Contrairement à ce que beaucoup pourraient croire, il est généralement plus ardu de gravir les échelons d’une entreprise familiale lorsqu’un lien filial caractérise la relève. C’est ce que vit l’aînée des six enfants du PDG Éric Pichette, Audrey, qui, à 23 ans, est directrice de comptes et cheffe d’équipe.
« Mon père est mille fois plus exigeant envers moi qu’il l’est pour quiconque chez Qualinet, assure-t-elle, de sorte que je dois gagner chaque jour par mes efforts la place que j’occupe présentement. » Tel est d’ailleurs le mantra paternel : travail égale résultat. Poussée par la même ambition que son père et mentor, Audrey est donc la première des trois autres filles et deux garçons de la famille à suivre — et avec autant de passion — les traces du fondateur. Au sein d’une entreprise consacrée aux urgences, le défi n’a rien de commun.
« Mon père est mille fois plus exigeant envers moi qu’il l’est pour quiconque chez Qualinet, de sorte que je dois gagner chaque jour par mes efforts la place que j’occupe présentement. » - Audrey Pichette, fille d’Éric Pichette, fondateur et PDG de Qualinet.
Le monde du nettoyage après sinistre n’est vraiment pas une partie de plaisir. Cette spécialité requiert une connaissance pointue des règles de l’art, une grande minutie, du contrôle de soi, de la présence d’esprit, une capacité à gérer la pression et de lourdes charges de travail, une totale disponibilité, de la discrétion ainsi que du respect et de l’empathie envers les personnes touchées par un sinistre. En effet, celles-ci se trouvent bien souvent déjà au comble de l’émotivité et du stress sans compter leur intimité mise à nu.
À l’instar de son père, Audrey Pichette a déjà démontré qu’elle est de cette trempe. En effet, Qualinet baigne dans les urgences 24 heures par jour et 365 jours par année, comme les hôpitaux ou les services policiers et ambulanciers. Quand elle est de garde, pas question de faire la fête avec des amis, elle doit conserver la forme, la discipline personnelle est de rigueur, car l’imprévu n’est jamais loin. La jeune femme sait pertinemment que les sinistrés comptent sur ceux qui sont appelés à leur rescousse et elle honore au maximum cette confiance. « Audrey a fait preuve dès son jeune âge d’un sens aigu des responsabilités », confirme son père, qui lui a également confié un rôle de formatrice au sein du réseau provincial ainsi que la prise en charge du suivi auprès des clients nécessitant une attention particulière. « Je trouve très valorisant de pouvoir ainsi, partout au Québec, transmettre mes connaissances aux autres — c’est ce qui me satisfait le plus dans mon travail — et de me voir attribuer la gestion des cas les plus difficiles », dit-elle.
À cet égard, le quotidien des employés sur le terrain va parfois bien au-delà du célèbre dégât d’eau de la pub auquel on pense spontanément, à preuve ces drames qui font partie de la vie. Faire disparaître toute trace d’un suicide violent ou d’un décès passé inaperçu pendant des semaines demande autant de sang-froid que de maîtrise émotionnelle et de dignité en plus d’une méthode de travail ne laissant nulle place à l’erreur. Bref, qu’une jeune femme de 23 ans évolue à son aise dans cet univers professionnel secouant allègrement les zones de confort a de quoi étonner. À tel point que pour se changer les idées, elle raffole du cinéma, et — le croiriez-vous ? — plus particulièrement des films d’horreur… Ça ne s’invente pas, même si dans la vraie vie, elle est de tempérament jovial. « Heureuse et confiante, c’est une jeune femme positive de façon générale, je n’ai jamais vu Audrey de mauvaise humeur », assure Roger Vigneault, le directeur des opérations de Qualinet et l’un des piliers de longue date de l’entreprise. Cet enthousiasme est aussi très apprécié des assureurs avec lesquels elle entretient d’importants échanges au quotidien.
L’école de la vie
Lorsqu’elle a commencé à s’apprivoiser à Qualinet pendant ses études secondaires, l’adolescente a rapidement ressenti la piqûre pour ce domaine atypique. Tellement que son intérêt pour l’école s’est déplacé vers le marché du travail après l’obtention de son premier diplôme. Aucun doute, son chemin était tout tracé, car elle aspire aux plus hautes fonctions au sein de l’organisation. La relève de seconde génération porte donc son nom, pour l’instant du moins, car il appert que Justin, 14 ans, lorgne aussi du côté de l’entreprise même si la formation scolaire demeure prioritaire dans les prochaines années. Au dire d’Éric Pichette, la relève familiale sera bien sûr encouragée, mais les jeunes auront le libre arbitre d’y adhérer ou non, et si oui, une fois leurs études complétées.
