Voici un résumé de l’hommage que j’ai présenté à l’occasion de l’inhumation de Rémy d’Anjou, à l’église Saint-Michel de Sillery, le vendredi 7 janvier. Rémy était l’un de mes plus vieux amis.
De nos jours, 69 ans, c’est encore jeune pour mourir. Mais mon ami Rémy n’avait pas 69 ans lorsqu’il a passé l’arme à gauche, le 27 décembre 2010. Il en avait deux fois plus, ayant su, avec ferveur, brûler la chandelle par les deux bouts. J’ai même calculé que ce gars-là a vécu au moins sept vies, comme tout homme de grande qualité. Sa vie d’étudiant, sa vie de journaliste, sa vie en tant que Bonhomme Carnaval… sa vie de vedette de la télévision, sa vie « médiévale » – même si celle-ci ne fut pas très longue –, sa vie d’animateur et d’annonceur à la radio, sans oublier, évidemment, sa vie familiale. Et je ne compte pas sa vie plus récente de représentant des ventes auprès des institutions et du gouvernement au magazine PRESTIGE, ni sa vie de barman à une certaine époque.
Rémy avait à peine 20 ans lorsque je l’ai rencontré pour la première fois. Ce garçon-là, qui allait devenir mon ami par la force des choses, devait faire carrière dans tous les médias par la suite : dans la presse écrite, à la télévision, à la radio, dans les magazines et ailleurs. Et pendant tout ce temps, moi, je demeurais bien peinard au journal Le Soleil et j’y suis resté toute ma vie durant. S’il était Haddock, j’étais Tintin.
Rémy est aussi celui qui a mis du spring dans le personnage de Bonhomme Carnaval en 1966, une créature mythique qu’il a personnifiée pendant toute une décennie. Avant Rémy, Bonhomme était plutôt tranquille. Avec Rémy, le personnage est devenu carnavalesque. Nous savions que c’était Rémy qui personnifiait Bonhomme rien qu’à le voir se déplacer. Cette démarche caractéristique devait par la suite être imitée par les astronautes américains qui ont marché sur la lune. Rémy était un précurseur !
Il faut dire que Rémy était un beau bonhomme. Un beau Bonhomme Carnaval et un beau bonhomme tout court. Tellement beau qu’en 1970, il fut désigné First Runner-Up de la ville de Québec, lors du premier concours du plus bel homme du Canada, lancé par Lise Payette, à l’époque où celle-ci animait son talk-showAppelez-moi Lise à la télévision de Radio-Canada. Le gagnant fut le ministre des Finances de l’époque, Raymond Garneau.
Qui d’entre vous se souvient que Rémy D’Anjou a déjà représenté la ville de Québec à un concours international de crieurs publics, qui se tenait à Halifax ? Il était arrivé premier avec sa voix de stentor, juste avant un autre crieur public qui représentait la ville de Boston. Or, qui dit crieur public dit aussi médiévales. C’est à cause de ce don de crieur public que Rémy décida de créer des fêtes médiévales à Québec. Parce que c’est comme crieur public qu’il fut d’abord invité à visiter certaines fêtes médiévales en Europe, après avoir gagné le concours d’Halifax. C’est ainsi qu’il découvrit ces fêtes européennes et qu’il décida de les importer à Québec. Il avait de grandes ambitions, notre Rémy. Il voulait en tenir des italiennes, des espagnoles, des allemandes, des anglaises, des russes, des prussiennes…
Enfin, si Rémy n’a pas raté sa vie, il n’a pas raté sa mort non plus. Rares sont les personnes qui font la surmanchette des deux journaux de Québec lorsqu’ils passent l’arme à gauche. Il faut être très important dans le cœur des Québécois pour que cela se produise. Rémy, lui, l’a fait entre Noël et le jour de l’An, dans Le Soleil et dans le Journal de Québec. Et il a fait, pour une dernière fois, tous les bulletins de nouvelles, même le téléjournal national.
Quelques autres vieux chums, que nous connaissions bien tous les deux, l’attendaient sûrement à la porte du paradis... à moins que ce ne soit à la porte du purgatoire ? Parce que notre bon vieux Rémy avait sûrement quelques imperfections, qu’il devra expier pendant quelques années avant d’entrer au paradis, n’est-ce pas ? Ne serait-ce que la gourmandise. Et peut-être un brin d’orgueil. Il y restera peut-être, le temps que je le rejoigne pour la vie éternelle. Cette vie éternelle que je nous souhaite à tous.
Adieu, mon ami ! Ce fut un grand honneur d’avoir pu mener une vie pareille près de toi.