Nouveau visage, nouveaux défis !
Les temps changent… et le visage de la philanthropie aussi. Si les besoins vont en s’accroissant, les organisations à la recherche d’argent, de temps ou d’expertise bénévole doivent désormais rivaliser d’imagination pour atteindre leur objectif. Regard sur ces entreprises de séduction qui visent le mieux-être de la communauté.
Qu’il s’agisse de répondre à des besoins ponctuels, de contribuer à une campagne de financement ou d’opter pour un don planifié, les Québécois sont nombreux à vouloir aider leur prochain. S’ils sont de plus en plus enclins à ouvrir leur coeur et leur portefeuille, le monde de la philanthropie doit cependant
s’adapter à de nouvelles réalités.
« Au cours des dernières années, un million de dollars ont été recueillis par l’entremise des multiples défis sportifs que nous avons organisés. »
- Denis Rhéaume, président et chef de la direction de la Fondation du CHU de Québec
Ici comme ailleurs, les défis qui se posent sont de taille. D’aucuns diront que l’habitude de donner est moins bien ancrée chez nous que dans le reste du Canada, mais qu’il y a de l’espoir. Dans un monde en perpétuel changement, certaines tendances se dessinent, comme autant d’occasions de faire preuve de créativité.
« Il faut d’abord voir qu’on assiste à l’émergence de nouveaux donateurs. Autrefois, la philanthropie était l’affaire des notables; aujourd’hui, des gens associés aux domaines de l’automobile, de la pharmacie et de l’immobilier, par exemple, sont présents », lance la directrice générale de la Fondation communautaire du Grand Québec, Nataly Rae.
« La beauté de la philanthropie, c’est que la décision nous revient de choisir à quoi ou à qui l’on donne. »
- Nataly Rae, directrice générale de la Fondation communautaire du Grand Québec.
Des philanthropes de tous les horizons ont fait leur apparition, mais de tous les âges aussi. Dans le milieu, on sait maintenant que la philanthropie se décline différemment selon les générations. Alors que les 70 ans et plus se limitent généralement à signer un chèque pour un organisme de bienfaisance en qui ils ont confiance, les boomers, pour leur part, souhaitent en plus connaître l’impact de leur don.
« Quant aux générations X et Y, elles embarquent, mais ça se vit dans l’action, dans la mobilisation, ça se vit en groupe; il y a un effet d’entraînement, révèle la directrice de la Fondation communautaire. Les X et les Y aiment créer des moments spéciaux, ce qui amène une philanthropie des plus intéressantes. »
Traverser le fleuve, gravir une montagne, participer à un rallye : toutes les expériences deviennent des prétextes pour solliciter la générosité des plus jeunes. Une tendance que confirme Denis Rhéaume, président et chef de la direction de la Fondation du CHU de Québec, et qui s’observe notamment dans la prolifération des événements sportifs.
« Ceux-ci prennent effectivement de plus en plus d’importance. Pour la conquête du Kilimandjaro, nous avons enregistré un don moyen de 100 $ par personne. Au cours des dernières années, un million de dollars ont été recueillis par l’entremise des multiples défis du genre que nous avons organisés », rend compte le gestionnaire. Pour joindre les donateurs potentiels, les nouvelles technologies sont également mises à profit. L’usage des réseaux sociaux pour mousser les campagnes et favoriser le don en ligne est désormais bien intégré aux stratégies employées. La Fondation du CHU fait valoir qu’en deux ans, les sommes versées au moyen d’Internet sont passées de 54 000 $ à quelque 455 000 $.
