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Alain Lemieux : l’homme d’affaires, le philanthrope & le passionné

5 décembre 2023 | Gilles Levasseur

Alain Lemieux : l’homme d’affaires, le philanthrope & le passionné

© Éric Côté, Les Productions Optimales

Le croiriez-vous ? Avant même qu’il apprenne à marcher, Alain Lemieux raffolait d’un jouet inédit pour un bambin : une rallonge électrique ! Déjà, sa voie semblait toute tracée. Puis, à l’âge de huit ans, un oncle électricien est venu à la maison pour réparer la cuisinière. « Impressionné par ses outils, j’ai eu la piqûre, se souvient-il, et mon intérêt ne s’est jamais démenti par la suite. » Quatre décennies à explorer le monde de l’électricité, à accumuler les réalisations en tant qu’entrepreneur et à repousser les limites de sa profession comme chef d’orchestre de Revenco, l’une des firmes d’électricité les plus en vue au Québec. Pour les membres de son équipage, il est un visionnaire inspiré et inspirant ! Son mantra : rigueur et passion, l’une n’allant pas sans l’autre. Quand on s’appelle Lemieux, comment faire autrement ?

Quatre décennies de contribution au monde de l'électricité

La carrière bien remplie d’Alain Lemieux n’a laissé que très peu de place à l’improvisation ou à la chance, car l’homme d’affaires croit profondément au pouvoir de la visualisation. « Quand on m’a offert en 2009 à 45 ans le poste de vice-président construction chez Revenco, cela faisait plusieurs années que je visualisais et préparais patiemment le parcours que j’entendais emprunter ainsi que sa destination finale, confie-t-il. J’ai toujours su que j’y serais un jour. » À l’école technique, il hésite entre l’électricité de construction et l’électronique, mais les débouchés plus alléchants en électricité le convainquent de poursuivre dans cette voie après avoir suivi des cours en électronique industrielle, robotique et hydraulique, des matières qui ont élargi ses horizons. Au terme de deux années chez un distributeur de luminaires, il travaillera comme apprenti électricien, électricien puis contremaître dans le secteur de la construction. Début trentaine, il s’inscrit à l’université pour compléter ses connaissances en gestion et en estimation notamment.

Après une douzaine d’années sur les chantiers comme contremaître, Alain Lemieux s’est davantage impliqué dans l’estimation et la gérance de projets à l’emploi d’un entrepreneur de la rive sud. Cinq années plus tard, on le retrouve chez Normand Coté Électricien, une entreprise qu’il a adorée pour ses belles valeurs familiales, où il travaillera « jour et nuit pour boucler le budget » pendant une décennie. « À mon arrivée, le chiffre d’affaires était d’environ 350 000 $, se souvient-il. Il atteignait 8 M $ quand j’ai quitté pour Revenco, où on m’a proposé d’assister le nouveau président, Mario Landry, que j’ai remplacé quelques années plus tard au moment de sa retraite. Là également, j’avais ma stratégie pour faire croître l’entreprise, dont le volume d’affaires, qui se chiffrait à 35 M $ avec 125 employés avant 2014, s’élève aujourd’hui, avec des ressources humaines trois fois plus importantes, à environ 200 M $. »

Des projets audacieux

Sitôt en poste, Alain Lemieux doit composer avec de gros mandats professionnels, notamment le très complexe projet de conversion à 25 kV du réseau électrique de la colline Parlementaire, ainsi que le désormais célèbre dossier de l’amphithéâtre de Québec. « Dans l’histoire de Revenco, il s’agissait d’un défi sans précédent, raconte M. Lemieux. Je me souviens qu’à l’ouverture des soumissions, notre proposition était de loin la plus basse par rapport à nos concurrents, à tel point que certains nous ont prédit un naufrage. En fin de compte, ce projet s’est révélé un formidable tremplin qui nous a permis d’en arriver à qui nous sommes aujourd’hui. »

