Fondée en 1960, l’entreprise est aujourd’hui la plus grande chaîne de rôtisseries familiales québécoise. À Québec, Jean-Sébastien Brochu deviendra le 20 janvier 2025 l’unique propriétaire de cinq restaurants, qu’il détenait jusqu’à maintenant avec son beau-père par alliance, Jocelyn Benny, fils de Georges-Joseph, qui avait ouvert le marché de la Capitale dans les années 1970 et par qui toute cette belle aventure a débuté.
La vie a le secret de scénarios parfois étonnants. En 1947, c’est presque par accident que Georges-Joseph, l’un des huit fils de William Benny, a commencé à élever des poulets parallèlement à sa culture de tabac, dont une récolte entière aurait, raconte-t-on, été anéantie par un gel automnal hâtif cette année-là. Par ailleurs, on peut se demander comment les choses auraient pu tourner si le cadet des frères fondateurs, Gilles, n’avait pas eu la géniale idée, en 1959, de fabriquer un four et de mettre au point une technique exclusive de cuisson lente de trois heures. Sans cette innovation, la fratrie aurait-elle inauguré un premier restaurant à Joliette l’année suivante ?
QUAND LE DESTIN S’EN MÊLE…
Plus près de nous, Jean-Sébastien Brochu — dont la mère est la conjointe de Jocelyn Benny — envisageait de faire carrière en aéronautique dans la métropole après un séjour de quatre ans dans l’Ouest canadien lorsque les événements du 11 septembre 2001 ont cloué au sol ses plans. Qui plus est, il avait trouvé l’amour à Québec quelques semaines auparavant, argument ultime pour le convaincre de réintégrer sa ville natale. Quand le destin s’en mêle… il y a de ces rendez-vous qu’on ne saurait manquer. « C’est dans ce contexte que Jocelyn m’a parlé de son intention d’ouvrir d’autres restaurants et de son besoin d’une relève fiable, raconte Jean-Sébastien. Il était revenu dans la capitale en 1993 avec son frère Normand après l’ouverture de rôtisseries en Outaouais. C’est alors que les établissements de Limoilou (1993) et de l’avenue Belvédère (1995) ont vu le jour, suivis du restaurant du boulevard de l’Ormière en 1999. Comme je connaissais déjà l’entreprise pour y avoir travaillé l’été quand j’étais étudiant, j’ai donc décidé en 2002 d’accepter sa proposition et de me lancer. »
UNE CHAÎNE ENTIÈREMENT DÉTENUE PAR LA FAMILLE
Après que M. Brochu eut gravi les échelons jusqu’à devenir directeur de l’exploitation en 2006, Jocelyn Benny lui a annoncé vouloir prendre éventuellement sa retraite, qui s’est concrétisée une décennie plus tard. Il est toutefois demeuré co-actionnaire à égalité de parts, une participation qui prendra fin en janvier 2025. « J’ai procédé avec lui en 2010 à l’ouverture de notre restaurant de la rue Seigneuriale, poursuit l’homme d’affaires. En 2013-2014, nos établissements ont été transformés quand nous avons rejoint la bannière familiale Benny&Co. Finalement, notre dernier-né, celui de la rue Jules-Verne, le long de l’autoroute Charest, a été inauguré en 2018. Seul le Benny&Co. de la rue Georges-Muir, dans le nord de Charlesbourg, ouvert par d’autres membres de la famille Benny durant la pandémie alors que les contraintes étaient nombreuses, ne fait pas partie de mon organisation. »
CUIT EN 3 HEURES, SERVI EN QUELQUES MINUTES
Pour offrir un poulet aussi tendre et juteux, les maîtres rôtisseurs de Benny&Co. le cuisent pendant trois heures sur la broche dans des fours modernes ins- pirés de celui créé à l’époque par Gilles Benny. Le défi consiste, pour le servir en seulement quelques minutes, à doser constamment les quantités pour répondre le mieux possible à la demande. « Nous cuisons nos poulets du dîner le matin, et l’après-midi ceux prévus pour le souper, explique Jean-Sébastien. Nous sommes loin du congelé que l’on place dans un grill ! Ni trop ni trop peu, on a toujours les yeux dans nos ventes et nos prévisions de volume, mais toute la différence