Un mauvais choix des intervenants
Désigner un héritier comme témoin du testament
Au Québec, il existe trois types de testaments : olographe, notarié et devant (deux) témoins. La rédaction d’un testament étant un processus intime, certains testateurs qui sélectionnent cette dernière option sont portés à choisir des proches comme témoins. Or, ce faisant, ils viennent automatiquement nullifier les legs qu’ils leur ont consentis. Il faut donc éviter d’utiliser comme témoins des personnes que l’on souhaite avantager, directement ou en remplacement d’autres héritiers prédécédés.
Choisir des liquidateurs ou fiduciaires qui ne s’entendent pas ou qui ne résident pas au Canada
Il faut également porter attention au choix des autres intervenants, notamment les liquidateurs et les fiduciaires de fiducies testamentaires, afin d’assurer une bonne administration et de préserver l’harmonie familiale. Nommer des gens qui ne s’entendent pas, ou entre lesquels des tensions existent pourrait facilement créer des conflits et faire dégénérer la situation. D’autre part, on voudra éviter de choisir des personnes non résidentes afin d’éviter de potentielles conséquences fiscales négatives.
Nommer d’office la même personne comme liquidateur et comme administrateur de la société
Dans le cas des entrepreneurs, on devra identifier qui sera responsable de l’administration de l’entreprise en activité, et de sa continuité, sa vente ou sa liquidation. Cette charge nécessitant des compétences particulières, il pourrait être avisé de prévoir quelqu’un pour assister le liquidateur, à moins que celui-ci possède par ailleurs des compétences en gestion.
L’impact de la fiscalité
Ne pas prévoir qui aura la charge des impôts sur un legs donné
À son décès, un contribuable est réputé avoir disposé de ses biens, ce qui peut créer une charge fiscale importante dans le cas de certains d’entre eux (notamment les REER et FERR, les immeubles, les actions de sociétés privées et les portefeuilles de placements non enregistrés). Au moment de déterminer des legs, il est donc important d’anticiper quel sera l’impact des impôts sur la répartition réelle de ceux-ci entre les héritiers, en considérant également certains choix fiscaux qui pourront être faits par le liquidateur et les héritiers. On voudra normalement spécifier que, pour recevoir un bien, l’héritier devra payer la charge fiscale qui y est associée afin de ne pas créer d’iniquité, tout en s’assurant que celui-ci aura suffisamment de liquidités pour y parvenir.
Faire des legs qui bloquent des planifications post mortem
Lorsqu’ils décèdent, les propriétaires de sociétés privées font face à un risque de double imposition des sommes accumulées dans la société si une bonne planification n’est pas effectuée. Deux stratégies sont possibles pour éviter cette situation lorsque la société n’est pas vendue à des tiers : le report rétrospectif de perte (paragraphe 164[6] LIR) et la stratégie du pipeline. Si le testateur a choisi d’effectuer un legs à titre particulier des actions, le report rétrospectif des pertes ne pourra être utilisé, ce qui obligera le légataire à subir une double imposition ou à utiliser la stratégie du pipeline. La mise en place de cette dernière n’est cependant pas toujours économique, puisqu’il s’agit d’un processus complexe qui implique des risques fiscaux.
Ne pas arrimer le testament avec la convention entre actionnaires
Dans le cas des entrepreneurs, il est important de tenir compte de la convention entre actionnaires, le cas échéant, avant de rédiger le testament. Par exemple, il est typique d’intégrer une clause de double option dans une convention entre actionnaires afin de prévoir l’achat par les coactionnaires survivants, tout en permettant au conjoint survivant d’utiliser son exonération cumulative des gains en capital. Dans sa forme commune, si le testament ne prévoit pas la clause appropriée obligeant ce dernier à prendre part à la convention, la stratégie pourrait être compromise, et il pourrait en résulter un rachat automatique des actions qui empêcherait l’utilisation de l’exonération et augmenterait considérablement la facture d’impôts.
Les transferts hors succession et les désignations de bénéficiaires
Léguer trop d’actifs ou léguer des actifs qui ne transitent pas par la succession
Il faut savoir que le testateur n’a pas toujours un parfait contrôle sur la transmission de ses biens. Avant de pouvoir remettre des legs, le liquidateur devra d’abord régler les dettes, ce qui inclut notamment celles associées au patrimoine familial et au régime matrimonial. De même, pour certains actifs, d’autres gens auront priorité, nonobstant toute indication contraire au testament. C’est le cas des comptes de retraite immobilisés et des fonds de revenus viagers, pour lesquels le conjoint a normalement priorité (sous certaines conditions, qui représentent la majorité des cas). Il faut ainsi bien prévoir le bilan successoral afin de déterminer ce qui peut réellement être légué.
Prévoir que, pour que le conjoint hérite, il devra renoncer aux droits matrimoniaux
Dans les testaments, on observe fréquemment une telle clause qui stipule que, pour hériter, le conjoint survivant devra renoncer au partage du patrimoine familial et à ceux découlant du régime matrimonial. Pour être valide, la renonciation au patrimoine familial doit toutefois être inscrite au Registre des droits personnels et réels mobiliers dans un délai d’un an à la suite du décès, ce qui n’est pas toujours possible étant donné la complexité — administrative et émotionnelle — du processus. Pour contourner ce problème, certains praticiens proposent donc d’indiquer plutôt que les legs sont consentis au conjoint en compensation de ses droits matrimoniaux.
Mettre un organisme de bienfaisance enregistré comme bénéficiaire d’une police d’assurance vie en présence de placements non enregistrés
Pour les personnes ayant des objectifs philanthropiques, il peut être intéressant de souscrire une assurance vie en vue de faire des dons au moment du décès. Cependant, en présence d’un portefeuille de placements non enregistrés, on voudra probablement éviter que l’organisme de bienfaisance enregistré reçoive la prestation directement, et permettre au liquidateur de verser plutôt le legs en biens afin de minimiser la facture fiscale. En effet, rappelons qu’un don de placements admissibles permet d’éviter l’impôt sur gain en capital, tout en procurant un crédit sur la valeur totale du don (avec certaines limites).
Rédiger un testament : un exercice périlleux qui devrait être laissé aux juristes
En somme, il ne s’agit que de quelques exemples de clauses qui pourraient occasionner des problèmes. Ceux-ci sont communs et intéressants à connaître, mais ne représentent qu’une infime partie de la liste qu’un notaire expert en planification successorale est susceptible d’identifier. Ce qu’il faut en retenir — au-delà de l’application directe que certains lecteurs y trouveront —, c’est le niveau de complexité associé au processus de planification successorale.
Il peut être tentant de procéder par vous-même pour économiser quel-
ques milliers de dollars, en utilisant un modèle de testament par exemple, ou de retarder le moment de mettre à jour vos documents juridiques, mais cela pourrait vous coûter, à vous et à votre famille, beaucoup plus cher en fin de compte, et pas seulement en termes monétaires.
Une bonne planification successorale constitue un compromis entre contrôle et flexibilité, et repose sur une connaissance approfondie de diverses lois, dont les lois fiscales, de même que sur une vue d’ensemble de votre situation globale. Elle requiert donc un accompagnement approprié de la part d’une équipe de conseillers juridiques, fiscaux et en gestion de patrimoine.