En 2014 également, l’entreprise s’est lancée dans l’aventure des centres de données, d’abord dans le dossier 4Degrés, à Québec, devenu ensuite QC-21-22 et 23 appartenant à l'entreprise Vantage Data Centers. « Depuis presque 10 ans que nous y collaborons, et le projet grossit constamment. J’ai eu le privilège de connaître des gens exceptionnels qui nous ont emmenés à un autre niveau d’excellence. » Cela dit, foi d’Alain Lemieux, la contribution la plus haute en complexité de Revenco a été la première phase du centre de traitement informatique QScale, à Lévis. « Nous y avons réalisé un poste électrique de grande puissance, une section bureau de cinq étages en bois et le premier quadrant technique, réservé aux super ordinateurs, et conforme à la norme Tier 3, explique le président. Il faut dire que contrairement aux contrats standards, dont le contenu électrique occupe entre 10 et 15 % de l’ensemble, cette proportion monte à 55 % dans ces centres. Et pour nous compliquer davantage la tâche, la Covid nous est tombée dessus ! Le jeu en valait cependant la chandelle, car nous y avons intégré des innovations jamais installées en Amérique. De loin le défi le plus complexe, mais la plus belle salle électrique que j’ai réalisée dans ma carrière. C’est gratifiant pour l’ensemble de notre équipe de constater aujourd’hui l’envergure internationale de ce projet. Je lève mon chapeau aux fondateurs de QScale, des entrepreneurs visionnaires qui ont surmonté courageusement de multiples embûches. »

La recette du succès

Pour les entreprises comme pour les gens, trouver une niche particulière correspondant à son talent conduit généralement au succès. Après avoir bâti sa notoriété en se démarquant par la réalisation de projets ambitieux assortis d’échéanciers serrés, Revenco a identifié le créneau des centres de données et d’intelligence artificielle ainsi que du secteur hospitalier, de sorte que certains projets qui convenaient moins ont été mis de côté. « Nous avons investi beaucoup de temps et d’argent pour nous adapter aux critères d’excellence en matière d’installation et de qualité de mise en service en mettant sur pied une équipe spécialement dédiée à cette fin, ce qu’on appelle dans le jargon le commissionning, explique Alain Lemieux. En électricité, la plupart des bâtiments comportent 3 niveaux de mise en service alors que nous allons maintenant jusqu’au niveau 5, soit la synchronisation des essais avec charge électrique dans toutes les composantes d’un édifice. Nous sommes parmi les rares à avoir développé ce savoir-faire. Dans notre domaine, c’est le summum du clés en main. »

L'épreuve covidienne

Si l’expérience, le savoir, l’intuition et l’audace d’un entrepreneur lui permettent bien des réalisations, la vie a parfois de ces impondérables contre lesquels on ne peut rien. Pour Alain Lemieux, la pandémie mondiale et ses nombreuses restrictions ont constitué l’un des pires obstacles qu’il ait eu à affronter au cours de sa carrière. « Retards de livraison, augmentation du coût des matériaux associée à la rareté de plusieurs d’entre eux, il a constamment fallu s’ajuster et multiplier les heures supplémentaires pour livrer les projets, se rappelle M. Lemieux. Quand l’équipement commandé reste bloqué pendant des semaines dans des ports, tout est remis en question et le stress monte en flèche. Tout cela a demandé un effort colossal. »

Un leadership de type coaching

Avec du recul, le PDG de Revenco se rappelle qu’au début de sa présidence, son leadership se conjuguait davantage à l’autorité. « Pas dans le sens où je voulais tout contrôler, raconte-t-il, mais j’étais plutôt du type hiérarchique. Avec le temps, j’ai appris à bien connaître les membres de l’équipe, à laquelle se sont ajoutées des ressources de grande qualité, de sorte que mon style s’apparente aujourd’hui à la formule de leadership partagé, de coaching, qui requiert la collaboration, l’implication et la mobilisation des troupes. Face aux multiples défis actuels, il s’agit à mes yeux de la meilleure solution. Je suis vraiment bien entouré, mes associés me donnent confiance en l’avenir et l’effectif de l’entreprise est extraordinaire. »


