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On ne pourra jamais oublier le brave Salaberry

10 février 2025| Jean-Marie Lebel, historien

On ne pourra jamais oublier le brave Salaberry

© Bibliothèque et Archives Canada

La côte Salaberry vers 1830, James Pattison Cockburn

Qu’il y en a des côtes à Québec ! Les automobilistes, mais surtout les cyclistes et les piétons, en savent quelque chose. Dès les années 1620, le fondateur Champlain fit des efforts pour adoucir la côte de la Montagne. Il y en a de très empruntées comme la côte d’Abraham ou la côte de Cap-Rouge, villageoise comme la côte à Gignac, ou discrètes et peu connues comme la côte du Colonel-Dambourgès ou la côte Badelard. »

Toutefois, pour beaucoup de gens, la plus impression- nante et, disons-le, la plus terrifiante est la côte De Salaberry. D’ailleurs, elle est interdite aux camions. Et jusqu’aux années 1960, elle était fermée en hiver. Bien des citoyens se rappellent encore d’avoir vu des enfants y glisser joyeusement avec leurs toboggans. Et on vit même d’intrépides Québécois skier dans la côte De Salaberry ! Tout nouvellement ouverte en 1913, remplaçant la côte Sauvageau (un petit peu plus à l’ouest et que l’on venait de fermer), elle reçut son nom de « côte De Salaberry », car elle était le prolongement de l’avenue De Salaberry, qui rendait déjà hommage depuis de nombreuses décennies au brave colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, dont la mémoire populaire se rappelait qu’il avait repoussé les Américains qui voulaient annexer le Canada aux États-Unis !

C’est dans une grande maison du chemin royal de Beauport que Salaberry avait vu le jour en 1778. Son grand-père paternel avait été un capitaine au long cours qui avait parcouru les mers du monde, et son père, homme politique, avait été blessé deux fois en défendant la colonie lors de la première invasion américaine, celle de 1775.

La noble et respectée famille Salaberry de Beauport ayant créé des liens d’amitié avec le duc de Kent (le père de la reine Victoria) lors des années qu’il vécut à Québec, cela favorisa notre jeune Charles- Michel intéressé par la carrière des armes. Il put ainsi faire carrière dans l’armée britannique et parcourir une bonne partie de l’empire. Lorsqu’en 1812, les États-Unis, n’acceptant plus les entraves de la Grande-Bretagne et lui déclarant la guerre, décidèrent d’envahir le Haut et le Bas-Canada, alors des colonies britanniques, Salaberry se vit confier une mission importante par les autorités britanniques. Il devait constituer et entraîner un régiment de miliciens. C’était une rude tâche. Mais, comme le soulignait Louis Le Jeune : « Le colonel, en vertu de sa vigueur de caractère tempérée par une gauloise gaieté, y réussit comme par enchantement. »

En 1813, les troupes américaines s’emparèrent d’York (Toronto) et elles étaient bien déterminées à faire de même avec Montréal, puis Québec. Mais elles trouvèrent sur leur chemin le colonel de Salaberry et ses Voltigeurs canadiens. Avec ses 6000 soldats, le général américain Hampson était certain de l’emporter lors de la Bataille de Châteauguay sur les 300 miliciens canadiens. On raconte que c’est Salaberry qui tira le premier et réussit à désarçonner un officier américain à cheval. À l’extrémité gauche de son régiment, monté sur une souche, Salaberry criait des ordres. Protégés par les abattis qu’ils avaient préparés, ses miliciens réussirent à l’emporter. Après quatre heures de combat, les troupes américaines, décimées, humiliées, se replièrent pour retourner aux États-Unis. Le Bas-Canada n’allait pas devenir un État américain. Salaberry était devenu un héros national ! Il ne sera âgé que de 50 ans lorsqu’il décédera à Chambly en 1829.

À Québec, on lui rendit hommage en nommant « route Salaberry » (aujourd’hui « avenue De Salaberry ») une nouvelle artère que l’on ouvrait à l’extrémité ouest de la haute-ville. Vous avez sans doute déjà remarqué que c’est à la hauteur de l’avenue De Salaberry que la Grande Allée Est et le boulevard René-Lévesque Est adoptent la particule « Ouest ». Rappelons que l’annexion de Ville- Montcalm à Québec n’eut lieu qu’en 1913. Ah, avez-vous déjà remarqué comment, dans la façade de l’Hôtel du Parlement, la statue de Salaberry a fière allure ? On le voit donnant des ordres à ses miliciens.

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