J’aurais pu choisir de vivre uniquement de mon métier de chanteuse; je l’ai quand même fait pendant neuf ans. Mais l’envie du dépassement de soi, le désir de viser toujours plus haut et de bâtir pour demain m’ont poussée à me diversifier et à déposer mes œufs dans différents paniers.
Très tôt, j’ai réalisé que je possédais une fibre entrepreneuriale très forte. Mes parents étaient propriétaires d’un restaurant et d’un service traiteur. Je peux dire sans gêne que j’ai appris à la dure… « La fille du restaurant, c’est la sueur pis les clients ». Ouf ! C’est là que j’ai compris ce que Paul Piché voulait dire dans sa chanson « Heureux d’un printemps » ! Ma sœur et moi, on travaillait beaucoup, je veux dire beaucoup pour des jeunes ados qui voulaient aller se faire « griller » sur la plage, elles aussi, l’été, au Lac-St-Jean. Au resto chez nous, elle et moi, on avait inventé une nouvelle maladie : la « maladie du soleil » ! Au lac, quand il faisait plus de 25 degrés, les employés « callaient malade » souvent pour aller sur la « beach » et en profiter. Pis nous, on « padait » pour donner un « break » à maman et papa.
Avant de partir pour aller vivre à Québec, je souhaitais obtenir une crédibilité aux yeux des gens qui, probablement, croiraient que j’avais été « favorisée » par mes parents en travaillant dans la « business » familiale. J’ai donc été employée dans un autre restaurant de ma région durant un an, ce qui s’est ajouté à mon expérience et à mon bagage de vie.
Une fois rendue à Québec, tout en poursuivant mes études universitaires, j’ai travaillé pour le groupe Martin/St-Hubert pendant cinq ans. J’ai ainsi pu apprécier un autre mode de gestion que j’ai vraiment admiré et qui m’a fait beaucoup grandir. Du renforcement positif, enfin!
Cette expérience dans la restauration m’a donné la « drive » qu’il me fallait pour tracer mon chemin en croyant fermement à mon plus grand rêve : gagner ma vie grâce à ma passion, celle de chanter. Durant neuf années, j’ai été chanteuse soliste exclusivement, participant à différentes productions, allant de l’opéra aux soirées musicales dans des salles de bal d’hôtels corporatifs, en passant par les comédies musicales. et même le Cirque du Soleil.
Autre source de grande motivation
Après mes études universitaires, et au fil des rencontres que le métier m’a amenée à faire lors de divers engagements, j’ai découvert des femmes entrepreneures inspirantes, impliquées dans leur communauté et ayant su tirer leur épingle du jeu dans le monde des affaires. Je les observais et je les admirais, au point où, un jour, je me suis demandé : « Pourquoi ne serais-je pas comme elles? Et si j’avais, moi aussi, ma propre entreprise? »
Oh ! C’est bien de chanter à l’opéra, de tenir un rôle dans une comédie musicale, de donner des récitals. J’aime encore terriblement ça, et c’est un « panier » important de Bellita que j’ai AUSSI besoin de nourrir pour des raisons de plaisir et de satisfaction personnelle. Mais, à mon avis, il est aussi important d’aborder d’autres avenues, de développer ses divers talents et ses forces de façon à les exploiter différemment et d’offrir un plus large éventail de services, accessibles à un marché plus étendu que le strict milieu musical, par exemple.
Nous voici à présent à l’été 2020, et plus rien n’est tout à fait comme avant… Depuis que les salles de spectacles, les hôtels et les centres de congrès se sont refermées sur eux-mêmes, et ce, pour un temps indéterminé, obligeant les artistes à se « réinventer », comme nous ont invités à le faire les instances gouvernementales, je suis attentive à ce qui se passe dans mon réseau artistique. Ah! Cette fameuse « réinvention » à laquelle on a fait référence tellement de fois depuis quatre mois que certains des principaux intéressés en ont la nausée dès qu’on aborde cette « nécessité ». Comme si l’art, pratiqué depuis des millénaires, pouvait être réinventé… Et s’il n’était pas question de se réinventer, mais plutôt de diversifier notre offre en tant qu’artistes créateurs et/ou interprètes?
Ah! Cette fameuse « réinvention » à laquelle on a fait référence tellement de fois depuis quatre mois que certains des principaux intéressés en ont la nausée dès qu’on aborde cette « nécessité ». Comme si l’art, pratiqué depuis des millénaires, pouvait être réinventé… Et s’il n’était pas question de se réinventer, mais plutôt de diversifier notre offre en tant qu’artistes créateurs et/ou interprètes?
Certains artistes qui participent à plusieurs productions dans une même année n’auront pas nécessairement de temps ou d’énergie à consacrer au développement d’autres projets que ceux pour lesquels ils doivent se préparer. Cependant, ce « luxe » qu’est celui de se concentrer uniquement sur un aspect de son métier peut être risqué, à mon avis, car tous les œufs se retrouvent alors dans un seul et même panier. Dans pareil cas, qu’arrive-t-il lorsque survient un tsunami tel que la propagation d’un coronavirus à l’échelle planétaire, forçant l’arrêt brutal de toute activité artistique? Sur les réseaux sociaux, je lis de nombreux témoignages d’une tristesse incroyable, où des collègues aux carrières exceptionnelles voient celles-ci mises sur pause pour on ne sait trop combien de temps. Évidemment, cela me fait beaucoup réfléchir…
Mon intention n’est pas de montrer du doigt les artistes qui se plaignent de la situation actuelle, mais plutôt de démontrer que ce peut être une belle opportunité pour se questionner. Pourquoi se contenter de rester là où l’on est quand on peut monter encore plus haut ? Le purisme n’a plus nécessairement sa place quand l’essentiel devient vital…
Cet été, Bellita est producteur d’une série de 64 spectacles au Musée de la Civilisation. Mon entreprise offre donc un travail à temps plein à deux comédiens. Chanceuse ? Oui… et non, car j’ai vendu ma salade en « tabarouette » en proposant des solutions qui respectent les règles de distanciation et de santé publique. Dans d’autres mandats, j’ai offert à des clients de « switcher » leur soirées de façon virtuelle. On a même trouvé le moyen de faire des événements dans un endroit où se trouvent plein de petits balcons depuis lesquels on peut admirer la scène de loin, avec un système de sonorisation adéquat et adapté pour l’occasion.
J’admire aussi énormément l’initiative de certains collaborateurs qui vont se produire dans les jardins, les cours, et qui demeurent actifs et enthousiastes malgré les contraintes imposées. À ce propos, mon amie Sophie Larivière, du Fairmont LCF, me donnait justement dernièrement l’idée de proposer des solutions de rechange pour les réceptions du temps des fêtes qui auront lieu au Château. Différents paniers dans lesquels déposer plusieurs œufs à couver, à protéger, à transformer…
Je pense qu’il est de notre devoir de continuer à chercher des pistes pour garder l’art vivant, peu importe la forme qu’il prendra. Je suis une optimiste de nature : je sais que le retour à la normale viendra. Mais en attendant, le chemin que nous parcourons ensemble aujourd’hui nous aide à nous dépasser, à réfléchir à des façons de faire autrement et à grandir ensemble pour créer un avenir encore plus prospère!
Et vous savez quoi? Je suis certaine que j’ai raison!
________________________________________________________________
Source : Cet article est tiré du blogue de Bellita Production. Merci à l’artiste Sabrina Ferland, présidente de Bellita Production, d’avoir accepté la reproduction de cet article.