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Et le Chien d’or retrouva son maître

1 novembre 2019 | Jean-Marie Lebel, historien

Et le Chien d’or retrouva son maître
Le printemps sur la rue du Chien d’or. © Photos : Daniel Abel

Dans le Vieux-Québec, sur la façade de l’imposant édifice Louis-Saint-Laurent, que beaucoup de gens appellent encore « le Bureau de poste », on peut apercevoir un chien doré sculpté dans une pierre. Il attire l’attention des passants peu pressés et des touristes curieux de tout découvrir. Et ceux d’entre eux qui sont capables de lire des bribes de sa longue inscription en vieux français sont intrigués par son esprit revanchard. Qui est donc ce chien d’or ? Qui le fit sculpter ? Des générations d’amateurs d’histoire et d’historiens se sont posé la question, s’égarant sur de fausses pistes.




Le Chien d'or dans son contexte sur la côte de la Montagne




À la recherche du chien d’or



À compter du tournant des années 1980, je me suis intéressé à l’origine de la « plaque du Chien d’or ». Et, comme bien d’autres gens avant moi, je me suis égaré dans la forêt de l’histoire. Pendant longtemps, j’ai pensé que l’énigme du Chien d’or ne serait pas résolue par quiconque de mon vivant. Mes lectures et mes recherches finissaient toujours par tourner en rond. Je finissais par me rendre compte que je n’en connaissais guère plus que le jeune Philippe Aubert de Gaspé qui fréquentait dans les années 1790 la classe du professeur Tanswell dans l’ancien palais épiscopal de Mgr de Saint-Vallier situé de l’autre côté de la côte de la Montagne. Aux questions du jeune Aubert de Gaspé intrigué par le Chien d’or, les vieillards répondaient qu’ils l’avaient toujours vu là au-dessus de la porte de la vieille maison de la rue Buade.

J’étais persuadé que la lecture du long article que l’historien et archiviste Pierre-Georges Roy avait consacré au Chien d’or, dans les Cahiers des Dix de 1945, m’éclairerait. Il faisait le point sur les connaissances que l’on avait à son époque sur le Chien d’or. Mais surtout, malgré lui, il embrouilla davantage la question. Le Chien d’or ne s’y voyait pas attribuer son véritable maître.


La rue du Chien d’or dans le Vieux-Québec



De trompeuses pistes



Comme bien d’autres, Pierre-Georges Roy s’empêtrait dans les théories explicatives publiées à compter de 1829 par les George Bourne, Alfred Hawkins et Auguste-S. Soulard ainsi que dans les intrigues du roman The Golden Dog de William Kirby publié en 1877 à New York. L’ouvrage de l’écrivain canadien-anglais de Niagara-on-the-Lake fut réédité à plusieurs reprises et connut beaucoup de succès au Canada et aux États-Unis. Kirby, qui avait séjourné plusieurs semaines à Québec durant l’été de 1865, avait rencontré Benjamin Sulte et d’autres amateurs d’histoire de Québec qui reliaient le Chien d’or au meurtre du marchand Nicolas Jacquin dit Philibert par l’officier des troupes de la marine Legardeur de Repentigny. Plaçant les actions de son roman en 1748, Kirby sut décrire avec beaucoup de pittoresque la vie à Québec, entremêlant fiction et réalité, mettant en scène des personnages historiques tels l’intendant Bigot, la Corriveau et la belle Angélique Péan. Le roman séduisant, et qui semblait si bien documenté, convainquit les lecteurs que la « plaque du Chien d’or » et son inscription étaient une revanche de la famille Philibert pour le meurtre commis par Legardeur de Repentigny. Je suis moi-même tombé dans le piège lorsque j’ai publié la première édition de mon guide du Vieux-Québec en 1997.


Un chien retrouvé sur le chemin de la Canardière



Il y a des lectures que l’on n’oublie jamais. Je pris connaissance en 2001, dans le livre qui parut alors pour rendre hommage à l’ethnologue Jean-Claude Dupont, de l’érudit article du géographe Fernand Grenier sur le Chien d’or. Et celui-ci me faisait connaître les récentes recherches généalogiques de Germaine Normand. Nous savions déjà que la maison Philibert avait appartenu au chirurgien Timothée Roussel qui l’avait fait construire au tournant des années 1690, mais jamais nous ne l’avions liée au Chien d’or. Ce que faisait pourtant la patiente généalogiste. Dans les papiers de 1786 du Conseil supérieur de la Nouvelle-France, elle découvrait les disputes de ses ancêtres Normand avec le chicanier chirurgien Roussel dans leurs propriétés du chemin de la Canardière. Joseph Normand fut accusé d’avoir tué le chien de Roussel. Se vengeant, le chirurgien fit installer la « plaque du Chien d’or » et sa terrible inscription sur sa maison de la rue Buade, dont le site est occupé par le Bureau de poste depuis 1871. À mes yeux, l’immuable Chien d’or a enfin retrouvé son maître. Je peux maintenant m’intéresser à d’autres énigmes du Vieux-Québec.



Je suis un chien qui ronge l’os / En le rongeant, je prends mon repos / Un temps viendra qui n’est pas venu / Que je mordrai qui m’aura mordu. (en français d’aujourd’hui)


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