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Les Filles du Roi sont de retour !

4 juillet 2013| Jean-Marie Lebel, historien

Les Filles du Roi sont de retour !

Au cours de l’été, on entendra beaucoup parler des Filles du Roi à Québec, alors que le 350e anniversaire du début de leur arrivée sera souligné de maintes façons. Lors des Fêtes de la Nouvelle-France, en août prochain, 36 femmes en costumes d’époque recréeront le fameux débarquement de 1663. Mais qui étaient donc ces Filles du Roi du 17e siècle ?

L’AIGLE D’OR ARRIVE ENFIN !

La ville de Québec n’était encore qu’une

bien petite ville en 1663, mais on y

comptait déjà les institutions essentielles

pour cette époque, dont un magasin

d’approvisionnement de vivres et de vins, une

église, un couvent des Ursulines, un Hôtel-

Dieu et un collège des Jésuites. Le début de

l’année avait cependant été fort éprouvant.

Jamais les habitants n’avaient connu des

tremblements de terre d’une telle ampleur.

Et en cette fin d’été de 1663, ils attendaient

avec impatience l’arrivée de l’Aigle d’Or de

Brouage, un vaisseau de guerre appartenant

au roi de France Louis XIV. Le capitaine en

était le fameux Nicolas Gargot de la Rochette,

que l’on appelait Jambe de bois. C’était un

personnage peu rassurant, mais fiable.

Le navire avait quitté le port de La

Rochelle. La traversée de l’Atlantique

dura pas moins de deux mois et fut

particulièrement difficile. Soixante

passagers moururent en mer. Le grand

voilier se présenta finalement devant

Québec à l’orée de l’automne, le

22 septembre. Les habitants virent avec

joie descendre du navire leur évêque

François de Laval, de retour de France

où il venait de fonder officiellement son

Séminaire de Québec. C’est avec curiosité

que les habitants apercevaient pour la

première fois leur nouveau gouverneur

général, Augustin de Saffray de Mézy.

D’autre part, ce qui attirait surtout

l’attention d’une ville qui comptait

beaucoup d’hommes célibataires, c’était

l’arrivée d’un premier contingent de

Filles du Roi, dont la traversée avait été

défrayée par le roi.

Les 36 jeunes femmes furent conduites à

la haute-ville, au couvent des Ursulines.

C’est là que les jours suivants se

présentèrent les nombreux prétendants.

Ceux d’entre eux qui étaient déjà

propriétaires d’une terre et d’une maison

étaient les mieux placés pour obtenir la

main d’une Fille du Roi. Les rencontres

furent fructueuses, car dans les deux mois

qui suivirent leur débarquement, déjà

25 des 36 femmes avaient trouvé un

époux et se mariaient. Plusieurs de ces

mariages eurent lieu à l’église Notre-

Dame de Québec et furent célébrés

par l’abbé Henri de Bernières, un grand

collaborateur de Mgr de Laval.

Une Fille du Roi devenue mère de famille sur l’Île d’Orléans.
Une Fille du Roi devenue mère de famille sur l’Île d’Orléans.

Le jeune roi Louis XIV et son ministre

Jean-Baptiste Colbert étaient bien

décidés à peupler leur colonie, dont le

peuplement avait pris tellement de retard

en comparaison de celui de la Nouvelle-

Angleterre. Durant les dix étés qui

suivirent, jusqu’en 1673, des contingents

de Filles du Roi débarquèrent à Québec.

Selon les méticuleuses recherches d’Yves

Landry, ce furent pas moins de 770 Filles

du Roi qui débarquèrent à Québec, de

1663 à 1673, ce qui constitue la moitié

de toutes les femmes arrivées à Québec

durant les 150 années que dura l’époque

de la Nouvelle-France.

ON VEUT DES FILLES DE LA NORMANDIE !

Il va de soi que les Filles du Roi furent,

durant de nombreuses années, un grand

sujet de conversation à Québec. En

1664, les membres du Conseil souverain

de Québec réclamaient des filles de la

Normandie plutôt que de La Rochelle,

car « les gens de La Rochelle sont pour

la plupart de peu de conscience et quasi

sans religion ». En 1670, l’intendant Jean

Talon rappelait au ministre Colbert que

les filles destinées au Canada « ne soient

aucunement disgraciées de la nature ».

Il y avait parmi les Filles du Roi beaucoup

de roturières d’origines fort modestes

et de filles de soldats, mais aussi des

bourgeoises, et même des nobles. Ce

que la plupart d’entre elles avaient en

commun était le fait d’être des orphelines.

Certaines étaient relativement instruites,

alors que d’autres ne pouvaient même

pas signer leurs noms. Le tiers des Filles

du Roi provenaient d’un gigantesque

Un grand nombre de

Québécois ont comme ancêtre

une Fille du Roi.

hospice-hôpital de Paris, que l’on appelait

la Salpêtrière, et qui avait été fondé en

1656 par Louis XIV pour les pauvres. Cette

institution abritait alors des milliers de

personnes, souvent sans famille. Pour

les jeunes orphelines qui y résidaient,

leur destin s’y annonçait plutôt triste

et tragique. Ce fut donc avec beaucoup

d’espoir que plusieurs d’entre elles

apprirent que le roi leur donnait une

dot pour qu’elles puissent se rendre à

Québec et y trouver un époux. Peu d’entre

elles avaient déjà entendu parler de la

Nouvelle-France. Au total, des 770 Filles

du Roi, 327 provinrent de Paris, 127, de la

Normandie, 103, des provinces de l’ouest

de la France, plus particulièrement de La

Rochelle.

Une maisonnée canadienne d’autrefois
Une maisonnée canadienne d’autrefois

En Nouvelle-France, les Filles du Roi

donnèrent naissance en moyenne à cinq

ou six enfants. Marie Hatanville, arrivée

en 1669, se maria quatre fois. À son

troisième mariage, déjà mère de onze

enfants de moins de 15 ans, elle épousa

un veuf qui avait sept jeunes enfants.

Quant à Jeanne Amyot, arrivée en 1673,

elle se maria deux fois et vécut jusqu’en

1745, ayant au moins 94 ans à son décès à

Verchères.

Un grand nombre de Québécois ont

comme ancêtre une Fille du Roi.

Contrairement au 300e anniversaire,

le 350e anniversaire de l’arrivée de ces

femmes ne passera certes pas inaperçu,

grâce au dévouement depuis de

nombreuses années de madame Irène

Belleau, fondatrice de la Société d’histoire

des Filles du Roi, à qui nous tenons à

souligner notre gratitude.

rêver

Gérer le consentement