Comme sa fille carbure plus que tout à l’adrénaline du terrain, le PDG l’a d’abord fait travailler à tous les postes, sauf à l’administration, pour qu’elle se forge un portrait global des différentes facettes de la compagnie. Elle a acquis à titre de technicienne des compétences en désinfection et en décontamination, elle a étudié les différentes technologies permettant notamment de restaurer des documents et d’accroître l’efficacité des interventions. Rien n’est simple dans l’art de tout remettre en ordre à la suite d’un dégât d’eau. « Il est fréquent que des sinistrés nous demandent pourquoi nous n’accélérons pas au maximum le processus d’assèchement, mentionne Audrey. Alors que dans les faits, la procédure obéit à des critères très précis. En effet, si on sèche trop rapidement, les matériaux comme le bois vont se déformer de façon définitive, tandis que si le processus est trop lent, les moisissures risquent d’apparaître. Comme dans une recette, tout est question de dosage. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. »
À gauche, Justin, l'aîné des garçons, Éric Pichette et, bien sûr, Audrey.
Départager famille et travail
Réaliser un processus de relève à long terme comporte des enjeux particuliers lorsque le patron est aussi le père. « Je dois donc gérer à la fois l’émotion et la raison, car une relation parent-enfant transporte toujours une charge émotive, l’envie de bien faire, le réflexe de ne jamais décevoir. Et comme à certains moments c’est le patron qui parle, et à d’autres le père, je dois avoir la sagesse de séparer l’émotion pour appuyer sur le bouton de la raison, départager l’une de l’autre. Pour faciliter les choses, nous avons établi un code : c’est le patron qui parle quand je porte mon uniforme. » Quant à cette rigueur supplémentaire que son père lui impose, elle ne peut à tête reposée que constater qu’il lui rend service à plus long terme même si le sirop est parfois amer. « C’est vrai, admet Éric, mais comme je connais ses ambitions, j’insiste toujours pour qu’elle vise l’excellence, d’autant plus qu’en tant que cheffe d’équipe, elle doit donner l’exemple. Chose certaine, nous devons être à la hauteur des exigences que requiert notre secteur d’activité, sinon la survie même de l’entreprise serait en jeu. » En réalité, Audrey voit son père comme un mentor parce qu’il est lui-même le reflet de ce qu’elle poursuit comme objectifs et qu’il passe de la parole aux actes. « L’exemple vient d’en haut, et ça force l’admiration. » Cela dit, ses aspirations professionnelles, bien que prioritaires pour le moment, ne lui font pas perdre de vue son désir de fonder un jour une famille.
« Je rêvais depuis longtemps d’une motomarine. Aux gens qui ont pensé que mon père me l’avait offerte, je réponds que j’ai économisé pendant plus de deux ans pour me la procurer. »
Apprendre l’autonomie
Les rumeurs vont souvent bon train lorsqu’on est la fille de…, mais la réalité est tout autre ici. Éric Pichette a décidé qu’il ne ferait pas de cadeau financier important à ses enfants afin de leur apprendre que lorsqu’on désire quelque chose, on n’est jamais si bien servi que par soi-même. « Je rêvais depuis longtemps d’une motomarine, raconte-t-elle, cette activité me permet de décrocher complètement lorsque je suis en congé. Aux gens qui ont pensé que mon père me l’avait offerte, je réponds que j’ai économisé pendant plus de deux ans pour me la procurer. Même chose pour la maison achetée récemment, qui, par ailleurs, est voisine de la résidence familiale. »
Les valeurs familiales figurent en tête de liste chez les Pichette, toute occasion étant propice à se retrouver tous ensemble. Cette photo récente prise à Noël en 2022 est l’image ultime d’une famille tricotée serrée.
Une famille tricotée serrée
Les valeurs familiales figurent en tête de liste chez les Pichette, toute occasion étant propice à se retrouver tous ensemble. Là encore, plusieurs pourraient croire à une vie luxueuse, mais entre autres exemples, durant la belle saison, le plus grand plaisir du clan est le camping (à neuf !) dans une grande roulotte, sur un terrain à proximité de Québec, urgence Qualinet oblige ! Même leur propriété secondaire sise sur les berges d’un lac se voit reléguée à l’arrière-plan. « Lors de nos réunions en famille, il faut souvent se rappeler à l’ordre pour éviter d’aborder les affaires du bureau même si ça nous démange souvent », avoue le patron dans un clin d’œil. Leur capacité à se serrer les coudes dans les moments difficiles s’est particulièrement illustrée lors du décès de Richard Pichette à l’été 2020, alors qu’il œuvrait toujours dans l’entreprise de son fils. C’est lui qui avait initié Éric à cette industrie alors qu’il évoluait dans le domaine, ce qui a fini par motiver son fils à donner naissance à l’entreprise que l’on connaît et qui, foi de fondateur, « conservera toujours son siège social à Québec tant que je serai vivant ! »
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