On entend souvent cette expression qui nous vient des États-Unis : « Taking advantage of Chapter 11. » Au Canada, nous avons deux lois fédérales accordant aux sociétés canadiennes des droits équivalents selon l’importance du dossier.
La plus vieille loi a été adoptée lors de la crise financière mondiale des années 1930 et s’appelle la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, communément appelée la Loi C-36 (la « LACC »). L’autre, plus connue, est la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »), chapitre B-3, modifiée le 18 septembre 2009.
Me Luc Paradis, avocat – secteur civil et commercial, Morency, Société d’avocats, S.E.N.C.R.L.
Seules les compagnies d’importance ayant des créanciers pour au moins cinq millions de dollars au moment de l’insolvabilité peuvent se servir de la LACC. C’est pourquoi toutes les grandes restructurations de sociétés publiques, comme Air Canada ou la White Birch, pour n’en nommer que quelques-unes, sont restructurées en vertu des dispositions de cette loi qui accorde aux juges des pouvoirs étendus et dans des délais moins contraignants. La LFI, quant à elle, s’applique à toutes les entreprises, peu importe le montant dû à leurs créanciers. Dans ce dernier cas, la réorganisation doit être réalisée complètement au plus tard six mois après le dépôt de l’avis d’intention de faire une proposition aux créanciers. Ces deux lois sont complémentaires et couvrent tout le registre des entreprises ayant besoin d’être restructurées sous la protection des tribunaux.
La réforme de la LFI adoptée en septembre 2009 vise :
- À favoriser la restructuration financière d’entreprises viables;
- À mieux protéger les travailleurs en cas de faillite;
- À harmoniser la LFI avec la LACC;
- Et finalement, à rendre le régime d’insolvabilité plus juste.
Avant l’adoption de ces dernières modifications, les employés qui perdaient leur emploi à cause de la faillite ou de la mise sous séquestre de leur employeur ne récupéraient que peu, voire rien de leur salaire et de leur redevance impayés.
Dorénavant, la LFI accorde aux réclamations des travailleurs une « super priorité » pour les salaires et les indemnités de vacances, jusqu’à concurrence de 2 000 $ par employé. Les réclamations des travailleurs bénéficient maintenant d’une sûreté sur les éléments d’actifs courants de l’entreprise et prennent rang avant les créanciers garantis : une modification majeure. C’est pourquoi les prêteurs institutionnels tiennent maintenant compte de ces montants dans le calcul des ratios de couverture de dettes des entreprises. La nouvelle LFI permet dorénavant à une entreprise d’obtenir un financement DIP (Debtor in possession), comme la LACC le permettait déjà depuis plusieurs années, pour financer sa restructuration.
Lorsque le juge l’accorde, ce financement est remboursé en priorité et prend rang avant les créanciers garantis existant au moment du dépôt de l’avis d’intention.
En conclusion, avec la modernisation récente de ces deux lois canadiennes, les sociétés, leurs comptables et leurs avocats bénéficient de tous les outils juridiques modernes et appropriés à leur situation pour favoriser leur restructuration financière et assurer leur viabilité, ce qui est essentiel dans notre économie de marché.
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