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[OPINION] La SAQ, un fleuron national ?

14 septembre 2022 | Jean Chouzenoux, correspondant européen

[OPINION] La SAQ, un fleuron national ?

C’est reparti ! Un aspirant au poste de premier ministre du Québec promet la privatisation du monopole de la Société des alcools du Québec (SAQ) sous le fallacieux prétexte d’offrir plus de choix au consommateur. Le candidat ignore ou feint d’ignorer que c’est au Québec que l’on retrouve la plus grande sélection de vin et spiritueux au monde.



Aux 10 000 produits offerts s’ajoute le fait que, par son service d’importations privées, l’amateur de vin averti peut se procurer n’importe quel vin, d’où qu’il provienne sur la planète. Populisme, calcul électoraliste… sont-ce les vrais motifs de tout prétendant au poste de PM ? Ou faut-il plaider l’ignorance de ces candidats en période électorale ? Si c’est par l’idéologie, tout à fait légitime, voulant que le Gouvernement n’a pas à se mêler de la vente d’alcool, soit !, qu’ils assument et qu’ils le disent. Mais qu’ils dénigrent l’offre des produits, les prix ou le service, c’est insulter les 6000 employés qui travaillent à la SAQ et sous-estimer l’intelligence des électeurs. Car une fois au pouvoir, ces pourfendeurs dogmatiques se voient contraints de fouler du pied leur promesse construite sur des préjugés. Concrètement, une fois au pouvoir, ce sont les faits qui dictent les décisions gouvernementales.

Une mise en contexte



Le choix du Québec d’opter pour un monopole d’état a été pris en 1921 ce qui était avant-gardiste en cette ère de prohibition. C’était un choix social et économique car les taxes et profits étaient récupérées par l’état québécois. Aujourd’hui centenaire, la SAQ a développé une expertise unique et est devenue le plus important acheteur de vins au monde. C’est aussi un pourvoyeur de fonds majeur pour le Québec et tous les québécois.


Les faits d’abord



Avant de sabrer dans le monopole, il faut avoir quelques données en tête, ce que se font rappeler les nouveaux élus une fois au pouvoir. A savoir que :

1) Quiconque a voyagé hors du Québec sait qu’il n’y a pas un endroit au monde où il y a autant de choix de vins et spiritueux. Je vis en France depuis 12 ans, j’ai voyagé dans plusieurs pays d’Europe et du monde pour pouvoir l’affirmer. Au rayon vin des grandes surfaces, sur les 1000 produits référencés, vous trouverez 90 % de vins français, 10 vins italiens, 5 vins espagnols, quelques étiquettes portugaises, américaines ou australiennes. Oui, je caricature, mais à peine.

2) Autre point de vue des producteurs étrangers qui visitent les succursales de la SAQ. Il faut voir leur mâchoire se décrocher quand ils sont devant les rayons de la SAQ garnis d’autant de choix, d’autant de pays dans des magasins superbes, et cela,que vous soyez à Montréal, Québec ou Rivière-du-Loup.

3) En ce qui a trait au prix, en Bourgogne, on vous proposera des vins de Bourgogne souvent plus chers qu’au Québec, quelques Bordeaux ou Côtes-du-Rhône, bonne chance pour le reste. Idem à Bordeaux ou à Nice, avec priorité quasi-exclusive aux vins de leur région respective. Bien sûr que vous pourrez acheter un petit rosé de Provence à cinq dollars ou un petit vin de table du sud de la France à six dollars à l’épicerie de Nice. Me semble que c’est normal ; ils sont produits à quelques kilomètres du point de vente. Oui, j’exagère, c’est pour fin de la discussion.


Rappelons qu’outre la décision de créer le monopole en 1921, les élus ont choisi de taxer l’alcool, un bien de luxe, faut-il le rappeler, afin de financer le filet social. Ainsi, 100 % des profits restent au Québec et au Canada.


4) Les œillères rangées au vestiaire, le nouveau premier ministre se fera aussi dire : à qui profite le crime monopolistique ? Autrement dit, où vont les profits engendrés par le mal-aimé monopole ? Rappelons qu’outre la décision de créer le monopole en 1921, les élus ont choisi de taxer l’alcool, un bien de luxe, faut-il le rappeler, afin de financer le filet social. Ainsi, 100 % des profits restent au Québec et au Canada. Par conséquent, la question se pose en ce temps de mondialisation où les grands consortiums, souvent américains, engrangent des profits mirobolants qui sont pompés hors du Québec. Car il arrivera quoi si le marché de l’alcool se libéralise au Québec ? Qui aura les moyens de supporter un lourd inventaire afin d’offrir une vaste sélection aux Québécois de toutes les régions ? Oui, quelques petits cavistes offriront des trouvailles aux amateurs de Montréal, Québec et autres grandes villes du Québec. Un chef en campagne a déclaré la semaine dernière : « Un producteur chilien qui veut vendre ses vins au Québec pourra ouvrir son propre magasin ». La SAQ a commercialisé 462 produits chiliens l’an dernier. Et vous croyez qu’un producteur ira s’ouvrir une succursale au Cap de la Madeleine ? (Pour faire jeu égal avec le candidat, j’ironise un brin !) D’ailleurs, en région, ce sera la loi de l’offre et de la demande, c’est-à-dire les 100 meilleurs vendeurs se retrouveront à l’épicerie. Que faire de la promesse d’offrir plus de choix aux consommateurs ? Enfin, facile d’imaginer que les Walmart, Costco, Sobeys de ce monde pigeront dans le plat de bonbons. Avec leur pouvoir d’achat, ils offriront plus de produits à bas prix et les profits fileront hors du territoire québécois, grevant d’autant le budget de la Belle Province. Ça nous fera une belle jambe !

ll y a le monde fantasmé et la réalité. Conséquemment, une fois ceci intégré, le champion candidat arrivé au sommet de l’État déchante face à son propre discours électoraliste.


Conclusion : inversons des mentalités



En terminant, je comprends ceux qui critiquent tout ce qui est gros, gouvernemental, monopolistique. Je sympathise avec ceux qui sont dans le métier du vin (les agents promotionnels) qui trouvent que la machine SAQ est lente. Bien sûr que la SAQ n’est pas parfaite, mais mettons-nous d’accord sur une chose : le consommateur Québécois est choyé. Je peux aussi fantasmer, mon souhait serait que les Québécois développent un sentiment de fierté face à leur SAQ. Pourquoi toujours ériger en tragédie les lacunes d’une entreprise, au point de vouloir tout saborder ? À l’international, du point de vue consommateur, la SAQ est vu comme un leader, un paradis pour les amateurs. Comme disait un ancien premier ministre du Québec : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console ». Il me semble qu’il y a plus d’éléments qui concourent à nous réjouir et à être fier qu’une entreprise québécoise réussisse chez elle et dans le monde. Voilà pourquoi je confirme que la SAQ est un fleuron québécois !

P.S. L’auteur est un ancien cadre de la SAQ, totalement biaisé, mais il a au moins l’avantage de connaître le sujet qu’il aborde.

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