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Le fantôme de Dambourgès le Balafré

14 avril 2025| Jean-Marie Lebel, historien

Le fantôme de Dambourgès le Balafré

Côte du Colonel-Dambourgès, Québec

Connaissez-vous la pittoresque côte du Colonel-Dambourgès ? Certes, ce n’est point la plus connue des côtes de Québec, qui en compte beaucoup. Toutefois, quoiqu’elle soit plutôt essoufflante et éprouvante, des citoyens ont pris coutume de l’emprunter pour monter de la rue Saint-Paul à la côte de la Canoterie, et cette dernière leur permet d’atteindre la rue des Remparts. Bien peu d’automobilistes s’aventurent dans l’abrupte et empierrée côte du Colonel-Dambourgès.

Qui était donc ce fameux Dambourgès et pourquoi attribua-t-on son nom à cette côte du Vieux-Québec ? C’est que pendant longtemps des Québécois eurent l’impression que le fantôme de Dambourgès le Balafré errait dans ce secteur. C’était difficile d’oublier les tragiques événements qui s’y étaient déroulés en 1775. Une importante cicatrice entre les deux yeux de Dambourgès rappelait qu’il avait été blessé en défendant vaillamment sa ville. Il avait alors été victime d’un coup de baïonnette en pleine figure de la part d’un Américain.

D’origine basque, François Dambourgès naquit le 7 avril 1741 dans le Béarn, une province du sud-ouest du royaume de la France. Il avait 13 ans lorsqu’il débarqua avec sa famille à Québec en 1754. Dans les années 1760, il était devenu commerçant à Montmagny et à Québec. Il paraissait engagé dans une belle carrière en affaires. Mais, en 1775, comme pour beaucoup de Canadiens, son destin fut chambardé. Cette année-là, les révolutionnaires américains avaient décidé d’envahir et de conquérir le Canada. Et ils étaient sérieux.

francois dambourges
François Dambourgès, vers 1785
© Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Par la rivière Richelieu, les troupes du général Richard Montgomery purent atteindre Montréal et s’en emparèrent le 12 novembre 1775. Montréal était devenue une ville américaine. Un sort pareil attendait Québec. Les troupes du général Benedict Arnold se dirigèrent vers Québec en descendant la rivière Chaudière. Installées à Sainte-Foy, elles attendirent que les victorieuses troupes de Montgomery les y rejoignent. Le matin du 31 décembre, lors d’une tempête de neige, elles attaquèrent la ville de Québec. Vous avez peut-être déjà remarqué que l’étroite rue qui longe le côté nord-est de notre actuel Musée de la civilisation est appelée « rue de la Barricade ». Des plaques commémoratives nous rappellent que de violents combats y eurent lieu.

Répondant à l’appel du gouverneur de Québec, sir Guy Carleton, le commerçant Dambourgès s’était enrôlé dans le 84e Régiment d’infanterie. Selon des souvenirs de témoins, c’est Dambourgès qui, au péril de sa vie, mena la charge contre les révolutionnaires américains des maisons du Sault-au-Matelot. Les Américains durent battre en retraite et plusieurs furent faits prisonniers alors que leur général Arnold était gravement blessé. Québec allait demeurer une ville canadienne.

En 1792, Dambourgès, tout en demeurant milicien, fut élu sans opposition député au premier parlement du Bas-Canada. On raconte que le duc de Kent (père de la reine Victoria), qui commanda les troupes à Québec et qui appréciait les mérites et la bonne attitude du colonel Dambourgès, se plaisait à l’appeler « capitaine Balafre ». Il décéda à la suite d’une longue maladie en 1798 à 57 ans, laissant inconsolables, selon la Gazette de Montréal, sa veuve Josephte Boucher et leurs cinq filles.

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