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[HISTOIRE] Ce moulin à images qui ne cesse de tourner dans nos têtes

4 novembre 2022 | Jean-Marie Lebel, historien

[HISTOIRE] Ce moulin à images qui ne cesse de tourner dans nos têtes
Sur la photo : Le célèbre Moulin à images conçu par Robert Lepage et Ex Machina a marqué le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec en 2008. ©Daniel Paquet I Source : commons.wikimedia.org

Lorsque vient l’automne, où le passage du temps nous paraît plus évident, beaucoup d’entre nous devenons nostalgiques. Il y a 45 ans, je m’établissais à Québec. C’était au temps du maire Gilles Lamontagne. Beaucoup de choses ont changé depuis lors. Que de souvenirs et d’images tournent dans ma tête !




Nous nous souvenons du moulin à images qui déroulait, sur les silos de la Bunge de la jetée Louise, des rappels de l’histoire de Québec. C’est notre plus beau souvenir de 2008, l’année du magnifique 400e anniversaire de Québec.

Nous nous souvenons de la Gare centrale d’autobus du boulevard Charest et ses étourdissants « derniers appels » pour Sherbrooke, Chicoutimi ou Rimouski qui nous faisaient rêver.

Nous nous souvenons des castors, des ours blancs et des tigres de notre si beau Jardin zoologique. Chaque fois que je pense à sa fermeture, j’ai le cœur triste.


Ours polaire du défunt Jardin zoologique.
©Créateur : René Baillargeon I Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec




Le Jardin zoologique du Québec a fermé définitivement ses portes en 2006. La serre indo-australienne a été démolie au début de l’année 2022. Source : fr.wikipedia.org



Nous nous souvenons des étincelants spectacles sur glace de la troupe Holiday on Ice dans notre vieux Colisée, lors des festivités d’Expo Québec. Nous nous souvenons des vieilles écuries, étables et bergeries des terrains de l’Exposition provinciale. Les spectacles de chevaux attelés dans le Pavillon de la Jeunesse nous faisaient rêver. Chaque fois que vient le mois d’août et qu’il n’y a plus d’Expo Québec, l’enfant en moi s’ennuie…

Nous nous souvenons des enjouées parades du Carnaval qui défilaient tout le long du boulevard René-Lévesque, de l’Université Laval jusqu’au palais de Bonhomme, avec leurs troupes de majorettes et les chars des duchesses et de la reine.

Nous nous souvenons de Montcalm Automobiles et des derniers concessionnaires d’automobiles du centre-ville. Nous avons vu disparaître de grandes marques qui nous étaient chères ! Oldsmobile, Pontiac, Plymouth, Mercury… Et des stations-service ont fait place à des terrains vagues… Ont disparu les pompes à essence Gulf, Fina, BP, Texaco…

Nous nous souvenons du petit train du Père Noël au sous-sol du grand magasin Paquet de la rue Saint-Joseph. C’était certes devenu vieillot, mais c’était encore féerique.

Nous nous souvenons des pains Diana, Top Toast, Laflamme et Gailuron, de la crème à glace Laval, du cream soda Snow White, de la liqueur aux raisins Pure Spring, de la bière d’épinette La Canadienne, de la bière Dow et du porter Champlain. La vie était plus simple.

Nous nous souvenons des grandes épiceries Dominion et Steinberg, et des grands magasins Sears, Eaton, Woolco, Zellers, K-Mart, Miracle Mart… Et nos grands magasins à nous, ceux de la rue Saint-Joseph, les Paquet, Syndicat, Pollack et Laliberté, ont eux aussi cessé leurs activités. J’ai toujours trouvé bien désolantes les ventes de fermeture.

Nous nous souvenons du coloré magazine Perspectives que nous avions dans Le Soleil du samedi, ainsi que du cahier de bandes dessinées en couleurs avec ses aventures de Tarzan. Que de beaux samedis matin !

