec, Le Courrier du Canada, L’Événement, la Gazette, le Chronicle, le Mercury. Certains sont conservateurs, d’autres sont libéraux. On peut emprunter des livres aux bibliothèques de l’Institut canadien et de la Literary and Historical Society. La librairie d’Octave Crémazie a ses adeptes.

Les rues sont pleines de cris d’enfants. L’hiver, ils glissent dans les côtes sur leurs traîneaux et traînes sauvages, ils jouent au curling ou patinent sur les « ronds à patiner ». L’été, les adultes encouragent leur club de crosse de la National Lacrosse Association. Tout en fumant la pipe s’affrontent les vieux joueurs de dames et, à la lueur de la lampe à l’huile, s’amusent les joueurs de cartes.

De quoi sera fait l’avenir ?
À la fin de cette année 1867, les citoyens de Québec ont bien des raisons de s’inquiéter. La construction navale décline et l’exportation du bois vers la Grande-Bretagne n’est plus ce qu’elle était. Les capitaux et bien des gens se déplacent vers Montréal. Une bonne partie du pouvoir politique et de la fonction publique se sont déplacés à Ottawa. Et c’est Lévis qui profite du nouveau trafic ferroviaire. Ah, la ville de Québec pourrait-elle enfin avoir un pont la reliant à la rive sud du Saint-Laurent ? Des hommes politiques le promettent…
Jean-Baptiste Laliberté n'avait que 24 ans lorsqu'il fonda son magasin et son atelier de fourrure en 1867. / © Collection Janet Coulombe

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