© Éric Côté, Les Productions Optimales

« Quand on m'a offert, en 2009 à 45 ans, le poste de vice-président construction chez Revenco, cela faisait plusieurs années que je visualisais et préparais patiemment le parcours que j'entendais emprunter ainsi que sa destination finale. J'ai toujours su que j'y serais un jour »

Voir loin

Habitué à visualiser et préparer l’avenir, l’entrepreneur sait déjà que le créneau des centres de données et d’intelligence artificielle arrivera éventuellement à terme étant donné qu’Hydro-Québec attribue moins de permis pour des projets nécessitant beaucoup de puissance électrique. « Je travaille actuellement avec l’équipe pour identifier un créneau d’avenir novateur et inexploité qui nous permettra d’exprimer notre expertise et de repousser encore davantage nos limites, confie M. Lemieux. Parallèlement, nous consolidons les relations que nous entretenons avec nos clients. Avec mes cinq associés, ainsi que notre personnel, nous avons tout ce qu’il faut pour continuer notre progression. »


Questions en rafale à Alain Lemieux

Un privilège professionnel ?
Je me sens privilégié de travailler avec mon fils. Nous avons développé une très belle complicité. J’ai eu la chance de voir sa progression. Je suis très fier de lui !
Qu’est-ce qui vous ennuie le plus dans votre travail ?
Les litiges ! C’est long, pénible et coûteux. Et on y perd tous à différents degrés au bout du compte.
La voiture de vos rêves ?
Je suis amateur de Porsche. Je fantasme sur la Porsche 918 Spyder, mais ça restera un rêve.
Si vous deviez toujours avoir le même âge, quel serait-il ?
Cinquante ans ! C’est un bel âge, celui où j’ai repris le contrôle de ma vie, où je suis vraiment revenu sur les tracks, car de 45 à 49 ans, je n’ai fait que travailler.
Le dernier livre que vous avez lu et qui vous a passionné ?
De la performance à l’excellence, de Jim Collins. Quel est votre pire défaut ou imperfection ?
J’ai la maladie du perfectionnisme, je m’analyse constamment. Ma phrase fétiche : « Je vais le faire moi-même, je suis sûr que ce sera à mon goût. »


Donner au suivant

Ayant grandi dans un milieu défavorisé, Alain Lemieux ressent une empathie naturelle pour les personnes qui vivent des difficultés. Plusieurs causes retiennent son attention, comme le Centre Durocher, ainsi que le Tour CIBC Fondation Charles-Bruneau et la Randonnée Jimmy Pelletier, qui font également vibrer sa passion pour le vélo. Pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? « Je sais que j’ai beaucoup travaillé et fait des sacrifices, mais je suis conscient que je fais partie des privilégiés de la société. Donner au suivant, pour moi, c’est normal, car j’ai appris à la dure, j’ai commencé à travailler à 14 ans pour aider, avec mes deux sœurs, notre mère à s’en sortir. »


Questions en rafale à Alain Lemieux

Votre plus grande qualité ?
J’aime aider les autres.
Un rêve que vous n’avez pas encore réalisé ?
Faire les cols à vélo en Italie ou skier dans les Alpes françaises !
Que serait-on surpris d’apprendre sur vous ?
À quel point nous étions pauvres au début de ma vie. On a appris très jeunes à travailler et à prendre nos responsabilités. Avoir un jour une maison, c’était irréel… tout comme l’université, sauf pour un diplôme à l’école de la vie ! Qui sait, c’est peut- être cette grande pauvreté qui m’a amené à ce parcours de réussite… Je viens aussi d’une famille où l’honnêteté était une valeur fondamentale, j’ai toujours bâti là-dessus ma réputation. Les clients me confient des millions, il faut une confiance absolue. Je ne peux pas les décevoir.
Quel genre de musique préférez-vous ?
Rock nostalgique. Jazz. J’aime beaucoup la musique. L’une de mes filles est d’ailleurs professeur de musique. Les deux ont joué du violon avec les Violons du Roy au Palais Montcalm.
Votre résolution pour 2024 ?
Prendre davantage de temps pour moi et mes proches. Et retrouver mon rythme habituel d’activité physique, notamment dans le cyclisme, en couple. Dernièrement, j’ai fait l’acquisition d’un petit chalet sur un club privé de chasse et pêche. Un havre de paix, avec des rivières et trois lacs. Je pourrai ainsi inculquer des valeurs de respect et d’amour de la nature à mes petits-enfants, c’est pour moi une passion, et ce sera un endroit parfait pour le faire !