Nous nous souvenons du Village normand, le secteur de bouffe rapide de Place Laurier qui semblait sorti d’un album d’Astérix. Nous nous souvenons du comptoir lunch du magasin Woolworth de la rue Saint-Joseph, C’est là que nous avons dégusté nos meilleurs vols-au-vent au poulet, avec un « Seven-Up fontaine ».

Nous nous souvenons qu’il y avait des comptoirs lunch dans nos pharmacies. Notre préféré était celui de la pharmacie Demers à l’angle du boulevard René-Lévesque et de l’avenue Belvédère. Charles Trenet avait été étonné de voir que l’on mangeait « dans les pharmacies du Canada ».

Nous nous souvenons qu’il y avait de la mayonnaise dans les clubs sandwichs et que l’on n’avait pas besoin de les démolir pour y verser le contenu d’un sachet.
Nous nous souvenons que nous montions les escaliers étroits des quatre étages du magasin Emmaüs de la rue Sault-au-Matelot pour y trouver de vieux livres. Nous nous souvenons de la vieille librairie Garneau de la rue De Buade. Un vieil escalier tournant, craquant sous nos pas, nous menait à la mezzanine où il y avait des livres d’histoire. Ne pouvant nous payer les beaux livres aux grands formats, nous étions heureux d’y trouver de savants livres de poche…

Nous nous souvenons de la bibliothèque qui se trouvait au sous-sol de l’Institut canadien de la rue Saint-Stanislas. Avant l’ouverture de la bibliothèque Gabrielle-Roy, c’était notre principale bibliothèque publique. C’était d’une autre époque, mais on s’en contentait…

Nous nous souvenons des innombrables tiroirs en bois du catalogue sur fiches de l’Université Laval. Que de découvertes nous y avons faites en cette époque où le mot Internet nous était encore inconnu…

Nous nous souvenons des 45 tours et des longs-jeux, des magasins de disques Saint-Cyr & Frères, Discus, Sherman, Sam the Record Man, Musique d’Auteuil, Sillons… Et du retour des 33 tours…

Nous nous souvenons des longues files d’attente qu’il y avait sur les trottoirs pour voir des films au cinéma Cartier. Nous nous souvenons de la gigantesque grande salle du cinéma Place Charest de la rue du Pont. C’est là que nous avons vu pour la première fois Les uns et les autres de Claude Lelouch. Nous y avons vu de beaux festivals du film.

Nous nous souvenons de la fin de la belle époque des pianos-bar. À celui du Ramada Inn du boulevard Laurier, nous avons entendu l’inlassable Marc Drolet chanter son éternel succès « Le voleur de pervenches ».

Nous nous souvenons de la fin des boîtes à chansons. Au Gaulois, à l’angle des rues De Buade et des Jardins, on y écoutait des chansonniers nationalistes tout en buvant une cervoise et en mangeant un hamburger au sanglier.

Nous nous souvenons du spectacle de Johnny Cash à l’Agora du Vieux-Port. Nous avons oublié le vent froid du fleuve lorsque l’homme en noir s’approcha du micro et nous déclara : « Hello, I’m Johnny Cash ! ».

Nous nous souvenons de l’arbre au boulet de la rue Saint-Louis. Il était devenu un ami et nous regrettons son départ.


C’est avec tristesse que l’énigmatique arbre au boulet de la rue Saint-Louis a été abattu l’an dernier. ©Marc Pelletier



Nous nous souvenons que l’on pouvait voir les paquets de cigarettes sur les tablettes de nos tabagies. Et les belles boîtes de cigares de Havane dans les comptoirs vitrés d’un célèbre tabaconiste de la rue De Buade.

Nous nous souvenons que nous n’avions pas besoin de prendre un rendez-vous pour aller à notre salon de barbier, et que l’on pouvait feuilleter Le Guide de l’auto en attendant notre tour. C’était avant la pandémie. C’était dans le bon vieux temps…


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