Il m’arrive parfois – plutôt rarement, pour
être bien honnête – d’être envahie par
une envie irrésistible de faire du ménage.
Quand cette frénésie aussi passagère
qu’inattendue s’empare de moi, je dégarnis
les penderies et je m’attaque aux tiroirs
obscurs. Vous savez, ces tiroirs qu’on n’ose
pas trop ouvrir, car il y règne un tel fouillis !
Eh bien, voilà que l’autre jour, tout un fond du tiroir de ma table
de chevet, camouflé sous une tonne de trucs, j’ai retrouvé ce joli
carnet rouge avec une inscription japonaise sur le dessus. Il devait
bien dormir là depuis au moins cinq ou six ans, si ce n’est pas plus.
En l’ouvrant, j’ai souri… Sur la première page, j’y avais inscrit les
mots suivants : « Petits moments de pur bonheur pour jours de
pluie ». J’ai pris une pause de ménage et j’ai entrepris de relire mes
notes, qui débutaient toujours de la même manière : « Le bonheur,
c’est… ». Dans ce carnet secret, j’y avais consigné toute une série de
doux moments vécus, petits et grands, qui représentaient, à mes
yeux, les multiples visages du bonheur. Par exemple : une bonne
bouteille de vin dégustée en bonne compagnie, une bouchée de foie
gras qui fond dans la bouche, un sourire complice, un compliment
sincère, un grand éclat de rire, un coup de fil inattendu, un succès
inespéré, un long bain chaud, une grasse matinée bien méritée, une
escapade en amoureux…
Je ne me souviens plus du tout pour quelle raison j’avais ressenti
le besoin de rédiger ce répertoire. Peut-être parce que les jours de
pluie (et de neiges tardives) sont monnaie courante au Québec et
qu’il faut faire provision de souvenirs positifs afin de se prémunir
contre la grisaille. Peut-être également parce qu’il est vital de faire
contrepoids aux déceptions et aux drames de la vie en cherchant
les petites joies là où elles se cachent… parfois tout au fond d’un
tiroir obscur.
Vive le ménage !
