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Mordre à belles dents…dans la vie !

9 juin 2025 | Johanne Martin

Mordre à belles dents…dans la vie !

© Christian Auger, MAG2000

Claude Létourneau, denturologiste

Amoureux des régions, il fut une époque où Claude Létourneau parcourait le Québec, se rendant au domicile de ses clients pour fabriquer leur dentier. Aujourd’hui, il invite plutôt les résidents de la Côte-Nord ou du Lac-Saint-Jean, par exemple, à se déplacer afin de bénéficier d’un rendez-vous VIP et quitter avec leur prothèse le jour même.

« En nous contactant une ou deux semaines à l’avance, ils se présentent tôt le matin à mon bureau, puis viennent chercher leur prothèse en fin d’après-midi. Entre les deux, Québec étant une très belle ville, ils peuvent profiter de ses attraits ! J’ai pensé à ce service VIP parce que je trouve déplorable que dans certaines régions, par manque de denturologistes, des gens doivent souvent attendre plusieurs mois avant d’obtenir leur prothèse », explique Claude Létourneau.

À 82 ans, l’homme — que l’on peut qualifier de véritable mémoire vivante — insiste d’ailleurs sur son intérêt naturel pour l’humain, peu importe son statut social. Très engagé auprès de sa clientèle depuis maintenant plus de 60 ans, il est aussi l’un des rares à pouvoir témoigner de l’histoire de sa profession, de l’art dentaire à la denturologie. Il se rappelle son enfance, son adolescence et sa vie de jeune adulte qui l’ont mené à emprunter cette voie qui est la sienne.

DE LA PENSION… À LA PRATIQUE CLANDESTINE

« Je suis devenu orphelin de père à l’âge de huit ans. Étant l’aîné d’une famille de cinq enfants, j’ai été placé chez les frères, où je suis resté pensionnaire pendant sept ans, raconte M. Létourneau. J’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation. Il faut dire que j’avais de la facilité à apprendre, et par la pratique de sports, notamment, j’ai acquis de la confiance en moi, puis développé mon leadership. J’ai foncé dans la vie comme ça ! »

Après ses études, le jeune homme décroche un emploi très bien rémunéré dans une usine de papier. Ne s’y sentant pas vraiment à son aise, il finit par démissionner, au grand désespoir de sa mère et de sa grand-mère. Claude Létourneau choisit plutôt de suivre les traces d’un ami de la famille, alors technicien dans un laboratoire d’art dentaire. Nous sommes dans les années 1960, et à l’époque, il n’existe aucun ordre professionnel pour encadrer la denturologie.

« Je m’en allais faire des dentiers de pratique illégale, lance-t-il. Ce n’est qu’en 1974 qu’un ordre a vu le jour au Québec. Avant, les dentistes confiaient la fabrication des prothèses aux techniciens des laboratoires d’art dentaire… et 80 % d’entre elles étaient produites clandestinement dans la province ! Fabriquer des dentiers était illégal, mais pas criminel. Quand on se faisait prendre, on versait une amende, mais souvent, le juge était un client, donc… »

« RAYONNER » EN RÉGION

Fier et souhaitant bien paraître, Claude Létourneau commence à sillonner les régions, armé de ses 25 complets de couleur et d’un nombre équivalent de paires de chaussures assorties. « C’était l’époque des orchestres et j’étais un peu flasheux, exprime-t-il. Je voulais attirer l’attention pour que le monde dise : qu’est-ce qu’il fait, lui ? Les coiffeuses, les barbiers, les serveuses me trouvaient des clients, je leur donnais une cote, puis j’allais chez les gens ! »

Une fois obtenu son droit légal de posséder un cabinet, le denturologiste ouvre un bureau à Québec. D’autres vont suivre un peu partout en province, notamment à Drummondville, Shawinigan, Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Roberval, Saint-Félicien, Chibougamau et même aux Îles-de-la-Madeleine, où il a été le tout premier à concevoir des prothèses dentaires. En ce moment, il partage encore son temps entre ses cabinets de Trois-Rivières et de Québec.

S’il travaille toujours sept jours par semaine, celui qui aspire à passer le flambeau a réduit ses déplacements et adapte désormais son horaire. Il espère qu’un jeune denturologiste aussi passionné — et coloré — que lui pourra prendre la relève. Il tient également à souligner le soutien de son épouse Michèle, qui est à ses côtés depuis 40 ans, ainsi que la présence de ses deux adjointes administratives, qui sont aussi de précieuses alliées.

SOUVENIRS D’ENFANCE

« Mon père, qui a travaillé dans l’aviation militaire pendant la Seconde Guerre mondiale, a été mon premier héros. Ensuite, trois personnages de films m’ont marqué. Le premier, c’est James Dean dans La Fureur de vivre. Puis il y a eu Paul Newman dans Marqué par la haine. Le dernier, c’est Richard Gere dans Officier et Gentleman. À leur façon, ils étaient des rebelles qui ont réussi, des leaders, des preuves vivantes que dans la vie, rien n’est impossible ! »

Pour en savoir davantage :

155, rue des Chênes Ouest, Québec

1582, rue Royale, Trois-Rivières

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