Si Céline Dion a fait sauter son accent aigu pour le marché américain, Beyoncé affiche fièrement le sien. On le serait à moins : la reine du R&B descend de l’un des premiers maîtres des forges du Saint-Maurice et du plus grand héros de la résistance acadienne. Le jackpot généalogique que tout quidam aimerait trouver dans son arbre.
Étonné ? Obama a bien des origines irlandaises (O’Bama, dit-on là-bas, au Connemara). Alors, un peu de poutine québécoise et de ploye acadienne dans les veines de la jolie callipyge du Texas.
Beyoncé Giselle Knowles est née à Houston, le 4 septembre 1981. Son père, Matthew Knowles, afro-américain, est vendeur chez Xeros. Sa mère, Celestine Ann Beyincé, créole louisianaise, est coiffeuse. Enfant, Beyoncé multiplie les compétitions de jeunes talents, où elle brille par ses qualités de chanteuse et de danseuse. Avec son cousin et des copines d’école, elle forme Destiny’s Child, un groupe R&B qui atteint le sommet des palmarès avec Bills, Bills, Bills. En 2003, elle lance sa carrière solo avec Dangerous in Love, ce qui lui vaut cinq Grammys. C’est parti pour la gloire ! Elle en a ramassé 16 jusqu’ici, la propulsant au top du showbizz.
Lumis Albert Beyince et Agnez Deréon, les grands-parents de Beyoncé - Source : Site Tumblr de Beyoncé
Elle a bien connu quelques ratés, comme d’avoir chanté en concert privé pour l’infâme Kadhafi en 2010, d’avoir préenregistré l’hymne national lors de l’inauguration d’Obama en 2013 ou d'avoir levé le poing des Black Panthers aux Grammys cette année, mais dans l’ensemble, son parcours est presque sans faute. Pas de drogue ni de conneries comme tant de divas dans l’industrie. Pas de fesses à l’air ou de gestes obscènes en public non plus. Juste assez de sex-appeal pour exciter les bougalous.
Mariée depuis 2008 avec le rappeur Jay-Z, son mec de jeunesse, maman depuis quatre ans, elle mène une vie familiale tissée serrée qui rappelle un peu notre Céline de Charlemagne et son défunt gambler syrien. Selon Forbes, Jay et Beyoncé forment le quatrième couple le plus célèbre des États-Unis. En décembre 2014, Sasha Fierce (son nick) a réussi une première mondiale pour une grande vedette en lançant son nouvel album sur iTunes sans la moindre promo. Plus de 800 000 exemplaires vendus en trois jours. Un record pour le célèbre site.
Sur Wikipédia, sa bio est traduite en 90 langues, de l’afrikaans au tagalog. Première femme à atteindre le numéro un du Billboard à chacun de ses cinq premiers albums, Beyoncé est aujourd’hui l’une des chanteuses les plus populaires du monde. Tout juste derrière, Adele qui vient de la coiffer au sommet.
Des Vosges à Houston
Beyoncé ne parle pas un mot de français. On se rappelle encore en France profonde à quel point elle avait écorché les oreilles des « p’tits » choristes aux Oscars avec un fort accent… aigu ! Mais ses grands-parents maternels parlaient la langue de Zacharie Richard.
Lumis Albert Beyonce (1910-1982) et Agnez Derouen, les parents de sa mère Celestine, étaient des Créoles louisianais (un mélange de Français, Cajuns, Africains et autochtones). L’idée de Celestine d’appeler sa fille Beyoncé (avec un accent aigu) vient du désir de perpétuer cet héritage français. Le nom de Beyoncé (Beyince, Boillance) est assez commun dans certains coins de la Louisiane. Marie Olivier, la mère de Lumis, était blanche. Elle descend directement de Pierre-François Olivier de Vézin (1707-1776), l’un des pères des forges du Saint-Maurice.
