LE CONTINENTAL
En effet, le spectaculaire et authentique service au guéridon, les flambés et tout le décorum qui l’accompagne, qui ont fait la notoriété de l’établissement de la rue Saint-Louis, sont devenus, partout dans le monde, une rarissime denrée. Cette recette gagnante, les copropriétaires Sylvain Pageau et Mathieu Pettigrew y tiennent toujours mordicus, au grand bonheur d’une clientèle fidèle qui en redemande.
Quinze ans déjà que les deux restaurateurs, qui repré- sentent la troisième génération de propriétaires, ont repris de la famille Sgobba le flambeau de ce qui a toujours permis à ce fleuron de la cuisine française classique de se distinguer entre tous. Dire que si les frères Angelo et Luigi Sgobba, ainsi que leurs amis Luigi Giacomello et Stephano Degan, n’avaient pas inclus Québec dans leur périple de six mois en terre québécoise au début des années cinquante, leur scénario de vie se serait écrit différemment. Immédiatement tombés sous le charme de la ville, les quatre inséparables n’en étaient jamais repartis jusqu’à ce qu’ils ouvrent leur resto en 1956. La seconde génération s’installera des années plus tard lorsque Louis et André Sgobba, les deux fils de Luigi, ainsi que le fils d’Angelo, Peter, prendront la relève. En 2009, il allait de soi qu’ils choisiraient, pour perpétuer la tradition, des successeurs ayant déjà le Continental tatoué sur le cœur en raison de longues années de service. « Mathieu a 15 ans de moins que moi, il constitue ma relève et s’emploie déjà à assurer la sienne », déclare Sylvain Pageau. Le tandem vise en effet rien de moins qu’un centenaire à long terme pour l’établissement, de quoi rassurer la clientèle quant à la pérennité de la formule.
LA TRADITION… À TOUT PRIX
Maintenir la mission du Continental a certes un prix. « Le service au guéridon requiert en effet trois fois plus de personnel, explique Mathieu Pettigrew. Par exemple, le samedi soir, 26 employés s’affairent à satisfaire 160 clients, un ratio sans précédent qui traduit une tout autre réalité, d’où notre personnel comptant 85 personnes. Une telle brigade composée notamment d’un maître d’hôtel, de chefs et demi-chefs de rang, de commis de suite et de commis-débarrasseurs, ainsi que les nappes blanches, l’argenterie et les smokings ont évidemment des répercussions financières, mais c’est ce qu’il en coûte pour fournir à nos clients ce dont ils raffolent depuis des décennies. De toute manière, avec l’augmentation généralisée des prix dans la restauration, la différence n’est plus ce qu’elle était quand il s’agit de vivre une expérience vraiment distinctive. Notre produit a toujours été coûteux, mais aujourd’hui, ça l’est partout. »
De la « vraie » salade César apprêtée devant vous au filet mignon de bœuf Continental cuit à votre table, en passant par l'entrecôte au poivre, les crevettes flambées, le châteaubriand et le canard à l'orange tous cuisinés sous vos yeux, le spectacle offert en met plein la vue ! Et pour clore en beauté, que dire de délicieuses crêpes Suzette ou d'excellentes poires au Pernod ? Si environ le cinquième du menu très varié est préparé et servi au guéridon, il accapare néanmoins jusqu’aux trois quarts des commandes tellement la démonstration est prisée. Le souci de la qualité est tel que Le Continental se paie le luxe d’un boucher et d’un pâtissier maison pour la préparation de pièces uniques. Quant à la cave à vin, l’une des cinq plus réputées à Québec, elle impressionne avec ses quelque 15 000 bouteilles et 300 appellations françaises, italiennes et californiennes, de la plus abordable au plus grand cru classé.
