C’est une amie française, originaire d’Aix-en-Provence, qui m’a fait prendre conscience de l’ampleur de ce phénomène, à l’époque où nous étions étudiantes à l’université. Venue s’installer dans notre belle province pour faire des études supérieures, elle m’avait révélé ne pas avoir envie de repartir à cause de ce qu’elle avait observé ici, à ce moment bien précis de l’année où, après une longue période de froideur, le beau temps revient en force. Jamais elle n’avait assisté à une telle effervescence dans son coin de pays, alors que le climat du sud-est de la France est chaud et sec l’été, ensoleillé et doux l’hiver. Mais à ses yeux, rien n’était plus beau qu’un Québécois (et elle incluait les femmes) qui sort de sa tanière pour embrasser le soleil, enfin délesté de ses pelures d’hiver. Le sourire que nous affichons au printemps est, semble-t-il, unique au monde. Il est le symbole d’une renaissance après un long cycle d’hibernation.
Je dois vous avouer que j’ai toujours eu bien du mal à comprendre pourquoi quelqu’un voudrait délibérément venir s’installer ici, alors qu’il a droit à un climat aussi agréable chez lui. Mais après réflexion, je crois que cette amie française a sans doute compris quelque chose que je réalise difficilement, étant trop partie intégrante du phénomène collectif. Apprécierait-on autant l’été au Québec si nous le vivions à l’année ? Sans doute pas… Et c’est ce qui, au contact des chauds rayons du soleil, nous transforme, nous rend presque euphoriques et, paraît-il, si beaux à voir. Nous savons, consciemment ou non, que la rareté apporte toute sa valeur à l’été, et nous entrons automatiquement en mode « course contre la montre », car à l’instar de Racine, un dramaturge français du XVIIe siècle, qui affirmait : « Hâtons-nous aujourd’hui de jouir de la vie. Qui sait si nous serons demain ? », au Québec, nous pourrions adapter cette citation ainsi : « Hâtons-nous aujourd’hui de jouir du beau temps. Qui sait si le soleil sera demain ? »