Maître de forges dans les Vosges, Olivier débarque à Québec en 1735 avec le mandat d’examiner l’état des forges du Saint-Maurice, qui sont à l’abandon depuis la mort du premier propriétaire, François Poulin. Il croit pouvoir rendre le projet viable en utilisant un nouveau procédé de réduction du minerai de fer. Le Vézin a de gros projets, mais de petits moyens. Les travaux avancent lentement et coûtent plus cher que prévu (nos ingénieurs n’ont rien inventé, Madame Charbonneau). Le tout se termine dans la faillite en 1741. Bien connecté à la cour royale, il est nommé grand voyer en Louisiane (les Libéraux n’ont rien inventé, Madame Charbonneau). Il part pour le sud avec sa femme, Joseph Gatineau Duplessis (1720-1776?), une Trifluvienne de la troisième génération, leur fille Charlotte et leur fils Hugues (1748-1815). Véritable étalon, Hugues aura 29 enfants de quatre femmes différentes. Starbuck, c’est lui. Son fils Pierre-Louis (1783-1840) en aura neuf de sa première femme, qui mourra à 29 ans; son petit-fils Charles (1816-1876), en aura 16 avec Charlotte Bérard, dont Charles (1850-), le père de Marie Olivier. Comme l’ancêtre forgeron, les Olivier savaient chauffer le four… Même sous les palmiers !
Beyoncé descend directement de Pierre-François Olivier de Vézin (1707-1776), l’un des pères des forges du Saint-Maurice. - Photo : Parcs Canada / Jean Audet
Photo : Archives du Séminaire de Trois-Rivières / TI-258, no 48, 1845
Le site Ancestry.com a estimé à 3,1 % le sang irlandais (Irishness) de Barack Obama. « C’est peu, mais son Irishness est embrassé par tout le pays », a dit le premier ministre Enda Kenny lors de sa visite en 2011. « À partir du moment où Air Force One a touché le sol irlandais, le président américain revient à la maison, incarnant la réalisation du rêve américain. » Dans le village de Moneygall, un bled d’à peine 350 habitants que son arrière-arrière-arrière-grand-père Falmouth Kearney avait quitté pour l’Amérique, la limo et tout le cortège présidentiel se sont arrêtés pour célébrer le retour de l’Irish Boy au pays. Obama et sa femme sont descendus serrer la main des « cousins » qui lui criaient avec admiration « Welcome home, Mister President. Welcome home. » L’homme le plus gardé et le plus occupé du monde s’est ensuite arrêté dans le seul bar du village pour y déguster une Guinness, bien noire.
Beyoncé a quatre fois plus de sang québécois dans les veines. À quand le tapis rouge à Trois-Rivières, maire Lévesque, pour accueillir la reine du R&B dans les forges du Saint-Maurice ?
FAMILLE OLIVIER DE BEYONCÉ GISELLE KNOWLES
De Beausoleil à Beyoncé
Les racines françaises de Beyoncé ne s’arrêtent pas là. Sa grand-mère, Agnez Deréon (DeRouen), était la fille d’Eugène Gustave DeRouen, d’origine française, et d’Odilia Broussard, le nom le plus célèbre de la diaspora acadienne. Mélange de Che Guevara, de Thomas Jefferson et Moïse, Joseph Brossard dit Beausoleil était le chef de la résistance durant la déportation des Acadiens. Dans la diaspora louisianaise, Beausoleil est le plus grand héros de l’histoire acadienne.
Né à Port-Royal en 1702, Broussard (ou Brossard) croise le fer avec les Anglais dès 1747. Il est mis hors la loi par le gouverneur du Massachusetts pour avoir alimenté les forces françaises lors de la bataille de Grand-Pré. Lorsque la guerre de Sept Ans éclate, il mène une guérilla avec ses quatre fils et une partie de la population de l’isthme de Chignectou. Le jour même de la capitulation du fort Beauséjour, il capture un officier anglais et négocie avec Monckton un sauf-conduit. Il évite la déportation en se réfugiant dans les bois avec sa famille. Durant la bataille de Petitcoudiac, il arme un petit corsaire et réussit à capturer des bateaux anglais dans la baie de Fundy.
Broussard, le nom le plus célèbre de la diaspora acadienne, est aussi celui d’une ville en Louisiane. - Source : broussardchamber.net
Blessé en 1758 lors du raid de George Scott, il se réfugie au fleuve Miramichi. Réduit à la famine, il est finalement capturé en 1762. Emprisonné, le héros est déporté en Dominique en 1764. Incapable de supporter le climat haïtien, Beausoleil est parmi les 200 Acadiens qui débarquent en Louisiane le 27 février 1765. Nommé commandant des Acadiens d’Attakapas de Saint-Martinville, il meurt le 20 octobre de la même année. Une ville porte son nom en Louisiane.
LIGNÉE ACADIENNE DE BEYONCÉ
LIGNÉE QUÉBÉCOISE DE BEYONCÉ
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Vendredi 15 avril, de 20 h à 21 h
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Dimanche 17 avril, de 12 h à 13 h