1. Réévaluez votre situation financière et faites des suivis périodiques. Commencez par faire un bilan et un budget afin de déterminer votre situation actuelle et vos priorités (fonds d’urgence, remboursement de dettes, épargne pour l’acquisition d’une propriété, etc.). Vous pouvez ensuite programmer de l’épargne ou des remboursements automatiques afin de vous faciliter la tâche. Bien sûr, vous n’avez pas à effectuer cet exercice chaque mois, mais le fait d’analyser vos dépenses périodiquement pourrait vous permettre de mieux comprendre où va votre argent et de vous assurer que c’est bien pour des dépenses qui maximisent votre satisfaction personnelle.
Soyez aussi conscient que le début de carrière — particulièrement avant d’avoir des enfants — est un bon moment pour fournir des efforts d’épargne importants et acquérir de bonnes habitudes. Grâce à l’effet exponentiel des rende- ments composés, les dollars accumulés dans la vingtaine et la trentaine ont une valeur beaucoup plus élevée que ceux épargnés plus tard. Un montant de 10 000 $ qui fructifiera à5%de30à60ansvaudra43 200$,tandisquelemême montant à partir de 40 ans ne vaudra que 26 500 $.
De plus, il est très difficile de réduire ses habitudes de consommation une fois qu’on s’est habitué à un certain style de vie, qui a d’ailleurs tendance à augmenter à mesure que les gens avancent dans leur carrière, qu’ils gagnent des revenus plus élevés et qu’ils observent celui de leur entourage. Ça ne veut pas dire de ne pas vous gâter — spécialement après avoir mis des efforts importants pour en arriver où vous êtes —, mais si vous pouvez retarder et abaisser ce phénomène d’inflation du style de vie, et épargner intentionnellement, vous pourrez prendre une longueur d’avance qui aura beaucoup de valeur à long terme.
2. Remboursez vos dettes, en tenant compte de la fiscalité.
Beaucoup de jeunes professionnels ont accumulé des dettes pendant leurs études. En début de pratique, il faut alors commencer à les rembourser en priorisant celles qui coûtent le plus cher, après impôt. En effet, les intérêts sur certaines d’entre elles pourraient être déductibles, ou dans le cas des prêts étudiants, permettre d’obtenir un crédit, ce qui réduit leur coût réel. Par exemple, dans le cas d’un prêt étudiant dont le taux d’intérêt est de 6 %, le coût réel après impôt pour un résident québécois sera de 4,05 %.
Cela ouvre également la porte à la technique de la « mise à part de l’argent », qui permet aux travailleurs autonomes de transformer des dettes personnelles en dettes d’affaires, dont les intérêts sont déductibles d’impôt. Pour ce faire, il suffit d’utiliser les liquidités générées par ses revenus d’entreprise afin de rembourser ses emprunts personnels, et de financer les dépenses d’affaires déductibles par l’utilisation d’une marge de crédit distincte.
Mise en garde concernant cette technique : pour les gens soumis au patrimoine familial ou au patrimoine d’union parentale (voir le conseil # 7), si vous remboursez l’hypothèque ou la marge hypothécaire sur la résidence familiale, vous risquez également de faire augmenter la valeur partageable de celui-ci. En effet, puisque la nouvelle dette n’aura pas servi à l’acquisition, l’amélioration, l’entretien ou la conservation des biens du patrimoine en question, elle ne sera pas soustraite de sa valeur. Il faut donc considérer le « risque matrimonial » accru dans la recherche de la déductibilité d’impôt, et idéalement, recourir aux services d’un fiscaliste et d’un juriste pour s’assurer de bien comprendre les impacts sur sa propre situation.
3. Renseignez-vous sur les différents régimes enregistrés disponibles. Le gouvernement offre divers régimes enregistrés — notamment le REER, le CELI, le CELIAPP et le REEE — qui vous permettent de bénéficier d’avantages fiscaux lorsque vous y contribuez et y investissez. Renseignez-vous à propos de leurs caractéristiques afin de choisir lequel ou lesquels de ces régimes maximiser en premier.
Notez que si le REER et le CELIAPP permettent de déduire les cotisations des revenus dans la déclaration d’impôt, cette déduction n’a pas à être prise au cours d’une année spécifique. Il peut donc être intéressant de reporter votre déduction à une année où votre taux effectif marginal d’imposition sera supérieur.
D’autre part, si vous avez cotisé 16 000 $ ou moins au CELIAPP, considérez l’option de ne pas en retirer d’argent lors de l’achat d’une résidence admissible afin de plutôt convertir le CELIAPP en REER une fois qu’il sera maximisé, sans affecter vos droits de cotisation à ce dernier. Dans plusieurs scénarios, cela pourrait en effet être plus avantageux que la non-imposition du retrait.
4. Demandez-vous si l’achat d’une maison est une priorité absolue. On entend souvent que louer, c’est jeter de l’argent par les fenêtres. Il s’agit pourtant d’un mythe, fondé sur une comparaison simple entre le loyer et le paiement de l’hypothèque, et l’oubli de nombreux coûts irrécupérables associés à l’achat d’une propriété. Pensons notamment aux droits sur les mutations immobilières (« taxes de bienvenue »), aux taxes municipales et scolaires, aux frais de maintenance (qu’on évalue souvent entre 1 % et 3 % de la valeur de la résidence par année), aux dépenses courantes plus importantes comme les frais d’électricité, d’assurance et de déneigement, à la valeur non récupérable de certaines rénovations, et surtout au coût du capital.