L'importance de la famille

Père de deux filles et d’un fils (qui est estimateur chez Revenco), Alain Lemieux a aussi une belle-fille, celle de sa conjointe.

« Nous avons le bonheur d'avoir cinq petits-enfants, ils sont notre trésor. Notre chalet dans Bellechasse a justement été conçu pour recevoir toute la famille. Lors de ces réunions de week-ends, je deviens un G.O., avec tout plein d'activités. Nous voulons leur transmettre notre passion pour la nature et le sport, leur faire découvrir la vie. »

Alain Lemieux entouré de ses deux filles, de son fils et de ses cinq petits-enfants.


« Nous avons aussi le bonheur d’avoir cinq petits-enfants dont l’âge varie entre trois et neuf ans, ils sont notre trésor, se réjouit l’homme d’affaires. Notre chalet dans Bellechasse a justement été conçu pour recevoir toute la famille. Lors de ces réunions de week- ends, je deviens un G.O., avec tout plein d’activités. Nous voulons leur transmettre notre passion pour la nature et le sport, leur faire découvrir la vie. Les générations qui nous ont suivis ont une perception différente de la place qu’occupe le travail, mes enfants recherchent davantage un équilibre, et d’une certaine manière, je les comprends, car je suis probablement passé à côté de plusieurs choses tout aussi importantes. Ne pas compter ses heures et travailler d’arrache-pied, c’est d’une autre époque. » Sa vision du couple ? « L’important est de se sentir bien ensemble, et surtout de nourrir les mêmes rêves en mariant les différences, insiste-t-il. J’ai la chance de pouvoir partager avec ma conjointe ma passion pour le ski et le vélo; elle est à la fois ma compagne et ma meilleure amie. »

Charles-Étienne Lemieux

Fils d’Alain Lemieux et estimateur chez Revenco depuis 2011

Quand on dit qu’Alain Lemieux aime scruter l’horizon longtemps d’avance, son fils Charles-Étienne en est un bel exemple. « Quand j’avais une douzaine d’années, mon père me demandait de compter les prises de courant et d’autres composantes électriques sur des plans, se remémore-t-il. À bien y penser, c’est exactement ce que je fais aujourd’hui, 20 ans plus tard en tant qu’estimateur chez Revenco. C’est vraiment spécial ! » Charles-Étienne a connu toutes les facettes de son père. Il dit tenir sa volubilité de sa mère, car Alain est d’un naturel plus réservé. « J’ai appris sur le tard la pauvreté qu’il avait vécue au début de sa vie, et ça m’a permis de donner un sens à tout ce qu’il a fait pour nous éviter semblable situation. S’il semble avoir l’impression de ne pas avoir été assez présent dans sa famille, jamais je ne l’ai ressenti ainsi, assure-t-il. Cela dit, mon père a fait beaucoup de cheminement sur le plan personnel, il a gagné dans l’expression de ses émotions, autant au travail qu’avec ses proches. Grâce à sa grande intelligence émotionnelle, il comprend les gens d’instinct, de sorte qu’il sait s’entourer des bonnes personnes, y compris les clients et partenaires. C’est une relation donnant-donnant, basée sur la confiance mutuelle. Il m’étonne toujours autant. »

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