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Où est donc passé notre Louis Jolliet ?

3 mars 2022| Jean-Marie Lebel, historien

Où est donc passé notre Louis Jolliet ?

La mystérieuse disparition de Louis Jolliet a intrigué bien des historiens et de nombreux amateurs d’histoire. Un beau jour du printemps de 1700, Jolliet, comme il en avait pris l’habitude, quitta sa résidence de la basse-ville de Québec pour se rendre sur la Côte Nord dans sa barque à voile. Et on s’attendait à ce qu’il soit de retour pour l’automne. Mais, cette fois-là, on ne le verra jamais revenir.





La maison de Louis Jolliet telle qu’on l’aperçoit de la rue Sous-le-Fort. Depuis 1879, elle donne accès au funiculaire qui relie la basse-ville à la terrasse Dufferin. ©Fonds Daniel Abel


Une maison délaissée… bien occupée



Dans notre rue du Petit-Champlain, faisant face à la rue Sous-le-Fort, la maison que Louis Jolliet s’était fièrement fait construire l’attend toujours. Toutefois, notre Jolliet serait bien étonné d’y voir entrer et sortir tant de gens. C’est que, depuis 1879, sa maison donne accès au funiculaire qui relie la basse-ville à la terrasse Dufferin.

Lorsque des guides touristiques mentionnent qu’il s’agit de la maison de Louis Jolliet, les touristes américains, surtout ceux provenant du Midwest, dressent l’oreille. Ils ont appris dès leur enfance que Louis Jolliet était « le découvreur du Mississipi » en compagnie du père Marquette. Dans les États de l’Illinois, de l’Indiana, du Montana et de la Pennsylvanie, des villes portent le nom de Joliet (les Américains l’écrivent avec un seul L). Et dans bon nombre de villes, il y a une Joliet Street. Cependant, si certains de ces touristes se passionnant pour Jolliet veulent savoir où est le tombeau du grand explorateur, nous ne pouvons leur répondre. Pas plus que pour le tombeau de Champlain…


L’explorateur Louis Jolliet. Portrait réalisé par Daniel Abel, 2021. Technique mixte, 38,2 cm x 45,7 cm.



Québec était son port d’attache



Il est vrai que Louis Jolliet s’éloigna très souvent de Québec, mais il demeura toujours très attaché à la ville où il avait vu le jour en 1645. Lui qui n’avait que cinq ans lorsque mourut son père, le charron Jean Jolliet, avait entrepris dès l’âge de onze ans de longues études au Collège des Jésuites et au Séminaire de Québec. Musicien doué, le séminariste devint alors le premier organiste de la cathédrale de Mgr de Laval. Il se destinait à la prêtrise, ayant même reçu les ordres mineurs, lorsqu’il décida de quitter le Séminaire à 21 ans. L’appel du grand large et des forêts avait été plus fort que tout. Il continuera toutefois à jouer de l’orgue à la cathédrale lorsqu’il séjournera à Québec.

Se lançant dans la traite des peaux de castor, Jolliet partit pour les Grands Lacs. À son retour à Québec, par son instruction lui permettant de rédiger un rapport, son habileté à cartographier et son endurance à canoter, il attira l’attention de l’intendant Jean Talon qui, avec l’approbation du gouverneur Frontenac, lui confia une importante mission : la découverte du Mississipi. L’existence de ce grand fleuve mystérieux nous était connue par les témoignages de membres des Premières Nations. Comme beaucoup d’autres, Talon espérait que ce fleuve puisse déboucher dans la mer de Chine. Il y a longtemps que les Français voulaient trouver une route pour l’Asie. Accompagné du père Marquette, Jolliet atteignit finalement le Mississipi en 1673 et le descendit jusqu’à la hauteur de l’Arkansas, alors convaincu que le long fleuve se dirigeait tout droit vers le golfe du Mexique. Sur le chemin du retour, son canot chavirant dans des rapides près de Montréal, Jolliet dut se débattre durant quatre heures dans des eaux froides avant qu’on puisse lui porter secours.


La vie n’est pas un long fleuve tranquille



En son temps, personne ne connaissait mieux le fleuve Saint-Laurent, ses périls et ses sautes d’humeur que Louis Jolliet. Plusieurs fois, il le remonta jusqu’au lac Ontario. Plus souvent encore, il le descendit jusqu’à la Côte Nord. Il fit des cartes du fleuve pour le roi. Certains hivers, il fut professeur d’hydrographie au Collège de Québec pour enseigner à naviguer et à piloter sur le Saint-Laurent.

Jolliet connaissait fort bien la Côte Nord car, pour services rendus, il s’était vu concéder en fief et seigneurie les îles et îlets de Mingan en 1679, et l’île d’Anticosti en 1680. Un bon nombre d’étés, il s’y rendit, y dirigeant des entreprises de pêcherie de morues et de chasse aux baleines et aux loups-marins. À quelques reprises, il y emmena son épouse Claire-Françoise Byssot et leurs sept enfants : Louis, Charles, François, Geneviève, Anne, Jean-Baptiste et Claire. Et tout ce monde revenait hiverner dans la grande maison de Québec.


Dans les brumes de l’histoire



Nous savons que, le 4 mai 1700, Louis Jolliet était à Québec puisqu’il signait ce jour-là comme témoin à un mariage. Nous savons aussi que, quatre mois plus tard, le 15 septembre, un office funèbre eut lieu à sa mémoire dans la cathédrale de Québec, mais sans la présence de son corps. De quelle façon avait-on appris à Québec la mort de l’homme de 54 ans ? Où et comment était-il décédé ? Des historiens ont supposé qu’il eût été inhumé sur l’île d’Anticosti par ses employés ou ses fils, car il y avait une habitation. Ou peut-être sur l’une des îles de Mingan ? L’historien Jean Delanglez se demandait si Jolliet n’avait pas perdu la vie sur le fleuve. Peut-être a-t-il péri noyé comme son illustre devancier, l’explorateur Jean Nicolet ? Le fleuve est capable de garder beaucoup de secrets…









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