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Le Cercle de la Garnison de Québec, près d’un siècle et demi de traditions et de rencontres

18 août 2025| Jean-Marie Lebel, historien

Le Cercle de la Garnison de Québec, près d’un siècle et demi de traditions et de rencontres

© Edgar Gariépy, Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Club de la Garnison, vers 1930    

Dans le beau livre qu’il consacra à sa ville de Québec en 1899, voici comment Adolphe-Basile Routhier levait quelque peu le voile pour ses lecteurs sur ce qu’était le discret Club de la Garnison dont il était l’un des membres : « C’est le rendez-vous de tous ceux qui aiment causer, lire, fumer et dîner. »

Par leur nature, les clubs privés ont quelque chose de secret et de mystérieux… pour ceux qui n’en sont pas membres ou qui n’y sont point invités. Notre Cercle de la Garnison ne peut donc pas échapper à son aura de mystère !

Ce sont des gens venus de la vieille Angleterre qui apportèrent à Québec la coutume des clubs privés
« à la londonienne ». Au milieu des années 1800, le Club Stadacona était le plus réputé d’entre eux à Québec.

C’est en 1879 que fut fondé le Club de la Garnison de Québec. Il constitue donc l’une des plus anciennes institutions associatives de la ville, en compagnie de l’Institut canadien de Québec, de la Literary and Historical Society, du Yacht-Club de Québec et du Club de golf Royal Québec. En 1984, le Club de la Garnison devint le Cercle de la Garnison de Québec au moment de sa fusion avec le Cercle universitaire de Québec.

Les fondateurs de notre club étaient des officiers des bataillons de la milice canadienne. Le lieutenant-colonel Henri-Théodore Juchereau Duchesnay, un résident de la rue Saint-Louis, en fut le premier président de 1879 à 1898. Par la suite, il y eut longtemps en alternance des présidents francophones et anglophones. Dès les années 1880, le club admit dans ses rangs des membres civils, souvent issus du monde des affaires ou des professions libérales. La convention voulait qu’au club on mette de côté nos différends nationaux, politiques ou religieux.

À compter de 1918, les femmes furent admises. Elles avaient toutefois leur entrée distincte tandis que le hall d’entrée principal était réservé aux hommes. C’est la ministre Lise Payette, offusquée, qui fit changer cet état de choses à la fin des années 1970.

Il y a de ces édifices où la patine du temps donne du charme et du romantisme. C’est ainsi qu’au Cercle de la Garnison, le long passé de l’institution et le passage de plusieurs générations de membres y sont immanquablement rappelés par le décor, le mobilier, les photographies et portraits d’époque témoignant de la richesse de son passé.

Depuis sa fondation, le club occupe le même site rue Saint-Louis, à l’angle de la côte de la Citadelle, à deux pas de la porte Saint-Louis et des remparts du Vieux-Québec. Il s’installa dans l’édifice qui avait été érigé en 1816 pour les ingénieurs royaux qui y œuvrèrent à l’époque de la construction de la citadelle. Depuis que le club y loge, l’édifice original a été agrandi à quelques reprises. C’est l’architecte Harry Staveley qui le coiffa en 1893 de sa charmante toiture « style Château ».

Chaque fois que j’entre dans le salon des Croix-Victoria, je m’attends à y voir Phileas Fogg assis dans un fauteuil devant le foyer. N’est-ce pas dans un club privé britannique que le célèbre héros de Jules Verne s’était engagé à pouvoir faire le tour du monde en 80 jours ? Rappelons qu’il put finalement le réaliser en 79 jours !

Que de discussions eurent lieu dans les discrets salons du club ! En plus du salon des Croix-Victoria, plusieurs pièces de l’édifice rendent hommage, par leurs ornements et leurs appellations, aux diverses constituantes de nos Forces armées : les salons des Artilleurs, de l’Aviation, des Voltigeurs de Québec, du Royal 22e Régiment et Hugues Lapointe — Régiment de la Chaudière.

Deux salons remontent aux origines du club : le salon des Canadiens réunissait les membres francophones, alors que le salon Wheelhouse rassemblait leurs collègues anglophones. Au jour de l’An, la coutume voulait que l’on ouvre la porte reliant les deux salons afin que l’on puisse s’échanger les vœux pour la nouvelle année. Le salon Université et le salon Séminaire de Québec rappellent les bons liens de ces institutions avec le club. Au salon Taché, en mémoire de l’architecte Eugène-Étienne Taché, la coutume voulait que des hommes d’affaires viennent y signer d’importantes ententes. C’est au salon St-Laurent que l’ancien premier ministre du Canada Louis S. St-Laurent réunissait sa famille pour célébrer les Fêtes. Les portraits des anciens présidents du club ornent les murs du salon des Présidents. C’est là que se tiennent les assemblées générales auxquelles sont convoqués tous les membres du club, dont ils sont propriétaires.

Par les baies vitrées du confortable bar-salon du rez-de-chaussée, on peut apercevoir de beaux jardins ombragés. Dire qu’il n’y avait pas un seul arbre quand le club s’installa dans l’édifice en 1879 ! Quatre ans plus tard, on y planta les premiers arbres et, de nos jours, de magnifiques noyers et ormes contribuent en saison estivale au caractère champêtre des dîners en plein air. Depuis 1974, que ce soit sous l’ombrage des arbres, des parasols ou de la marquise de la terrasse, les « dîners barbecue » ont leurs fidèles adeptes. Les éclats de rire et les discussions enjouées que l’on y entend démontrent que le club demeure de nos jours ce que souhaitaient les fondateurs en 1879 : un lieu réunissant « des gens de bonne compagnie ». Et le dévouement ainsi que l’implication de nombreux membres ont permis à l’institution de traverser les heures plus difficiles des deux grandes guerres mondiales, de la Crise des années 1930 et de la pandémie de 2020-2021. Fiers du passé de l’institution, attachés au vieil édifice patrimonial, les membres actuels tiennent à leur club. C’est un précieux héritage à transmettre aux générations futures !

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