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TOURISME À QUÉBEC – Plan d’action pour reconquérir les voyageurs

2 mai 2013| Donald Charette

TOURISME À QUÉBEC  –  Plan d’action pour reconquérir les voyageurs

Alors que le monde n’a jamais tant voyagé, le tourisme bat de l’aile au Canada, au Québec, et ici même, à Québec. Heureusement, l’industrie touristique est très consciente de ce glissement et prend des moyens pour attirer à nouveau les voyageurs, qui se sont tournés vers d’autres horizons.

ÉTAT DE LA SITUATION

Yan Hamel, président de l’Association québécoise de l’industrie touristique (AQIT),

énumère une série de statistiques qui démontrent la nécessité d’un coup de barre.

« En 2002, le Canada était la 7e destination au monde en nombre de visites. En 2011, il a

glissé au 18e rang. Le Canada ne performe pas comme il le devrait. L’indice touristique a

progressé de 4,6 % à travers la planète, alors que nous encaissons une baisse de 0,8 %… »

Le Québec n’échappe pas à ce recul, au point où le déficit touristique dépassait trois

milliards de dollars en 2011. Plus révélatrice, note-t-il, la balance touristique s’est

creusée de 381 % sur une décennie. À Québec, tous auront remarqué que les plaques

d’immatriculation américaines, jadis si présentes, se font désormais rares. Encore là, ce

déclin est documenté : 18 % moins de visiteurs américains (114 000 visiteurs), une baisse

compensée, en partie, par l’augmentation de touristes européens (plus 14 % ou

62 000 visiteurs). Yan Hamel constate avec lucidité que « nous avons perdu nos

Américains, notre marché primaire de proximité ».

Jamil Cheaib, président (au centre) entouré de Rania Mansour, gestionnaire et juriste, et Charly Bejjani, vice-président Finances. © Marjorie Roy, Optique Photo

Le passage des magnifiques bateaux

de croisière à la fin de l’été masque une

situation préoccupante, confirmée par les

chiffres de l’Office du tourisme de Québec

(OTQ). Déjà, au printemps 2011, un rapport

du Comité performance de l’industrie

touristique sonnait l’alarme. Présidé

par Gilbert Rozon, le comité énonçait

des vérités peu rigolotes : produits

vieillissants et pas assez de nouveaux

produits, management morcelé et trop

de structures, baisse des investissements

privés, plus grande dépendance au marché

québécois, forte concurrence. Par contre,

notait le rapport, un sentiment d’urgence

avait gagné tous les intervenants.

Les causes de ce déclin sont multiples

et on pense immédiatement au prix de

l’essence et à la force du dollar canadien,

qui est de nature à décourager les

Américains de prendre la direction du

nord. Yan Hamel, qui est aussi président

des Croisières AML, pousse l’analyse un

peu plus loin. Il souligne que le Canada

a réduit de moitié sa subvention à la

Commission canadienne du tourisme et,

surtout, il pointe du doigt le transport

aérien. Aux États-Unis, dit-il, on a compris

que les aéroports sont un immense

apport économique et on leur consent,

par conséquent, des congés de taxes. Ici,

cette facture est refilée aux voyageurs.

Pas surprenant que le Canada soit au

105e rang pour la structure des coûts. Tout

le monde connaît des gens qui ont préféré

décoller de Burlington ou Plattsburgh

pour payer leur billet moins cher. « Chaque

année, cinq millions de Canadiens utilisent

des aéroports frontaliers pour voyager.

C’est un problème criant », indique le

président de l’AQIT .


L’industrie reconnaît par ailleurs certains

torts : avoir tenu la clientèle américaine

pour acquise, avoir négligé de développer

des produits disctinctifs, s’être dispersée.

« On a laissé tomber notre clientèle

primaire et on s’est éparpillé. Par exemple,

lors d’un Salon à Paris, quatre régions

avaient quatre kiosques différents et

n’avaient aucun impact. Le milieu est

conscient qu’il faut miser davantage sur le

produit et faire des choix. Tout le monde

s’est rallié là-dessus. »

Le rapport Rozon recommandait

justement de cibler Québec et Montréal,

d’en faire les portes d’entrée pour les

voyageurs et de développer une stratégie

autour du Saint-Laurent. Alors que

l’offre touristique explose, Yan Hamel

décrit ce qui devrait attirer un touriste

à Québec : une ville superbe, sécuritaire,

propre, chargée d’histoire, à proximité

pour un Américain, de bonnes tables, une

situation géographique exceptionnelle

qui ouvre sur des régions avec du charme.

