Constituant la dernière ville fortifiée d’Amérique au nord du Mexique, le Vieux-Québec ne manque point d’impressionner les touristes qui franchissent les vieilles portes et les enfants qui veulent grimper sur les imposants canons. Pour les gens de Québec, les remparts font tellement partie de leur ADN qu’ils se rendent au Centre Vidéotron applaudir leurs Remparts ! Et pour eux, Guy Lafleur sera toujours un Rempart de Québec.
S’il y a une rue du Vieux-Québec dans laquelle on ressent bien la présence protectrice et séculaire des vieilles fortifications, c’est bien la rue des Remparts. Que de fois, depuis un demi-siècle, j’ai parcouru son trottoir qui longe les remparts. Souvent m’y sont venues à l’esprit des paroles d’une chanson de Charles Trenet :
Dans les rues de Québec par temps gris par temps sec je m’en vais nez au vent cœur joyeux en rêvant
Oui, il y a souvent un bon vent dans cette rue. Rien n’y arrête le nordet. Les vents d’hiver y sont parfois terriblement glaciaux. L’un des plus célèbres résidents de cette rue, le marquis Louis-Joseph de Montcalm, les affronta du mieux qu’il le pouvait. Lui qui vécut les derniers hivers de sa vie s’y sentait bien loin de la région de Nice, en Provence, d’où il provenait. On peut encore voir rue des Remparts la grande maison où vécut Montcalm avant d’être blessé mortellement lors de la Bataille des plaines d’Abraham du 13 septembre 1759. L’inscription Candiac au-dessus de la porte d’entrée rappelle son domaine familial en France.
Ce sont les conquérants britanniques qui édifièrent les remparts de la rue des Remparts. Sous la direction de l’ingénieur Gother Mann, ils furent complétés en 1811. Ces fortifications étaient à leur construction beaucoup plus élevées que de nos jours. C’est en 1878 que l’on en abaissa la hauteur, après le départ de la garnison britannique, afin de permettre aux résidents et aux passants d’avoir une vue sur les Laurentides. C’est à un citoyen de la toute proche rue Saint-Flavien, l’historien François-Xavier Garneau (1800- 1866), que l’on doit d’ailleurs le nom des Laurentides (qui vient du nom Saint-Laurent). Ces lointaines montagnes bleutées apparaissent parfois couvertes de neige tard au printemps.
Le long alignement des façades de pierres ou de briques des maisons de la rue des Remparts a bien peu changé depuis les années 1840-1850. C’étaient des demeures de gens fortunés. Ce le sont encore. C’est là que résidaient jadis les grands marchands Renaud et Terreau, dominant ainsi leurs établissements commerciaux de la rue Saint-Paul. La côte de la Canoterie permet toujours de descendre à cette rue.
Lorsque je me promène rue des Remparts, j’y rencontre bien des fantômes. Comment oublier Félix-Antoine Savard (1895-1982), l’auteur de Menaud maître-draveur, qui y résidait et y prenait sa marche d’après-souper. Et puis, depuis le soir du 31 octobre 2020, nous revient à la mémoire Suzanne Clermont qui perdit la vie tragiquement devant la porte de sa maison (l’un des bancs publics d’un petit bastion de cette rue porte une inscription à sa mémoire). En cet automne, parcourons de nouveau notre rue des Remparts, prenant conscience du passage du temps et des gens.