est là, et surtout, le client est content ! » Un tel résultat passe par l’expérience de maîtres rôtis- seurs spécialement formés — car on ne le devient pas du jour au lendemain — qui veillent à ce que la cuisson soit parfaite, un savoir transmis d’une génération à l’autre depuis les débuts. « Voilà un autre défi lié à la relève, ajoute le restaurateur, car il nous faut pouvoir compter sur des employés qualifiés, et avant tout pas- sionnés. Quant à notre menu, il s’est toujours adapté à l’évolution du marché, de sorte qu’on y a ajouté au fil du temps les sandwichs, wraps, hamburgers et côtes levées par exemple. Avec les nouvelles clientèles, se maintenir au goût du jour est une priorité. Toutefois, notre spécialité demeure la même qu’en 1960, soit le quart de poulet avec frites, sauce, salade de chou et pain, même si nos poutines au poulet sont super populaires ! Et que dire de la recette secrète de notre sauce, qui a traversé six décennies… »
DE PRÉCIEUX COLLABORATEURS
« Comme nul n’est une île, complet en soi-même », écrivait au XVIIe siècle le poète londonien John Donne, Jean- Sébastien Brochu ne saurait se passer de l’irremplaçable contribution de ses proches collaborateurs qui forment le comité de direction de son groupe de restaurants. « D’abord Vicky Jobin, présente dans l’entreprise depuis 1993, tour à tour réceptionniste et caissière, qui est devenue contrôleure après avoir suivi une formation en comptabilité, précise-t- il. Le directeur de l’exploitation, Frederick Watson, travaille avec nous depuis sept ans, alors que Karlène Boivin dirige les ressources humaines depuis maintenant cinq ans. Sans leur compétence et leur soutien, ma situation actuelle serait probablement différente. »
LA RELÈVE SE POURSUIT
Lui-même arrivé en relève, Jean-Sébastien verra probablement le processus se répéter d’ici quelques années puisque ses deux fils, Olivier et Vincent, respectivement âgés de 16 et 14 ans, sont en voie de suivre les traces de leur père. « L’aîné travaille déjà dans l’entreprise, et le cadet suivra sous peu, mais je trouve important qu’ils se concentrent pour l’instant sur leurs études, dit-il. Nous verrons pour la suite quel rôle ils veulent jouer. » Fait à noter, dans l’ensemble de la chaîne, M. Brochu est l'un des seuls propriétaires à avoir intégré cette grande famille par alliance, comme s’il en faisait partie intégrante. « C’est d’ailleurs ce qui fait la force du groupe, car avec autant de ses membres à des postes de direction, les valeurs de la famille Benny demeurent toujours à l’avant-plan. Des valeurs que je partage, la famille étant très importante à mes yeux. En ce sens, le cheminement effectué avec mon beau-père en est un bel exemple, car pendant que je m’occuperai de la gestion des restaurants, ma mère et lui pourront poursuivre leur belle retraite. C’est gagnant-gagnant. Cela dit, Jocelyn a été pour moi le meilleur des mentors ! »
UNE PROFITABLE BANNIÈRE
En 2006, 46 ans après la fondation de l’entreprise, le président actuel, Jean Benny, a créé la bannière Benny&Co. dans le but de transposer la passion pour le poulet rôti — née de la vision ambitieuse des huit frères cofondateurs — pour en faire un véritable succès québécois. « Jocelyn et moi y avons adhéré en 2013 pour nos restaurants. Les retombées ont été positives, car nous bénéficions de la force du regroupement en matière de support administratif, de marketing et d’économies d’échelle, ainsi que d’une meilleure notoriété liée à l’image de la marque. En près de 20 ans, le nombre d’établissements n’a cessé d’augmenter, ayant presque doublé dans la dernière décennie. » Benny&Co. compte également une division de produits en épicerie et collabore avec de nombreux partenaires locaux. Ce fleuron québécois entend continuer à répondre à l’évolution constante des attentes de sa fidèle et nombreuse clientèle.