DES PROPRIÉTAIRES PRÉSENTS
Si les propriétaires sont à ce point convaincus, c’est qu’ils sont des gens « de plancher » en tout temps présents dans leur commerce, aux premières loges des commentaires de la clientèle. « Notre service est hautement personnalisé, explique M. Pettigrew. Je réponds au téléphone, je prends note des réservations, et toujours à l’ancienne, à la main, dans un grand livre. » Sylvain Pageau abonde dans le même sens : « Dès qu'on a connu un service comme celui-là, quand on reçoit personnellement les éloges et le sourire des clients satisfaits, qu’on leur serre la main, on devient accroc à cette belle proximité. Par ailleurs, comme les touristes constituent les deux tiers de notre clientèle l’été, rien ne me fait plus plaisir que d’entendre de nouveaux visiteurs nous dire qu’ils ont l’intention de revenir à Québec… spécialement pour revivre l’expérience du Continental. Bref, c’est pour nous une véritable passion, jour après jour. »
PROFITABLE INVESTISSEMENT
Depuis 2019, un million et demi de dollars a été investi pour améliorer les installations. Avant la pandémie, la cuisine avait été entièrement rénovée et agrandie, ce qui a notamment facilité les choses lorsque la restauration a été mise sur pause. « En effet, nos nouveaux fours intelligents nous ont permis de développer de nouvelles techniques pendant cette période difficile, notamment en préparant beaucoup de plats pour emporter, précise Mathieu. Parce que nous avions du temps, nous en avons profité pour perfectionner nos façons de faire. Ces fours à humidité et température contrôlées apportent notamment beaucoup de constance dans la cuisson. Qu’on cuise un ou 100 canards à l’orange par exemple, le résultat sera toujours identique. » Dotée d’un efficace système de ventilation et de climatisation, la nouvelle cuisine peut de vanter d’offrir aux employés une température de 21 degrés en plein été ! « Nous avons vraiment maximisé le confort du personnel, ajoute Sylvain. Il y a deux ans, nous avons aménagé une cuisine de préparation au sous-sol, à côté de la pâtisserie, tandis que cette année, nous avons refait l’image de notre grand salon, au 2e étage, qui peut accueillir une trentaine de convives et qu’on offre aussi en location pour des réunions et événements en tous genres. »
ASSURER LA RELÈVE
La mission atypique du Continental soulève l’enjeu crucial de la relève. « Trouver les ressources humaines qui nous conviennent est de plus en plus ardu, estime M. Pettigrew. La nouvelle génération est axée sur les résultats rapides, tandis que les écoles sont mal adaptées à notre formule. La solution réside donc dans la formation de longue haleine d’employés pour qui la restauration représente une véritable carrière, comme nous l’avons fait nous- mêmes. » Les propriétaires ont également recruté dans les dernières années des chefs de rang dans la francophonie. « En Europe, les cours de cuisine et de salle à manger, de niveau universitaire, sont davantage reconnus qu’ici, ajoute Sylvain Pageau. Et les candidats d’expérience sont heureux de pouvoir vivre chez nous un concept qui n’existe plus de leur côté de l’Atlantique. »
LE LIEU PARFAIT POUR LES OCCASIONS SPÉCIALES
Par le service et l’ambiance uniques qu’il propose, Le Continental s’avère l’endroit idéal pour célébrer les événements marquants de la vie, qu’il s’agisse d’une graduation, de fiançailles, d’une noce, d’un anniversaire de mariage, d’une promotion, d’un départ à la retraite ou de n’importe quelle occasion de rassembler des convives afin de passer un très agréable moment. « Servir jusqu’à la quatrième génération de clients que nous suivons depuis si longtemps est une expérience exceptionnelle, notamment caractérisée par une relation privilégiée qui se construit au fil du temps, exprime Mathieu. Nos habitués aiment être reconnus, car ils se sont attachés à nos serveurs dont plusieurs sont ici depuis longtemps et qui ont, pour la plupart, une vaste expérience de la restauration. »
Même si les murs de l’établissement n’en conservent aucun souvenir, beaucoup de célébrités s’y sont attablées au fil du temps, et notamment David Copperfield. À cet égard, la véritable magie du Continental réside dans sa formule unique, son atmosphère à nulle autre pareille, ses contacts humains chaleureux. « La vedette, c’est le service au guéridon, concluent ses propriétaires. Un classique intemporel… »