Au terme d’un minutieux processus de sélection qui aura duré trois ans, l’identité de celui qui dirigera désormais l’Orchestre symphonique de Québec, en remplacement de Yoav Talmi, a enfin été dévoilée en décembre dernier. Son nom : Fabien Gabel. Sa nationalité : française. Son âge : 36 ans. Portrait d’un candidat idéal.
De toute évidence, la directrice générale de l’OSQ, Sophie Galaise, était fière, voire soulagée de pouvoir enfin présenter aux gens de Québec son nouveau directeur musical, qu’elle n’hésite pas à qualifier de « perle rare ». Et ce n’est pas seulement elle qui le dit, mais tous ceux et celles qui ont voté pour leur futur chef, soit les musiciens de l’Orchestre eux-mêmes. C’est ce qu’on appelle un processus démocratique, qui s’est déroulé dans le plus grand des secrets. « À l’aide d’un comité composé de 10 professionnels québécois venant de différents horizons, nous avons d’abord dressé un profil du candidat idéal, explique Mme Galaise. Puis nous avons dressé une liste des candidats retenus sur la scène internationale, pour ensuite les inviter à venir diriger l’OSQ. Au terme de leur performance, tous ont été évalués par les membres de l’Orchestre. Fabien Gabel est le seul parmi eux à n’avoir essuyé aucun refus et à avoir obtenu une note bien au-dessus de la moyenne ! » Plutôt flatteur pour une recrue…
Maestro Fabien Gabel
Mais quels étaient ces critères exactement ? «
Au-delà des compétences et des connaissances du candidat, nous recherchions quelqu’un qui comprenait bien son rôle dans une organisation comme la nôtre, qui désirait s’intégrer dans la communauté, qui soit un joueur d’équipe et un bon communicateur, capable d’interagir avec les médias et le public », poursuit la directrice générale. Le facteur de la langue a donc joué en la faveur de Fabien Gabel, mais, au départ, il fallait que ce petit quelque chose d’intangible opère : la chimie. Sans elle, rien n’aurait été possible. D’ailleurs, lors de la conférence de presse, qui a eu lieu à l’hôtel de ville le 1er décembre dernier, Fabien Gabel a su charmer son auditoire en invitant les gens à l’appeler par son prénom plutôt que par maestro, dépoussiérant du même coup l’image quelque peu rigide et inaccessible que l’on se fait des chefs d’orchestre. Doté d’humilité, de simplicité et, avouons-le, d’une belle apparence, Fabien Gabel saura certainement répondre aux trois objectifs que vise l’OSQ : être accessible, être innovant et conserver le niveau d’excellence. Permettra-t-il d’augmenter le nombre d’abonnés qui, déjà, a connu une nette amélioration au cours de la dernière année, et ce, auprès de toutes les générations ? Si l’on en juge par son attitude, ouverte aux suggestions des musiciens de l’Orchestre et à l’écoute de la population elle-même, le succès est quasi garanti.
Qui est Fabien Gabel ?
Impossible de ne pas être impressionné en consultant la biographie de Fabien Gabel, dont la carrière de chef a connu son véritable essor après qu’il eut remporté, en 2004, le prestigieux concours de direction Donatella Flick à Londres, concours qui lui a permis de diriger le London Symphony Orchestra, puis d’en devenir le chef assistant. Après, les mandats se sont succédé à une vitesse folle, étant invité, entre autres, à diriger de nombreux orchestres, en France comme à l’étranger. Mais avant de devenir chef, Fabien Gabel a d’abord joué en tant que trompettiste dans un orchestre. Selon lui, il s’agit d’ailleurs d’un passage obligé afin de devenir un bon chef. « Cela permet de comprendre les défis que doivent relever les musiciens, de vivre la pression qu’ils subissent », explique-t-il.
Mais qu’est-ce qui l’a incité, justement, à troquer son statut de musicien pour celui de chef, ce changement de cap l’ayant forcé à recommencer à partir de zéro à l’âge de 27 ans ? « D’abord, j’ai eu la chance d’avoir des parents musiciens (un père trompettiste et une mère harpiste), raconte Fabien. Mon père m’amenait voir des concerts dès l’âge de cinq ans et j’entrais à l’Opéra de Paris comme on entre chez soi. Je me rappelle le premier choc musical que j’ai vécu, à l’âge de neuf ans, en assistant à Elektra de Richard Strauss; ce qui n’était pas la pièce la plus simple… À 16 ans, je suis entré au Conservatoire de Paris et le premier engagement que j’ai obtenu en tant que musicien, ce fut pour jouer dans Elektra. J’ai toujours été fasciné par le travail de chef d’orchestre, mais le véritable déclic s’est produit à l’âge de 14 ans, lors du concert du Nouvel An, dirigé par le chef autrichien Carlos Kleiber. Ç'a été le coup de foudre total ! J’ai été charmé par la façon qu’avait ce chef de diriger. »
Et enfin, pourquoi a-t-il accepté le poste offert par l’OSQ ? Tout simplement parce qu’il est ébloui par la qualité de cet orchestre et par la virtuosité de chaque musicien. Et si le répertoire exploré reste souvent le même – son préféré étant celui de la fin du XIXe siècle et du début du XXe –, Fabien Gabel compte bien rendre ses concerts plus interactifs et briser le mur qui existe, non seulement entre le chef et ses musiciens, mais entre le chef et le public. « Nous avons trouvé un chef inspirant, un chef qui nous donne envie de nous dépasser », conclut Sophie Galaise. Un chef que nous aurons l’occasion de voir à l’œuvre pour la toute première fois au cours de l’été prochain en tant que nouveau maestro. Son coup de baguette saura-t-il conquérir les foules ? Tous les ingrédients sont réunis afin que la magie opère…
L’homme derrière le maestro
- Fabien Gabel est marié à Camille Spear depuis juin 2011. Le couple n’a pas encore d’enfant, mais le projet est dans l’air.
- Hormis la musique classique, Fabien apprécie, étonnamment, la musique électronique, et tout particulièrement celle de Martin Solveig, un DJ français. L’un de ses amis est d’ailleurs DJ.
- Fabien prend du plaisir à boire de bons vins et du champagne. « Je ne peux renier mes origines ! » lance-t-il avec humour.
- Bien que la musique soit une passion très accaparante, qui laisse peu de temps à d’autres intérêts, Fabien fait du ski alpin et joue au tennis de temps à autre, un sport qu’il a déjà beaucoup pratiqué.
- Fabien connaît encore peu la « religion québécoise », soit le hockey, mais il a l’intention de la découvrir au fil de son mandat.
- Et enfin, son coup de cœur à Québec ? « Les gens ! répond-il sans aucune hésitation. Bien qu’on ne me connaissait pas à mon arrivée, on m’a bien accueilli. Les gens ici sont sans a priori. Je sais qu’il est cliché de dire que vous êtes nos cousins canadiens, mais lorsqu’on vient chez vous, c’est vraiment ce que l’on ressent. D’ailleurs, je crois que tous les Français devraient venir faire un stage au Québec; ils en apprendraient beaucoup sur l’art de recevoir… et sur l’humilité ! »