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L’Afrique : lointaine ou en rapprochement ?

30 mai 2013| Nelson Michaud, Ph.D.

L’Afrique : lointaine ou en rapprochement ?

Mon attention pour les choses internationales remonte, pour aussi loin que je me souvienne, aux années du primaire, alors que les missionnaires de passage au Québec venaient nous parler de leur travail.

L’un d’eux avait suggéré à notre institutrice de nous abonner à la revue Frères lointains.

Nous avons été plusieurs à y souscrire les 10 sous demandés pour chaque numéro. Mais

en 6e année, j’étais le seul qui recevait toujours sa livraison, l’intérêt n’ayant jamais

diminué. Sur la page couverture, souvent, un enfant africain alimentait notre curiosité

envers la différence, infatigable muse porteuse de connaissances nouvelles. Cette

Afrique, où mon oncle Nazaire avait séjourné comme coopérant, n’était peut-être pas si

lointaine après tout. Mais où est-elle aujourd’hui ?

L’AFRIQUE PLURIELLE

L’Afrique est plurielle, il va sans dire. Parler de ce continent comme d’une entité

quasi unique n’est pas étranger au partage économique qu’en ont fait les puissances

européennes à la fin du XIXe siècle, sous le regard intéressé des États-Unis. À la suite

de la Deuxième Guerre mondiale, alors que s’installait la guerre froide, l’Afrique a été

l’objet d’un nouveau partage, cette fois idéologique, entre les deux premiers mondes,

capitaliste et communiste. L’Afrique décolonisée devenait un échiquier où Moscou et

Washington allaient jouer leurs pièces à coups d’alliances et de promesses, pour affirmer

et projeter leur puissance relative. L’Afrique, ainsi marginalisée en tant qu’entité

franche, serait plutôt connue comme étant le tiers-monde politique, expression souvent

et erronément perçue comme reflétant d’abord une réalité économique, étant donné le

faible développement qu’on y constatait. D’autres luttes par procuration, diplomatiques

celles-là, ont vu le Canada et le Québec y trouver un terrain où la présence des uns et des

autres pouvait susciter d’importants contentieux.

Aujourd’hui, les pays africains sont

toujours l’objet de convoitise. Des

tensions politiques sur fonds religieux

subsistent, comme on l’a vu au Mali il

y a quelques mois, ou au Nigeria plus

récemment. Le sous-sol regorge de

ressources multiples et souvent en forte

demande. La Chine y est présente de

façon importante pour en tirer profit

et y trouver les éléments nécessaires à

sa croissance. Force est de constater,

toutefois, que les États et, surtout, la

population africaine profitent peu de ce

que d’autres utilisent pour leur propre

développement.

L’AFRIQUE EN ÉMERGENCE

L’une des clefs pour que les pays africains

émergent véritablement, et de façon

autonome, réside dans la qualité de la

gouvernance dont ils pourront se doter.

Déjà, des États comme le Sénégal et

le Bénin ont entrepris des transitions

démocratiques qui assurent une

alternance des idées et des personnes, et

dont d’autres pays du continent pourront

bientôt s’inspirer. Il s’agit d’un premier

pas important, voire incontournable, mais

qui doit être suivi d’une structuration

de leurs administrations qui permette

de faire fructifier l’apport en capitaux de

toutes sortes que plusieurs autres États,

des entreprises et des organisations

humanitaires sont prêts à y investir.

De fait, et la mondialisation aidant, les

pays africains connaissent actuellement

une progression importante de leurs

activités économiques. Toutefois, les

recettes de l’État ne s’accroissent pas

au même rythme, principalement parce

que leurs administrations publiques

ne sont pas assez performantes pour

appuyer et capter les bénéfices de cette

vitalité en vue de les redistribuer. Une

amélioration de la gouvernance donnerait

aux États plus de moyens financiers pour

mettre en place des programmes sociaux,

économiques ou environnementaux au

profit de leur population. Il faut que ces

gouvernements soient en mesure de

mieux faire fructifier les interventions

de solidarité et de développement

économique auxquelles d’autres acteurs

contribuent.

LE QUÉBEC ET L’AFRIQUE

C’est dans cette optique qu’il peut être

intéressant d’envisager l’initiative du

gouvernement du Québec d’élaborer

un « Plan Afrique », en plus de mener

des travaux visant la mise en place

d’une Agence québécoise de solidarité

internationale. En travaillant sur les deux

aspects, le Québec, partenaire dans la

Francophonie de plusieurs pays africains,

pourrait apporter une contribution

certaine, surtout s’il s’investit d’abord

en appui à la mise en oeuvre de modes

de gouvernance qui augmenteront la

capacité de ces pays à mieux faire profiter

leurs collectivités des apports dont

l’Afrique contemporaine est la cible.

Peu coûteuses – et le Plan Afrique

n’est justement doté d’aucun budget

important à ce jour –, ces interventions

portant sur la gouvernance pourraient

avoir un impact relativement rapide, mais

surtout significatif, en plus de s’inscrire

au-delà des dimensions économiques

de profits ou purement politiques,

notamment en termes de répartition

des pouvoirs. De la sorte, l’initiative

projetterait une image positive de

l’intervention du Québec et s’inscrirait

objectivement dans la tradition de ses

relations internationales en transcendant

les options partisanes et en jetant les

bases d’un véritable héritage, d’une

action plus pérenne. Il s’agit sans

aucun doute d’une option à considérer,

tant l’Afrique, ses besoins, mais aussi

ses succès, se rapprochent de nous,

inéluctablement

rêver

Gérer le consentement