Le général Eisenhower est à la tête d’une
armée, composée de 150 000 hommes,
15 000 avions, 5 000 navires et 20 000 véhicules.
C’est l’opération Overlord. Ils sont
partis la veille des côtes anglaises, sur une
mer agitée, la plupart vers un destin qu’ils
savent tracé d’avance. Au terme d’une
stratégie qu’on a commencé à élaborer
il y a plusieurs mois, les Canadiens sont
choisis pour débarquer sur la plage de Juno.
Pour eux, l’heure H est fixée à 7 heures
35 minutes. Ils n’auront que quelques
minutes de retard et, pour certains…
quelques minutes de plus pour profiter
de leur existence… Le régiment de la
Chaudière fait partie de la 8e Brigade.
Lors de ce débarquement, 200 soldats (dans
la jeune vingtaine pour la plupart) seront
sacrifiés et 800 seront blessés.
Visiter les plages du débarquement de
Normandie requiert de s’informer, un
tant soit peu, avant le départ, si l’on veut
honorer décemment ces libérateurs de
peuples. On a beau être pacifiste, ces
moments font partie de notre histoire et
nous avons un devoir de mémoire. Il faut
ratisser les rayons d’une bibliothèque
ou naviguer sur Wikipédia afin de se
mettre en tête les principaux éléments
stratégiques, quelques statistiques
et certaines notions géographiques.
Ensuite, on trace son itinéraire et la liste
des musées à visiter. Et, pour bien vivre
l’aventure, quoi de mieux que de loger
dans une spacieuse ferme normande
transformée en gîte du passant !
- Blockhaus où se terraient les Allemands.
La plage de Juno se situe entre les
villages de Courseulles et d’Arromanches.
Dès mes premiers pas sur la plage, une
forte émotion m’envahit. Ce n’est pas du
tout la même sensation que de fouler
le sable des plages de la Floride ou du
Mexique où, là, la détente vous attend.
À Juno, et sur toutes les autres plages du
débarquement (Omaha, Utah ou Gold), la
sérénité et le recueillement s’imposent
d’eux-mêmes.
C’est à Courseulles qu’est implanté
le musée consacré exclusivement à
la participation canadienne lors de la
Libération, et à Beny-sur-Mer/Reviers
que se trouve le cimetière canadien où
reposent les corps des 2 000 soldats
canadiens morts durant toute la durée de
l’opération. Plus loin, à la pointe du Hoc,
il faut voir la hauteur des falaises que les
soldats américains ont dû escalader sous
le feu nourri de l’ennemi pour arriver en
haut face à des clôtures de barbelés et
des blockhaus remplis de soldats dont les
mitraillettes pointaient des meurtrières.
Il faut aussi s’enfoncer dans les cratères
laissés par les centaines de bombes
larguées ce jour-là pour bien comprendre
la puissance dévastatrice de ces engins.
- Falaises de la pointe du Hoc cerclées de barbelés.
- Le Canada et la France, unis pour la cause de la Libération.
Tous les musées recèlent leur part
d’histoire et de souvenirs, mais celui de
Sainte-Mère-Église est de loin le plus
émouvant. Ce village est celui qui a vu
des centaines de parachutistes périr
avant même de toucher le sol. Certains
sont même tombés dans un incendie
qui faisait rage et d’autres se sont
noyés dans des terres que les Allemands
avaient pris soin d’inonder auparavant.
Dans ce musée, il y a de petites salles
obscures où l’on vous présente, sur
écran, des documents d’archives et des
témoignages de survivants. Rares sont
ceux qui n’essuient pas une larme. Quand
on est entre hommes, on reste concentré
sur l’écran, l’orgueil nous empêchant de
regarder notre voisin, au moment où l’on
sort le mouchoir.
- Les tombes des soldats canadiens morts au combat
Durant ce périple, on oscille entre la
fébrilité du touriste lambda et la force
des émotions qui nous assaillent. Pour
ma part, j’ai eu un serrement à la poitrine
pendant trois jours. Comment rester
insensible en parcourant les allées
jalonnées de milliers de croix blanches
dans les cimetières américains et anglais ?
Surtout quand on prête attention aux
épitaphes pour y lire : « Mort au combat
à 19 ans » et trouver, comme ce fut le cas,
trois tombes côte à côte… celles de trois
frères…