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C’était le 6 juin 1944…

30 mai 2013| Jean Chouzenoux, correspondant européen

C’était le 6 juin 1944…

Le Jour J, à l’heure H, 1 500 jeunes Canadiens débarquent sur les plages de Normandie afin de libérer la France du joug allemand qui l’écrase depuis cinq ans.

Le général Eisenhower est à la tête d’une

armée, composée de 150 000 hommes,

15 000 avions, 5 000 navires et 20 000 véhicules.

C’est l’opération Overlord. Ils sont

partis la veille des côtes anglaises, sur une

mer agitée, la plupart vers un destin qu’ils

savent tracé d’avance. Au terme d’une

stratégie qu’on a commencé à élaborer

il y a plusieurs mois, les Canadiens sont

choisis pour débarquer sur la plage de Juno.

Pour eux, l’heure H est fixée à 7 heures

35 minutes. Ils n’auront que quelques

minutes de retard et, pour certains…

quelques minutes de plus pour profiter

de leur existence… Le régiment de la

Chaudière fait partie de la 8e Brigade.

Lors de ce débarquement, 200 soldats (dans

la jeune vingtaine pour la plupart) seront

sacrifiés et 800 seront blessés.

Visiter les plages du débarquement de

Normandie requiert de s’informer, un

tant soit peu, avant le départ, si l’on veut

honorer décemment ces libérateurs de

peuples. On a beau être pacifiste, ces

moments font partie de notre histoire et

nous avons un devoir de mémoire. Il faut

ratisser les rayons d’une bibliothèque

ou naviguer sur Wikipédia afin de se

mettre en tête les principaux éléments

stratégiques, quelques statistiques

et certaines notions géographiques.

Ensuite, on trace son itinéraire et la liste

des musées à visiter. Et, pour bien vivre

l’aventure, quoi de mieux que de loger

dans une spacieuse ferme normande

transformée en gîte du passant !

Blockhaus où se terraient les Allemands.
Blockhaus où se terraient les Allemands.

La plage de Juno se situe entre les

villages de Courseulles et d’Arromanches.

Dès mes premiers pas sur la plage, une

forte émotion m’envahit. Ce n’est pas du

tout la même sensation que de fouler

le sable des plages de la Floride ou du

Mexique où, là, la détente vous attend.

À Juno, et sur toutes les autres plages du

débarquement (Omaha, Utah ou Gold), la

sérénité et le recueillement s’imposent

d’eux-mêmes.

C’est à Courseulles qu’est implanté

le musée consacré exclusivement à

la participation canadienne lors de la

Libération, et à Beny-sur-Mer/Reviers

que se trouve le cimetière canadien où

reposent les corps des 2 000 soldats

canadiens morts durant toute la durée de

l’opération. Plus loin, à la pointe du Hoc,

il faut voir la hauteur des falaises que les

soldats américains ont dû escalader sous

le feu nourri de l’ennemi pour arriver en

haut face à des clôtures de barbelés et

des blockhaus remplis de soldats dont les

mitraillettes pointaient des meurtrières.

Il faut aussi s’enfoncer dans les cratères

laissés par les centaines de bombes

larguées ce jour-là pour bien comprendre

la puissance dévastatrice de ces engins.

Falaises de la pointe du Hoc cerclées de barbelés.
Falaises de la pointe du Hoc cerclées de barbelés.

Le Canada et la France, unis pour la cause de la Libération.
Le Canada et la France, unis pour la cause de la Libération.

Tous les musées recèlent leur part

d’histoire et de souvenirs, mais celui de

Sainte-Mère-Église est de loin le plus

émouvant. Ce village est celui qui a vu

des centaines de parachutistes périr

avant même de toucher le sol. Certains

sont même tombés dans un incendie

qui faisait rage et d’autres se sont

noyés dans des terres que les Allemands

avaient pris soin d’inonder auparavant.

Dans ce musée, il y a de petites salles

obscures où l’on vous présente, sur

écran, des documents d’archives et des

témoignages de survivants. Rares sont

ceux qui n’essuient pas une larme. Quand

on est entre hommes, on reste concentré

sur l’écran, l’orgueil nous empêchant de

regarder notre voisin, au moment où l’on

sort le mouchoir.

Les tombes des soldats canadiens morts au combat
Les tombes des soldats canadiens morts au combat

Durant ce périple, on oscille entre la

fébrilité du touriste lambda et la force

des émotions qui nous assaillent. Pour

ma part, j’ai eu un serrement à la poitrine

pendant trois jours. Comment rester

insensible en parcourant les allées

jalonnées de milliers de croix blanches

dans les cimetières américains et anglais ?

Surtout quand on prête attention aux

épitaphes pour y lire : « Mort au combat

à 19 ans » et trouver, comme ce fut le cas,

trois tombes côte à côte… celles de trois

frères…

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