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Devriez-vous détenir votre assurance vie dans votre société ?

9 février 2024 | Olivier B. Ampleman, Financière Banque Nationale

Devriez-vous détenir votre assurance vie dans votre société ?

Olivier B. Ampleman

CFA, CAIA, M. Fisc., Pl. Fin., TEP est conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille dans l’Équipe Ampleman de la Financière Banque Nationale – Gestion de patrimoine.

Chez les entrepreneurs et professionnels incorporés, une question revient régulièrement : est-il préférable de détenir son assurance vie personnellement ou à travers sa compagnie ? Même lorsque le but n’est pas de combler des besoins d’affaires, il est souvent intéressant de le faire par l’entremise de sa société, notamment pour des raisons fiscales. La décision ne devrait cependant pas être prise à la légère, car elle pourrait entraîner des conséquences inattendues. Chaque cas est unique et divers facteurs doivent être considérés avant d’agir.

UNE MEILLEURE RENTABILITÉ GRÂCE À LA FISCALITÉ

L’un des attraits de souscrire l’assurance vie dans une société par actions réside dans le fait que les fonds nets d’impôt requis pour payer les primes seront généralement moindres pour la compagnie que pour son actionnaire. En effet, bien que les primes ne soient que rarement déductibles, moins de revenus auront habituellement été nécessaires pour générer les liquidités servant à les payer en raison de différences marquées dans les taux d’imposition.

À titre illustratif, le taux d’imposition marginal s’établit au minimum à 31,53 % pour un particulier québécois gagnant plus de 51 780 $ en 2024, alors que le « petit taux » (bénéficiant de la déduction pour petite entreprise) et le « gros taux » d’imposition corporatifs sur les revenus d’entreprise, eux, sont respectivement fixés à 12,2 % et 26,5 %.

Comme pour un particulier, après le décès, la société recevra la prestation libre d’impôt. De plus, la différence entre ce montant et le coût de base rajusté (CBR) de la police s’ajoutera au compte de dividende en capital (CDC), qui permet de verser des dividendes également libres d’impôt. En général, cela rendra la détention corporative plus rentable pour l’actionnaire. La prudence s’impose toutefois : étant donné l’importance du crédit au CDC sur cette rentabilité, cela signifie que des pertes en capital latentes ou déjà réalisées – qui réduiraient le montant pouvant être versé sans impôt – pourraient limiter l’attractivité de cette stratégie.

D’autre part, le fait de payer les primes dans la société permettra sans doute d’y réduire les revenus passifs; des revenus non seulement surimposés – pour la plupart d’entre eux – par rapport aux mêmes revenus s’ils étaient gagnés personnellement, mais entraînant aussi la réduction progressive du montant de revenu annuel admissible au petit taux lorsqu’ils excèdent 50 000 $ dans une année. Un coût, sous la forme de la perte partielle ou totale de l’avantage du report d’impôt sur les premiers 500 000 $ de revenus d'entreprise exploitée activement, pourrait donc être évité ou minimisé. D’ailleurs, même le revenu tiré du placement dans une police d'assurance vie permanente n’est pas considéré comme un revenu passif dans la mesure où la police est exonérée.

ATTENTION DE PROTÉGER VOTRE ÉLIGIBILITÉ À LA DÉDUCTION POUR GAINS EN CAPITAL !

La vigilance est toutefois de mise lorsqu’il y a possibilité que la société soit vendue, particulièrement puisque la détention corporative pourrait compromettre le droit à l’exonération cumulative des gains en capital, qui permet d’éviter l’impôt sur 1 016 836 $ de gains en capital en 2024, lorsque les actions sont des « actions admissibles de petite entreprise ». Or, les assurances vie – et leurs valeurs de rachat – ne sont pas considérées comme des actifs qui sont principalement utilisés dans une entreprise canadienne exploitée activement, ce qui pourrait entraîner le non-respect de certains critères, et la perte d’un avantage pouvant valoir jusqu’à 271 038 $ par particulier québécois.

Lorsque l’on constate que ces critères ne sont pas respectés, il est normalement possible de « purifier » la société en transférant la police à son actionnaire, que ce dernier soit une société de gestion ou le propriétaire, par le biais d’un dividende en nature. Il faut toutefois savoir que cela peut avoir des conséquences fiscales importantes, spécialement lorsqu’il s’est écoulé beaucoup de temps depuis le moment de la souscription ou que l’état de santé de l’assuré s’est détérioré, entraînant ainsi une hausse de la valeur de la police.

Gardez en tête que souscrire une assurance vie permanente dans une société opérante, tout comme dans une société de gestion qu’on envisage de liquider du vivant de l’assuré, est rarement recommandé.

QUI VOULEZ-VOUS AVANTAGER ?

La détention corporative peut complexifier la planification successorale de l’actionnaire dans la mesure où le bénéficiaire de la prestation doit être la société titulaire du contrat pour ne pas entraîner de conséquences fiscales immédiates. Il est crucial que vos documents légaux (testament, convention entre actionnaires, etc.) et la structure de l’actionnariat soient coordonnés pour que les bénéficiaires ultimes que vous souhaitez avantager reçoivent bel et bien les sommes attendues, et ce, sous la forme de dividende désirée, selon votre planification. Aussi, le règlement d’une succession exigeant fréquemment de 12 à 36 mois, ces personnes devront posséder suffisamment de liquidités afin de combler leurs besoins au cours de cette période.

LA PROTECTION CONTRE LES CRÉANCIERS

Le fait que la police soit la propriété de la société l’expose aux créanciers de celle-ci, contrairement à la détention personnelle. Dans ce dernier cas, si la désignation de bénéficiaire appropriée est faite, la police et son éventuel capital-décès peuvent même être insaisissables pour les créanciers personnels. Cela peut constituer une considération non négligeable pour des entrepreneurs et professionnels plus à risque.

L'ASPECT LE PLUS IMPORTANT : CONSULTEZ VOS PROFESSIONNELS

Si la rentabilité d’une détention corporative peut, à première vue, paraître plus élevée que celle d’une détention personnelle, et permettre des possibilités de planification supplémentaires, elle pourrait également entraîner différentes complications. Pour identifier celles qui pourraient faire dérailler la mise en œuvre du plan, et prendre une décision éclairée, il demeure donc primordial de consulter votre conseiller, votre comptable ou fiscaliste, et vos juristes. Leur expertise s’avère nécessaire pour tenir compte de tous les éléments qui composent votre situation et pour être en mesure d’optimiser votre patrimoine, cela, sans tomber dans les divers pièges de la fiscalité et du droit des sociétés.

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