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On fait toujours confiance au bon docteur Michel Sarrazin

9 mai 2014| Jean-Marie Lebel, historien

On fait toujours confiance au bon docteur Michel Sarrazin

Il y a des noms de gens dévoués qui traversent le temps. Il y a de cela 275 ans décédait, à Québec, Michel Sarrazin. Et pourtant, son nom est encore bien connu et se veut rassurant pour ceux qui se rendent à la Maison Michel-Sarrazin. Mais qui était donc ce fameux docteur Sarrazin ?

Un Bourguignon à Québec

C’est en 1685 que Michel Sarrazin débarque à Québec à titre de chirurgien de la Marine. Il a 26 ans et est originaire de la Bourgogne, une vieille province de France reconnue pour ses bons vins où son père était employé par la célèbre abbaye de Citeaux. À son arrivée à Québec, le jeune Sarrazin est nommé chirurgien-major des troupes par le gouverneur Denonville. Et, avec les troupes, il se rend combattre les Iroquois (dans l’actuel État de New York). 

En 1692 ou 1693, Sarrazin commence à résider au Séminaire de Québec. Il a l’intention de se faire prêtre. Il se rend faire des retraites chez les Sulpiciens à Montréal. Ces derniers se rendent bien compte qu’il n’a pas du tout la vocation et le persuadent plutôt de se rendre utile en soignant ses concitoyens. En 1694, Sarrazin décide donc de se rendre faire des études de médecine en France. Il y obtient un doctorat en médecine à Reims.

Un médecin unique

À compter de 1697, à son retour à Québec, Sarrazin pratique surtout comme médecin, se faisant chirurgien lorsqu’il est nécessaire. Durant de nombreuses années, il est l’unique médecin à Québec. C’est lui qui soigne le vieux gouverneur Frontenac. Il se rend à domicile chez les nobles ou les gens fortunés. Quant aux pauvres, il se rend auprès d’eux à l’Hôtel-Dieu que dirigent les Augustines, de dévouées infirmières. À plusieurs reprises, Sarrazin est contaminé par ses patients et doit combattre de fortes fièvres.  

Un passionné des plantes

Quoiqu’il soit l’unique médecin à Québec, le docteur Sarrazin réussit à trouver du temps pour la botanique, sa grande passion. Se promenant dans la région, à travers les champs et dans les sous-bois, regardant constamment au sol, il est à la recherche de plantes inconnues en France qui posséderaient des vertus médicinales. À cette époque, on est persuadé que presque toutes les plantes peuvent guérir un mal spécifique et qu’il suffit de l’identifier. Sarrazin envoie constamment des plantes en France à l’intention du Jardin royal des plantes, où elles sont savamment répertoriées et étudiées. Sarrazin rédige lui-même des descriptions qui paraîtront dans des publications scientifiques en France.

En plus des plantes, Sarrazin fait mieux connaître aux Français des mammifères de l’Amérique septentrionale. Il en dissèque et rédige des études sur le castor, le carcajou et le rat musqué. Sarrazin devient un respecté collaborateur de l’Académie royale des sciences. Le plus grand chagrin de sa vie est de n’avoir jamais été admis comme membre à part entière de la célèbre académie. Le méritait-il ? Probablement, mais son éloignement de Paris lui a nui.

Dans la petite ville de Québec, le docteur Sarrazin, un homme de bonne compagnie, est l’un des citoyens les plus en vue. Il en est également l’un des plus instruits. Le dimanche, à la cathédrale, un bon banc lui est réservé. À compter de 1707, il devient un membre du Conseil supérieur, l’instance suprême en Nouvelle-France, qui se réunit une fois par semaine au Palais de l’intendant. Il tente d’y éviter les disputes inutiles.

Il se marie sur le tard

Est-ce la médecine et la botanique qui prennent une place trop grande dans la vie de Sarrazin au point de l’empêcher de se marier avant d’avoir atteint l’âge de 53 ans ? Ou peut-être n’a-t-il pas trouvé l’âme sœur auparavant ? Sa vie est bouleversée en 1712, lorsque l’un de ses confrères au Conseil supérieur, François Hazeur, lui présente sa fille Marie-Anne et lui accorde sa main. Elle n’a que 20 ans, soit 33 ans de moins que le médecin. Curieusement, dans l’acte de mariage, le célébrant indique que le docteur n’a que 40 ans. Est-ce une coquetterie du marié ou une bienveillance du pasteur ?

Toute sa vie, le docteur Sarrazin, dont la plupart des patients sont des gens pauvres, a des tracas financiers. Les émoluments qu’il reçoit du roi sont insuffisants. Ses investissements dans des entreprises de commerce s’avèrent catastrophiques. De peine et de misère, il réussit à faire vivre sa jeune épouse et leurs sept enfants, dont trois meurent en bas âge.

Enfin une maison à lui

Le médecin Sarrazin a toutefois le bonheur de voir quatre de ses enfants atteindre l’âge adulte ou presque. En 1739, il décède à 75 ans, emporté par la petite vérole, probablement apportée à Québec par un vaisseau. Sa veuve survit d’abord avec une pension de médecin du roi attribuée au fils aîné. Puis, à la mort de celui-ci, elle se réfugie chez son frère, le chanoine Hazeur.

Depuis 1985, le nom du docteur Sarrazin est associé, dans la région de Québec, à une œuvre humanitaire remarquable. Située chemin Saint-Louis, à proximité du Domaine Cataraqui, la Maison Michel-Sarrazin est un centre d’accueil et de soins palliatifs pour les personnes en fin de vie. C’est la première maison du genre dans le monde francophone et elle a inspiré la fondation d’autres maisons semblables au pays et dans l’Europe francophone. Notre bon docteur Sarrazin trouve sûrement dans cette belle œuvre un grand réconfort bien mérité.

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