En 2012, Forbes a couronné Angela Merkel « femme la plus puissante au monde » ; Hillary Clinton est arrivée tout juste derrière la chancelière en pantalons. L’ancienne First Lady, devenue secrétaire d’État sous Obama, est d’origine québécoise par sa grand-mère maternelle, Della Murray (1902-1960). Des femmes fortes, notre peuple en a produit une trâlée, de Jeanne Mance aux Janettes, de Marie de l’Incarnation à Pauline Marois, la dame de béton. Or, avec Hillary Rodham Clinton, on atteint un podium mondial !
Dans son autobiographie, Hillary décrit sa grand-mère Della comme « l’une des neuf enfants d’une famille de Canadiens français, d’Écossais et d’Autochtones ». On n’a pas trouvé de traces amérindiennes dans l’arbre de Della, mais les racines françaises et canadiennes-françaises sont bel et bien là.
Della Murray est née à Aurora, une banlieue de Chicago. En 1918, à 16 ans à peine, elle épouse Edwin John Howell Jr (1897-1946), un modeste pompier (la profession n’est devenue glamour qu’à la fin du 20e siècle). L’année suivante naît Dorothy Emma Howell, la mère de la deuxième femme la plus puissante au monde.
Les Howell-Murray étaient loin de former un couple de parents modèles, au dire même de l’ancienne secrétaire d’État. « Mes grands-parents maternels n’étaient vraiment pas prêts à avoir des enfants. Della délaissait ma mère, alors qu’elle n’avait que trois ou quatre ans, la laissant seule pendant des jours, avec seulement des tickets en poche pour des repas à utiliser dans un restaurant proche de leur appartement, situé au cinquième étage d’un immeuble sans ascenseur au sud de Chicago. » Hillary a bien connu sa grand-mère, « une femme qui ne se refuse rien, nourrie de séries télévisées et déconnectée de la réalité ». Elle est morte à Miami ; Hillary avait 12 ans.
Antoine Martin, le grand-père de Della, était Français. Né probablement en Alsace en 1816, il est débarqué à Detroit vers 1850, dans les grandes vagues d’immigration. Fondée par Cadillac en 1701, la ville n’a été donnée aux Américains qu’en 1796, après le traité de Londres. Un incendie, en 1805, a détruit toute l’architecture française, laissant place à ce qui allait devenir, au 20e siècle, la ville de l’automobile, et au 21e, un désert urbain.
En 1841, Antoine Martin épouse la jeune Mary Ann McDougall (1823-1898), à Windsor, de l’autre côté de la rivière Detroit. Le couple est resté quelques années au Canada avant de traverser la frontière. Mary Ann (aussi appelée Marie-Françoise) était la fille de Catherine Gaudet dit Marentette (1793-1855), descendante directe de Nicolas Godé (1583-1657) et de Françoise Gadois (1593-1689), la première famille montréalaise. Les Louis Hébert et Marie Rollet de la métropole.
Du Perche à la présidence des États-Unis
Nicolas Godé quitte son Perche natal en 1642, avec son épouse et ses quatre enfants. C’est la seule famille parmi la cinquantaine de fondateurs de Ville-Marie. Les autres, de Maisonneuve à Jeanne Mance, sont célibataires.
Une enfant de la diaspora montréalaise, bientôt occupant le poste le plus important de la planète ?
Nicolas est charpentier. Le 25 octobre 1657, à 74 ans bien sonnés, alors qu’il travaille à la réfection du toit de sa maison avec son gendre, Jean de Saint-Père, et un domestique du nom de Jacques Noël, il reçoit la visite inquiétante d’une demi-douzaine d’Iroquois. Les relations avec les Iroquois sont tendues, elles le sont, en fait, depuis que Champlain s’est collé aux Hurons en 1609 dans la bataille du lac Champlain. La Grande Paix de Montréal, qui mettra fin à un siècle de guérilla, ne sera signée qu’en 1701. Entre-temps, il faut faire gaffe au centre-ville de Ville-Marie. Pour faire baisser la tension, Godé les invite à manger. Après le gueuleton, croyant les avoir apprivoisés, Godé et ses hommes reprennent les travaux sur le toit sans se méfier de la férocité des Agniers. Ces derniers s’emparent des fusils des Français, les tuent à bout portant, puis les scalpent, tradition ancestrale oblige. « Il est bien sensible de voir périr les meilleurs habitants qu’on ait par des lâches infâmes qui, après avoir mangé leur pain, les surprennent désarmés, les font tomber comme des moineaux de dessus le couvert d’une maison », écrit, scandalisé, François Dollier de Casson (1636-1701), premier historien montréalais, qui relate en détail l’horrible drame. La veuve Françoise, qui échappa au massacre, mourra à 96 ans !
Les Républicains qui, pourtant, ont réélu Ronald Reagan à 73 ans, questionnent déjà l’âge élevé de Mme Clinton, qui aura 69 ans aux présidentielles de 2016. Si Hillary a hérité des gènes exceptionnels de Françoise, l’âge ne devrait vraiment pas être un handicap sérieux à son élection.
Une enfant de la diaspora montréalaise, bientôt occupant le poste le plus important de la planète ? Mettez le champagne sur la glace, monsieur le maire Coderre, et lancez les invitations parce que, tradition oblige, les présidents américains effectuent toujours leur premier voyage à l’étranger au Canada.
LIGNÉE QUÉBÉCOISE D’HILLARY RODHAM CLINTON
RODHAM, Hugh Ellsworth (1911-1993)
HOWELL, Dorothy Emma (1919-2011)
m. 1942
HOWELL, Edwin John (1897-1946)
MURRAY, Della (1902-1960)
m. 29 juin 1918, Chicago, Illinois
MURRAY, Daniel (1859-1921)
MARTIN, Délia (1861-1920)
m. 6 avril 1882, Detroit, Michigan
MARTIN, Antoine (1816-
MCDOUGALL, Mary Ann (Marie-Françoise) (1823-1898)
m. 22 juin 1841, L’Assomption, Sandwich, Windsor
MCDOUGALL, James (1793-
GAUDET, dit MARENTETTE, Catherine (1793-1855)
m. 9 janvier 1821, L’Assomption, Sandwich, Windsor
GAUDET dit MARENTETTE, Joseph Charles (1751-1818)
PILET, Jeanne-Marie (1756-1824)
m. 19 février 1775, L’Assomption, Sandwich, Windsor
GAUDET, Jacques (1699-1760)
BEAUDRY, Louise-Marie (1724-1766)
m. 15 août 1743, Mission des Hurons, île Bois-Blanc
GAUDET, Jacques (1673-1729)
DUGUAY, Marguerite (1680-1730)
m. 4 novembre 1698, Trois-Rivières
GODÉ, Nicolas (1629-1697)
PICARD, Marguerite (1643-1722)
m. 12 novembre 1658, Montréal
GODÉ, Nicolas (1583-1657)
GADOIS, Françoise (1593-1689)
m. 1620, St-Martin D’Igee, Perche, France