En effet, une résidence prend généralement de la valeur dans le temps, mais doit être financée par une combinaison de dette et d’équité. Cette dernière a aussi un coût, car elle implique de renoncer aux rendements d’investissements, ce qui peut être plus ou moins dommageable selon les taux et l’imposabilité de ceux-ci. Pour toutes ces raisons — et dans la mesure où la dépense de location est raisonnable et qu’on investit la différence —, il est en fait souvent plus rentable de louer. Mentionnons aussi que la location offre plus de flexibilité si on a besoin ou envie de déménager, moins de charge mentale et une plus grande tranquillité d’esprit.
Attention, mon objectif n’est pas de vous dissuader de devenir propriétaire, mais seulement de vous conseiller de ne pas vous presser afin de vous assurer d’être prêt financièrement, et de bien choisir votre résidence pour minimiser le risque de regrets.
5. Ne vous incorporez pas trop vite. L’incorporation est un avantage incontestable lié à certaines professions… lorsque les circonstances la justifient. Néanmoins, bien des professionnels s’incorporent trop rapidement alors que leur situation ne rend pas encore celle-ci attrayante, notamment en début de carrière, au moment où les régimes enregistrés ne sont pas maximisés et que les besoins en liquidités peuvent être trop élevés pour être en mesure de garder des sommes suffisantes dans la société. Ne soyez pas trop pressé et surtout, consultez des professionnels afin d’analyser votre situation personnelle avant de passer à l’acte.
6. Prévoyez des liquidités pour vos impôts. Pour les professionnels qui sont travailleurs autonomes, aucune retenue n’est prélevée à la source sur les revenus. Il est donc important de bien prévoir vos liquidités afin de pouvoir payer vos impôts avant le 30 avril et, à partir de votre deuxième année de pratique, vos acomptes provisionnels.
Assurez-vous de bien connaître les montants et les dates d’échéance pour les paiements de ces derniers, et notez que vous aurez sans doute des soldes importants à payer en avril au cours des premières années.
7. Renseignez-vous sur le nouveau régime d’union parentale. Le 30 juin 2025, le nouveau régime d’union parentale entrera en vigueur et s’appliquera automatiquement aux conjoints de fait qui auront un nouvel enfant à partir de cette date. Si c’est votre cas, il est important de vous familiariser avec les impacts de ce régime, qui prévoit plusieurs protections et obligations, ainsi que la création d’un patrimoine d’union parentale, similaire au patrimoine familial et devant être partagé à la fin de l’union.
Celui-ci inclut les résidences familiales (maison, chalet, condo, etc.), les meubles qui les garnissent et les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. Il est toutefois possible de s’en soustraire par acte notarié.
8. Révisez votre couverture d’assurance. Il existe plusieurs types d’assurance pour couvrir différents besoins, incluant :
Assurance médicaments. Au Québec, cette assurance est obligatoire. Il est possible d’être couvert par le régime de votre employeur ou celui de votre conjoint(e), par l’entremise de votre ordre ou regroupement professionnel, ou à défaut, par le régime public d’assurance médicaments.
Assurance invalidité. Votre capacité à générer des revenus est votre plus grand actif, il est donc important de la protéger. Les jeunes ont parfois l’impression que cette assurance n’est pas nécessaire, alors qu’une invalidité peut survenir à n’importe quel âge, et durer plusieurs années. Au Canada, on estime d’ailleurs souvent entre une chance sur trois et une chance sur deux la probabilité d’avoir une invalidité de plus de 90 jours avant 65 ans. Si vous étiez déjà assuré, pensez à augmenter le montant de votre couverture pour refléter votre nouvelle situation financière.
Assurance frais généraux de bureau. En complément à l’assurance invalidité, cette assurance couvre les frais fixes qui doivent être payés, même en l’absence du professionnel, comme le loyer et les salaires des employés.
Assurance maladies graves. Cette assurance vous permettra d’obtenir un montant d’argent en cas de diagnostic d’une maladie couverte — même si vous continuez de travailler —, ce qui pourrait vous aider à vous concentrer sur votre rétablissement ou à payer certains soins ou adaptations à votre mode de vie. Les maladies couvertes et les conditions peuvent toutefois grandement varier d’un produit à l’autre.
Assurance vie. Celle-ci n’est généralement pas une priorité, à moins d’avoir des personnes à charge ou d’être propriétaire et d’avoir des dettes. Elle peut toutefois permettre de protéger votre assurabilité si vous aviez des problèmes de santé plus tard, ce qui peut être une préoccupation légitime. Attention toutefois au type de protection choisi : une assurance vie permanente en début de carrière, alors que les régimes enregistrés ne sont pas maximisés, est rarement souhaitable.
9. Demandez à votre conseiller une planification financière.
Essentiellement, la planification financière est un processus qui vise à vous permettre de profiter au maximum de votre patrimoine, tout en naviguant avec confiance à travers les différents obstacles financiers. Elle offre plusieurs avantages : vous donner un aperçu de votre situation, vous permettre d’établir des objectifs de vie réalistes et faciliter votre prise de décision, repérer des occasions d’optimisation, vous aider à garder le cap, et augmenter votre confiance et votre tranquillité d’esprit. En effectuant cet exercice, votre conseiller pourra vous accompagner dans l’implémentation des conseils énumérés ci-dessus et les personnaliser en tenant compte de votre situation.
Félicitations pour la complétion de votre formation et bon succès dans votre carrière !