Ils ont dit…
« Je me considère comme choyé et si je peux redonner, je vais redonner. Si chaque entrepreneur se disait : "Je m’implique avec une organisation à raison de trois ou quatre heures par semaine", imaginez seulement la différence que ça ferait. Le milieu des affaires est encore frileux à l’égard de la philanthropie, mais du temps, ça se trouve. Pour ceux qui s’engagent, je les encourage à continuer à le faire parce que les besoins sont grands ! »
- Pierre Dolbec, président de Dolbec International
« Des exemples de générosité, il y en a beaucoup. Il faut en parler, haut et fort. l’instauration de mécanismes pour identifier et promouvoir les bons citoyens corporatifs serait peut-être une avenue porteuse… Je sais que développer une culture du don prend du temps, mais avec de la patience et des cas inspirants, les Québécois peuvent rattraper le retard qu’ils accusent. En matière de philanthropie, les alliés actuels sont les solliciteurs, ces gens qui ont le courage de s’impliquer et qui osent demander de donner. Les alliés futurs sont les jeunes, à qui nous devons communiquer des valeurs de solidarité et de partage et que nous devons inciter à l’engagement social. Les médias sont également des alliés potentiels, puisque la générosité est une question d’intérêt public qui doit les interpeller. Ils ont le pouvoir de créer une certaine émulation dans la population. »
- Yvon Charest, président et chef de la direction, Industrielle Alliance, Assurance et services financiers
Compenser le retrait de l’État ?
La campagne de la Fondation du CHU du Québec invite ses donateurs à « prendre une cause ».
Si on rivalise d’originalité pour aller chercher toujours plus d’argent et davantage d’action bénévole chez le simple citoyen ou chez le citoyen corporatif, est-ce finalement pour compenser un certain désengagement de l’État ? Nataly Rae voit bien que les gouvernements veulent laisser leur rôle de principal pourvoyeur de fonds pour que le secteur privé fasse également sa part. Elle croit qu’il faut aussi voir dans cette quête l’expression de besoins qui sont en hausse constante, et ce, dans toutes ses sphères.
« À Québec, il y a de plus en plus de gens bien nantis, mais le niveau de pauvreté augmente aussi, soutientelle. Ce n’est donc pas tant que le gouvernement se retire. De toute manière, quand il le fait, il met habituellement en place des mesures de compensation pour aider les organisations à devenir plus autonomes dans leur mission. Le programme Mécénat Placement culture est un excellent exemple. »
Selon la dirigeante, de la richesse, il y en a dans plusieurs secteurs, mais il faut sensibiliser les gens aux causes. « On va donner à ce à quoi on croit. Une façon de faire, c’est d’amener les personnes à intégrer des conseils d’administration pour aller chercher leur expertise et leurs réseaux. Redonner, c’est un retour du balancier qui fait du bien ! »
« L’acte philanthropique, c’est émotif et la clé, c’est de favoriser les causes, renchérit Denis Rhéaume. La Fondation du CHU de Québec, qui regroupe cinq hôpitaux, mise entre autres sur les contributions de ses employés et des médecins dans des causes qui les concernent et mène en ce sens des campagnes à l’interne. »
Parmi les leviers qui gagnent en popularité figurent aussi la coprésidence d’honneur – une dyade souvent composée d’un expert et d’une personnalité issue du milieu des affaires – et l’utilisation d’ambassadeurs et de comités de financement. L’objectif avoué est évidemment d’arriver à toucher un maximum d’individus dans une communauté donnée.
Dons planifiés
« La beauté de la philanthropie, c’est que la décision nous revient de choisir à quoi ou à qui l’on donne. Aux modes usuels d’aide apportée s’ajoute ainsi de plus en plus fréquemment le don planifié. Dans les faits, on remarque un nombre croissant de Québécois et de Canadiens qui vont vers cette formule et y voit les nombreux avantages, tant pour leurs héritiers que pour la communauté. Nous avons plus de 500 fonds créés à ce jour », intervient Mme Rae.
Le président de la Fondation du CHU de Québec témoigne de la progression du don planifié, lequel se présente sous la forme d’un fonds personnalisé à capital permanent dont les revenus générés sont versés à la cause qui a donné lieu à sa création. L’organisme administre actuellement plus d’une centaine de fonds de ce type.
« Quand on planifie bien, tout le monde est gagnant ! » commente la directrice générale de la Fondation communautaire du Grand Québec, qui rappelle au passage que « la communauté doit se prendre en main et ouvrir ses oeillères » et que « la philanthropie, c’est une valeur dont il faut parler et qu’il faut faire valoir ».
Dans la grande région de Québec, incluant Lévis, on dénombre quelque 130 fondations publiques dûment enregistrées, 35 fondations privées et 900 organismes de bienfaisance, excluant les OBNL.