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ENTREPRENEURS : protégez votre déduction pour gains en capital !

9 Décembre 2024| Olivier B. Ampleman, Financière Banque Nationale

ENTREPRENEURS : protégez votre déduction pour gains en capital !

Olivier B. Ampleman CFA, CAIA, M. Fisc., Pl. Fin., TEP, conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille. Il fait partie de l’Équipe Ampleman de la Financière Banque Nationale – Gestion de patrimoine.

La déduction pour gains en capital (DGC) constitue l’une des mesures fiscales les plus populaires chez les entrepreneurs puisqu’elle leur permet de réduire leur facture d’impôt lors de la vente d’une entreprise. Une bonne planification s’avère toutefois essentielle, car le non-respect de certains critères pourrait les disqualifier, leur coûtant ainsi des centaines de milliers de dollars !

LA DÉDUCTION EN BREF

Les particuliers qui résident au Canada ont accès à une exonération cumulative qui leur permet d’exempter d’impôt jusqu’à 1,25 M$ de gains en capital lors de la disposition d’actions admissibles de petites entreprises (AAPE), ou de biens agricoles ou de pêche admissibles. Au taux marginal d’imposition maximal de 53,31 % pour les contribuables québécois, et à un taux d’inclusion des gains en capital de 67 % au-delà du seuil de 250 000 $, cela représente jusqu’à 444 250 $ en impôt qui peuvent être économisés par personne.

femme entrepreneure

Pour que des actions se qualifient d’AAPE, certains critères (simplifiés dans cette chronique) doivent être respectés :

01 / Critère de l’actif à la date de disposition — Au moment de la disposition, la société doit être privée et sous contrôle canadien, et la totalité ou presque de la juste valeur marchande de ses actifs (expression généralement acceptée comme signifiant 90 % ou plus) doit être utilisée dans l’exploitation active d’une entreprise, principalement au Canada.

02 / Critère de la durée de détention — Les actions doivent n’avoir appartenu qu’au particulier ou à une personne qui lui est liée au cours des 24 mois précédant le moment de la disposition.

03 / Critère de l’actif pendant les 24 mois précédant la disposition — Tout au long de cette période de 24 mois, plus de 50 % de la juste valeur marchande des actifs de la société doit avoir été utilisée dans l’exploitation active d’une entreprise, principalement au Canada.

Les critères liés à l’actif devraient être particulièrement surveillés pour deux raisons. Premièrement, dès que le seuil de 50 % n’est pas surpassé, ne serait-ce que pour un instant, une nouvelle période de 24 mois doit être complétée. Si un entrepreneur doit vendre rapidement – p. ex. s’il reçoit une offre non sollicitée –, il n’aura peut-être d’autre choix que de renoncer à la DGC. Deuxièmement, il faut savoir qu’il est possible de profiter de l’exonération, même au moment du décès. Dans ce cas, une exception prévoit que même si les actions ne remplissent pas le critère de l’actif à la date de disposition, elles pourront quand même être considérées comme des AAPE si le seuil de 90 % a été atteint à au moins un moment dans les 12 derniers mois1. Un entrepreneur prudent devrait donc chercher à conserver un ratio qui se rapproche ou excède 90 %.

QUELQUES ACTIFS POTENTIELLEMENT PROBLÉMATIQUES

Parmi les actifs qui sont généralement contaminants aux fins de la qualification, on compte notamment les excédents de liquidités, les placements à long terme2, les prêts aux actionnaires2, les polices d’assurance vie, et tout autre bien qui ne serait pas principalement utilisé dans une entreprise exploitée activement.

Excédents de liquidités

Toute entreprise a besoin de conserver des liquidités pour pouvoir fonctionner. Cependant, au-delà d’un niveau raisonnable, les autorités fiscales risquent de considérer les excédents comme non admissibles. Ce niveau est toutefois spécifique à chaque entreprise, ce qui peut engendrer des débats avec le fisc.

Biens utilisés à moins de 50 % dans une entreprise exploitée activement

Un exemple commun en pratique – dont la valeur élevée pourrait faire pencher la balance – est un immeuble dont une partie sert à l’entreprise, mais dont des locaux sont loués à des sociétés non rattachées afin de tirer des revenus passifs. Attention, si la superficie constitue le principal facteur analysé par les autorités pour déterminer si la majorité est atteinte, il en existe d’autres, incluant celui de la valeur locative de l'espace donné en location par rapport à celle (théorique) de l’espace utilisé activement, qui pourraient donner des résultats contraires.

Polices d’assurance vie

On mentionne souvent que seule la valeur de rachat d’une police est contaminante, mais ce n’est pas toujours vrai. Dans les cas où un actionnaire est décédé et que la vente de ses actions n’est pas immédiate (p. ex. lorsqu’il y a roulement au conjoint pour que ce dernier puisse profiter de sa propre DGC), une exception permet, aux fins de la qualification et sous certaines conditions, que la valeur du produit de la police sur sa tête soit réputée ne pas dépasser sa valeur de rachat immédiatement avant le décès, notamment si le produit sert à l’acquisition de ses actions. Néanmoins, si ce montant est supérieur à celui réellement utilisé, alors l’excédent sera également contaminant; tout comme les revenus de placement découlant de la prestation.

De plus, il faut aussi considérer les valeurs des polices détenues sur la tête d’autres actionnaires. On doit donc se montrer prudent avec l’assurance vie, d'autant plus qu’un éventuel transfert hors de la société pourrait déclencher un gain sur police entièrement imposable.

LA PURIFICATION DES ACTIFS CONTAMINANTS

Il existe heureusement des techniques permettant de purifier les sociétés : remboursements de dettes, achats d’actifs admissibles, paiements de dividendes ou de salaires, transferts à une société de gestion, etc. Certaines d’entre elles pourraient toutefois entraîner des conséquences fiscales non souhaitables. Ces considérations méritent donc d’être gardées en tête par les entrepreneurs et les différents professionnels qui les accompagnent afin de protéger l’accès à la DGC, ainsi qu’au nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens qui débutera l’an prochain et qui utilisera un mécanisme de qualification similaire.

Une bonne planification s’impose, avec l’aide d’un fiscaliste, puisque d’autres conditions doivent être respectées pour en bénéficier pleinement. En outre, certaines structures fiscales pourraient accroître encore les économies d’impôts – si elles sont mises en place suffisamment d’avance – dont celles employant le gel successoral et la multiplication de la DGC par l’utilisation de l’exonération des membres de la famille.


1 Le texte de la Loi de l'impôt sur le revenu précise « totalité ou presque », toutefois, aux fins du présent texte, nous interprétons cette expression par 90 % ou plus.

2 Ces actifs ne sont pas obligatoirement contaminants, mais une attention particulière doit leur être portée.

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