Le fait que Québec « bouillonne », ajoutet-

il, est un puissant aimant. « Le Moulin à

images ou les spectacles de vedettes (on

pense à Paul McCartney et Céline Dion)

créent une masse critique, si bien que

des gens veulent entrer en relation avec

Québec. »

UN PLAN D’ACTION, DEUX AXES

Équipe de baseball formée avec les employés affectés à la construction du pont de Québec. On compte plusieurs Mohawks dans cette équipe, dont le célèbre Big Six Jocks à l’extrême droite. Les lettres QB sur les manches des uniformes signifient Quebec Bridge. © Source : Photo tirée du livre Kahnawake, publié par Khanata Industries Reg’d.

Le milieu touristique de Québec se

mobilise autour d’un plan d’action qui

mise sur deux valeurs sûres : l’hiver et

le fleuve Saint-Laurent. « Un virage

déterminant est requis », confirme aussi

Gabriel Savard, directeur de l’Office

du tourisme, qui précise qu’« il faut

réaliser qu’on se bat avec la planète. De

nouvelles habitudes de consommation

se sont développées avec Internet et la

possibilité d’établir un rapport qualitéprix

à tout moment. Il nous faut offrir

un produit de calibre mondial. » L’OTQ a

donc planché sur une stratégie, qui a été

adoptée par son conseil d’administration

et qui sera présentée à ses membres lors

de l’assemblée annuelle des membres

en juin. Déjà, ce plan, qui devrait se

déployer jusqu’en 2020, rallie bien des

intervenants.

PREMIER AXE : L’HIVER

Le premier axe est celui de l’hiver, car,

faut-il le savoir, la clientèle touristique se

concentre à 80 % durant la « belle saison ».

« Nous voulons avoir une offre intégrée

entre le 15 décembre et le 15 avril »,

précise M. Savard. Concrètement, cela

implique de créer une synergie entre des

activités comme le Carnaval, le Pentathlon

des neiges, le Big Air, le Red Bull Crashed

Ice… et le produit-ski du Mont-Sainte-Anne

et du Massif de Charlevoix.

« Nous avons trois acquis majeurs :

la course en canot (un sport d’hiver

extrême), l’Hôtel de Glace (une

attraction), et le Red Bull Crashed Ice,

diffusé dans 70 pays. Notre atout, c’est

donc la nature à proximité, mais il faut y

ajouter la ceinture blanche qui inclut le

ski de fond et la motoneige », mentionne

Gabriel Savard. Ce dernier est bien

conscient que le Carnaval vieillit mal

et qu’il doit rehausser son calibre pour

retrouver son impact.

DEUXIÈME AXE : LE SAINT-LAURENT

Le deuxième pilier du plan d’action, c’est

la mise en valeur du fleuve. La promenade

Samuel-De Champlain est un succès mais,

note-t-il, on a négligé les aspects de la

restauration, de la location d’équipement

et de l’hébergement pour les mettre

« à la portée des touristes ». Il faudra

compléter la promenade et la connecter

(escalier, funiculaire ou autre) à son

extrémité, où se trouve l’Aquarium, qui

offre un tout nouveau produit avec son

bassin des méduses et de prédateurs. De

nouvelles infrastructures sont envisagées

au bassin Louise, véritable fenêtre sur le

fleuve, pour les propriétaires de bateaux.

L’Espace 400e se cherche notamment

une vocation. Par ailleurs, le secteur des

croisières est bien loin d’avoir atteint

son potentiel. Selon Gabriel Savard,

il faut pousser, tant sur les croisières

internationales que sur les croisières

fluviales qui s’adressent aux gens du

Québec avec, par exemple, des forfaits

incluant une ou deux nuitées.

Au fait, Gabriel Savard était fier

d’annoncer une première : la signature

d’une entente de trois ans, qui fera de

Québec le port d’attache du Veendam, de

la compagnie Holland America.

« De mai à novembre, pour les trois

prochaines années, le Veendam fera neuf

embarquements et neuf débarquements

ici, ce qui implique que les touristes

vont séjourner à Québec. C’est une

percée importante, car Québec devient

davantage qu’une escale. Nous espérons

convaincre d’autres croisiéristes. »

L’OTQ est ravie du dynamisme manifesté

à l’aéroport, qui a dans ses cartons des

projets de 250 millions de dollars. Ce

qui reste à développer, dans le cas du

transport aérien, ce sont des liaisons

directes pour les gens d’affaires.

L’industrie touristique locale, on le voit,

se retrousse les manches pour affronter

une concurrence féroce et planétaire.


LE TOURISME AU QUÉBEC, C’EST :

• 12,4 milliards $ de revenus ou 2,5 % du PIB;

• 30 000 entreprises;

• 400 000 emplois;

• 2,5 milliards $ de revenus fiscaux et parafiscaux;

• Une diminution de la clientèle américaine de 29 % depuis 2004;

• Un plafonnement des recettes touristiques depuis 2006;

• Un plafonnement des taux d’occupation des établissements d’hébergement depuis 2004.

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