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De « Yes, we can ! » à « What can we ? »

6 Décembre 2012| Nelson Michaud, Ph.D.

De « Yes, we can ! » à « What can we ? »

Le peuple américain a reporté au pouvoir le

président Obama pour un second et dernier

mandat. Plusieurs analyses ont inondé les médias

dès le lendemain du 6 novembre. Les questions

les plus intéressantes demeurent : comment se

profilera ce second mandat et qu’est-ce que cela

signifiera au nord de la frontière ?

Messager d’espoir ?

Lors de l’élection de 2008, Barack Obama s’est présenté comme

un porteur d’espoir. Son livre-programme (L’audace de l’espoir) et

son slogan de campagne (Oui, nous le pouvons – Yes, we can !) le

traduisaient de la façon la plus éloquente. Le prix Nobel de la paix

qu’il décrochait moins de dix mois après son assermentation lui

était attribué, selon les mots mêmes du comité, « pour ses efforts

extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de

la coopération internationale entre les peuples ». Encore ici, en

évoquant ses « efforts », on faisait davantage référence à l’espoir

qu’il portait qu’à ses réalisations. Que reste-t-il de cet espoir

quatre ans plus tard ?

Rencontre entre Obama et Harper au Sommet de l'APEC, à Honolulu,
Rencontre entre Obama et Harper au Sommet de l’APEC, à Honolulu,

Le président Obama l’incarne-t-il toujours, lui qui s’est présenté

comme celui voulant aller de l’avant (Forward) ? Certes, cette

espérance s’est frottée à la réalité des luttes partisanes et,

contre-pouvoirs obligent, aux tensions constantes entre la

Présidence et le Congrès. Au moment où il sera assermenté à la

fin de janvier 2013, la composition du Congrès aura peu changé.

Doit-on, dès lors, voir l’espoir remplacé par le minimum des

possibles ? Limiter notre lecture à l’immédiate configuration

politique pourrait nous diriger vers des conclusions anticipées

qui négligent deux données importantes.

L’espace politique américain

La première de ces données touche le parti adverse, les

républicains. Alors qu’en 2008, ce sont les Sarah Palin et autres

membres du Tea Party (faction la plus à droite à l’intérieur

du parti) qui dictaient les actions politiques de la formation,

l’élection de 2012 a mis en lice, comme champion républicain,

un politicien aux vues plus centristes, alors que les candidats

sénatoriaux les plus extrémistes du parti ont mordu la poussière.

Au surplus, les républicains ne seront pas sans se rendre compte

que la lutte serrée jusqu’en fin de soirée électorale a été rendue

possible par ce recentrage; la voie d’une victoire prochaine,

pour eux, s’y blottie sans doute et, au cours des prochains

mois, ils pourraient adopter une attitude plus pragmatique

qu’idéologique.

Cela aura pour effet de moins antagoniser les positions et,

paradoxalement, d’offrir un plus grand espace de manoeuvre au

président. Les républicains pourraient jouer cette carte au cours

des deux premières années pour justement démontrer, juste

à temps pour les élections de mi-mandat, autant leur sens des

responsabilités et leur bonne volonté de faire fonctionner l’État,

que les limites de la collaboration ainsi induite.

La seconde donnée est que le président s’est maintenu au-delà

du seuil des 50 % du vote populaire. Bien qu’il soit formellement

élu par les grands électeurs où sa majorité est beaucoup plus

forte, les résultats des urnes dépouillées le soir du 6 novembre lui

conservent, encore une fois, au cours des deux premières années,

une certaine ascendance sur les politiques à implanterC’est donc d’ici la fin de 2014 que Barack Obama pourra agir.

Après cette date, puisque la Constitution limite les possibilités

à deux mandats consécutifs, la course à sa succession au sein

même du parti démocrate s’amorcera et fera d’Obama un

président-canard-boiteux, comme le veut l’expression consacrée.

Sa marge de manoeuvre pourrait alors être encore plus entravée

par les élections de mi-mandat où, de nouveau, la totalité de

la Chambre des représentants et le tiers du Sénat pourraient

être redéfinis. Dans ce contexte, quel espoir le président peut-il

toujours porter ?

Barack Obama, président des États-Unis.
Barack Obama, président des États-Unis.

Une inquiétude prégnante

Sans aller jusqu’à adhérer au titre du Monde qui faisait référence

à « plus d’inquiétudes que d’espoir » à la veille du scrutin, il faut

garder à l’esprit que la question économique sera la dimension

la plus importante à traiter. La fragilité du colosse américain

aura des répercussions partout dans le monde et au Canada

en particulier. Mais c’est d’abord par rapport aux citoyens

américains eux-mêmes que la solidification de ces assises doit

se matérialiser. C’est par cette voie que tout autre espoir pourra

s’incarner et c’est vraisemblablement à l’aune de la réussite ou

de l’échec de ce pari difficile que l’histoire attribuera sa note au

passage de Barack Obama à la Maison Blanche.

Et pour nous ?

En ce sens, compte tenu de l’échéance rapprochée de 2014 et de

l’urgence d’agir sur l’économie, il ne faut pas s’attendre à ce que

la réélection de Barack Obama apporte de grands changements

affectant les relations avec le Québec et le Canada. Les besoins de

l’économie américaine ne peuvent pas laisser présager une baisse

de la garde du point de vue des velléités protectionnistes. Quant

aux relations politiques, elles demeureront ouvertes sans être

chaleureuses, car le premier ministre canadien devrait toujours

être en poste jusqu’à l’automne 2015, moment où la nouvelle

ronde électorale américaine sera sur le point d’être officiellement

lancée au New Hampshire et que tout sera à redéfinir.

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